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Cameroun > Port Autonome de Douala-Dit: Chronique d’un coup de théâtre judiciaire à Paris

Comment le Port Autonome de Douala a remporté in extremis la bataille judiciaire contre la filiale du groupe Bolloré dans l’affaire de la concession du terminal à conteneurs du port de Bonabéri devant la Cour de cassation française, après avoir préalablement été condamné à payer près de 40 milliards de Fcfa d’indemnisation à DIT. Une affaire de connivences entre un juge du tribunal arbitral du commerce et l’avocat du groupe Bolloré à l’origine de ce retournement de situation.

Par panorama papers
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Par Arlette Akoumou Nga

C’était un véritable jour de gloire pour le Port Autonome de Douala (Pad) en France. Le 19 juin dernier, la première chambre civile de la Cour de cassation de Paris a rejeté le pourvoi en cassation formé par la société Douala International Terminal (Dit) à l’encontre de l’arrêt de la Cour d’appel de la même ville en date du 10 janvier 2023. Cet arrêt vient annuler, pour composition irrégulière du Tribunal arbitral, la sentence arbitrale rendue le 10 novembre 2020 sous l’égide de la Chambre de commerce internationale (Cci) de la capitale française, qui condamnait le Pad à la somme de 58,6 millions d’euros, soit environ 40 milliards de Fcfa en réparation de ce que cette juridiction a considéré comme un préjudice inhérent à la perte de chance de DIT dans l’appel d’offres relatif au renouvellement de la convention de concession du terminal à conteneurs du port de Douala Bonabéri, à compter du 1er janvier 2020. Commentant ce dénouement quasi inespéré pour l’entreprise portuaire qui avait mordu de bout en bout la poussière face à la filiale du groupe Bolloré devant la justice camerounaise, le top management du Pad a dit se réjouir et se féliciter « de cette décision qui vient mettre un terme aux spéculations de toutes natures sur le fonctionnement de son terminal à conteneurs, et qui lui permet de poursuivre résolument le recouvrement de sa quote-part des pénalités de stationnement retenues à tort par DIT S.A ».

Le Pad avait, en effet, mis en demeure DIT de lui reverser 24 milliards de Fcfa au titre des frais de stationnement. Pour comprendre, ce feuilleton judiciaire commence en 2018, lorsque le Pad, l’entité publique en charge de la gestion du port de Bonabéri, lance un appel d’offres relatif au renouvellement de la convention de concession du terminal à conteneurs de cet espace portuaire. Le consortium Bolloré-APM Terminals qui forme DIT SA et dont le contrat vient de s’achever, se jette dans la course pour son renouvellement pour la période 2020-2035. Seulement, il va subir un cinglant revers au moment du dévoilement des résultats de l’appel international à manifestation d’intérêt, en se classant en septième position au terme de l’étude des différents dossiers de candidatures. Le marché est remporté par le groupe MSC/TIL, un outsider que personne n’avait vu venir. Non content de ce résultat au motif que l’appel d’offres aurait été conduit contre ses intérêts, DIT va immédiatement saisir le Tribunal administratif du Littoral aux fins de suspensions de la procédure. Le 16 août 2019, cette juridiction prend une ordonnance dans ce sens, qui est attaquée à son tour par le PAD devant la Cour suprême du Cameroun, en soutenant que le processus ayant conduit à la sélection de MSC/TIL avait été transparent de bout de bout.

Nouvel appel d’offres

Entre 2018 et 2019, un total de 9 décisions a été prononcé devant la justice camerounaise en défaveur, les unes après les autres, du Port Autonome de Douala. La plus difficile aura sans doute été celle du 26 décembre 2019 portant annulation de la procédure d’attribution de la concession du terminal. D’où la décision du PAD de porter l’affaire en arbitrage devant le Tribunal de commerce de Paris. Là-bas également, il va mordre la poussière. C’est d’ailleurs cette juridiction qui, le 10 novembre 2020, donne raison à DIT qui, d’après elle, n’était redevable d’aucune somme envers le PAD au titre des frais de stationnement. Dans sa sentence, le tribunal déclare sans fioriture que l’entreprise portuaire a manqué à ses obligations dans ce processus de renouvellement de la concession, en vertu de l’article 25 de la convention de concession qui la liait à la filiale du groupe Bolloré. En conséquence, elle devait réparer le préjudice causé à DIT du fait de cette violation. Conformément à ce jugement, le montant de l’indemnisation devait être calculé proportionnellement à la période pendant laquelle la société DIT a été privée de la possibilité de participer à un appel d’offres international ouvert, à partir d’un préjudice de 58,6 millions d’euros pour la durée totale de la concession de 15 ans rapportée à la période réelle entre la fin de la convention de concession et le premier jour de la nouvelle concession attribuée suite à la mise en place du nouvel appel d’offres international ouvert.

Baroud d’honneur

Les carottes étaient en effet cuites pour le PAD, jusqu’à ce que soit mise en lumière une affaire de connivences entre un des juges du tribunal arbitral et un avocat du groupe Bolloré. Celle-ci éclate le 1er avril 2021, à la suite du décès de l’éminent juriste français Emmanuel Gaillard, une grande figure universitaire en France et aux Etats-Unis. C’est en effet lui qui pilotait en tant qu’avocat le dossier du terminal à conteneurs du port de Douala pour DIT. A la suite de son décès donc, le magistrat Thomas Clay, qui a prononcé le jugement contre le PAD devant le tribunal arbitral du commerce, se fendra d’un vibrant hommage, dévoilant la relation particulière qu’il entretenait avec le défunt avocat. Il y décrit une amitié de vingt ans qu’il n’a pas daigné signaler pendant la procédure devant la Cour, conformément aux règles régissant l’arbitrage. Le PAD en profitera pour retourner la situation en sa faveur. Ce baroud d’honneur devant la justice française va déboucher sur une victoire éclatante. La Cour d’appel de Paris, d’abord, et la Cour de cassation de France, ensuite, vont lui donner gain de cause après avoir établi la connivence entre feu Me Gaillard et le juge Clay. C’est en effet ce coup de théâtre qui a sauvé le recours en annulation introduit par le PAD et conduit à l’invalidation de la demande de DIT de condamner le Port Autonome de Douala pour procédure abusive. L’entreprise publique n’aura ainsi rien à payer à DIT après la décision de la Cour de cassation du 19 juin dernier.

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