Accueil Infos Continu Cameroun > Problématique de la vulnérabilité économique des entreprises de presse: Cas des radios urbaines des grandes villes (Acte I)

Cameroun > Problématique de la vulnérabilité économique des entreprises de presse: Cas des radios urbaines des grandes villes (Acte I)

Jusqu'à la fin des années 80, le champ médiatique était structuré autour du monolithisme médiatique. En effet, seul le media d'État (radio nationale-Poste national de la Crtv-) avait l'apanage de l'existence dans l'espace public camerounais.

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Par Serge Aimé Bikoi

Dès le début des années 90, à la faveur de la libéralisation des mass médias et, singulièrement, à la faveur de la consécration de la loi sur la communication sociale au Cameroun, bien de médias (organes de presse écrite, radios et chaînes de télévisions locales) sont nés et ont investi le champ médiatique local. Les premières radios urbaines à capitaux privés ont commencé à émettre sur la bande FM dès 1999. Radio Venus et Radio Lumière à Yaoundé sont les premières chaînes Fm commerciales à investir le paysage. A Douala, Sweet FM est la première radio ayant commencé à faire des émules dans la capitale économique camerounaise.

Dès le début de l’an 2000 jusqu’à la fin de cette décade, il y a eu un boom des radios privées qui avaient été, tour à tour, créées : Radio télévision Siantou devenue Radio tiemeni siantou(Rts); Magic Fm; Satellite Fm; Sky one radio; Radio campus; Radio Reine; Tbc(Tom broadcasting corporation); Kalak Fm; Radio Bonne nouvelle; Radio Maria; etc sont nées dans le siège des institutions de la République et opposaient une concurrence à la Fm 94, qui était la seule chaîne Fm commerciale présente dans cet environnement. À Douala, Radio Équinoxe, Radio Nostalgie, Dynamique Fm, Radio Estuaire, Rsi(Radio sport info), Radio Veritas, Balafon Fm, Abk radio, etc ont aussi vu le jour et visaient, elles aussi, à rivaliser d’adresse avec la Fm 105 Suelaba, seule chaîne Fm commerciale existante dans le Littoral.

De 2000 à 2022, selon les statistiques récentes du ministère de la Communication (Mincom), les grandes villes camerounaises (Yaoundé et Douala) disposent, chacune, au moins, d’une quarantaine de radios sur la bande FM. Plus de deux décennies après, certaines radios urbaines ont fermé boutique, évoluent en mode silence ou, du moins, fonctionnent, aujourd’hui, dans une certaine ankylose (somnolence). Radio Lumière et Radio Venus, qui sont les premières chaînes Fm commerciales, ont, du moins pour l’une d’entre elles, disparu de l’espace médiatique après le décès de leurs promoteurs, Joseph Ndi Samba et Lucien Mamba. D’autres radios, nées après la première décade des années 2000, ont aussi disparu du kaléidoscope médiatique : Kora Fm, Kiss Fm, Tbc, Radio Reine, Afrik Radio, Mekit Fm, Radio Nostalgie, etc. Avec la récente actualité concernant Capitale Fm, cette radio privée est née en fin novembre 2021, mais six mois après, le promoteur de cette chaîne Fm urbaine a mis le personnel en congé technique. Aujourd’hui, le promoteur a muté le top management de la radio en procédant à la nomination d’un nouveau patron, Romeo Cyriaque Mbida. Son prédécesseur, Armand Okol, étant promu conseiller en communication du Pdg de cette chaîne Fm.

La question de fond qui naît de la présentation du champ radiophonique national, dont certaines structures sont dans un état moribond, nous incline, de manière holistique, à faire un répertoire non exhaustif des problèmes auxquels sont confrontés, de manière régulière, les employés de presse. Bien évidemment, ces difficultés structurelle et conjoncturelle peuvent être généralisables à l’ensemble des entreprises de presse existantes (organes de presse écrite et chaînes de télévisions nationale et privées locales). Sans prétention à l’exhaustivité, voici une litanie d’entraves qui aiguillonnent l’environnement des employés de presse au Cameroun:

  1. Problèmes sempiternels d’arriérés de salaire du personnel
    Certains comptabilisent cinq, dix, douze, voire dix-huit mois d’arriérés de salaire sans que cela n’offusque les patrons de presse, qui, eux, roulent carrosse et habitent dans des villas cossues. Des exemples sont nombreux. Vous les connaissez.
  2. Conditions de vie et de travail précaires marquées par un déficit criard de déterminants permettant de mener, de manière sereine et décente, la besogne médiatique quotidienne.
    Quand vous n’avez pas déjà une rétribution à la fin de chaque mois, vous êtes démotivé, découragé et démoralisé. Résultat des courses : piètre rendement à l’antenne et médiocrité dans la qualité de production audiovisuelle.
  3. Absence de plan de carrière.
    Bien d’employés de presse travaillent depuis des années, voire depuis des décennies sans bénéficier, à court, à moyen et à long terme, d’un plan de carrière lui permettant de passer d’un statut socioprofessionnel à un autre en terme de promotion ou d’ascension socioprofessionnelle. Conséquence : vous avez des journalistes et des personnels technico-artistiques dont le statut est statique, inerte et inchangé depuis des lustres.
  4. Manque d’affiliation à la Cnps(Caisse nationale de prévoyance sociale) Ce déterminant existe rarement dans des structures médiatiques tant les employés de presse ne disposent pas de commodités sociales enviables. Lorsque vous n’êtes pas affilié à la Cnps, qu’est-ce qui vous sera reversé dans les années ultérieures au moment où vous irez à la retraite ? Quand vous cesserez d’offrir vos services au média auquel vous appartenez, l’employeur ne vous reversera rien parce que ne vous ayant pas affilié à la Cnps. Contraignez donc vos patrons à vous affilier à la Cnps dès votre recrutement dans une fabrique médiatique ! Sinon …vous lirez l’heure dans les prochaines années !
  5. Frustrations du personnel par certaines figures du top management. Dans des structures médiatiques, qui fonctionnent à l’aune dune certaine patrimonialisation(privatisation bien médiatique par des membres de la famille), il y a certains frères et sœurs du patron occupant certains positions de pouvoir et d’autorité qui, de manière permanente, frustrent, offusquent, dévalorisent et sous-évaluent des employés de presse au point, chose curieuse, de les sanctionner et de les écarter de l’appareil de production à l’antenne. Malgré tout, leur salaire passe néanmoins. Mais, ils sont suspendus pendant une période que le patron ou que le frère ou la sœur du patron détermine au gré de ses humeurs et de ses fantasques et frasques. Voilà donc le piège et les écueils de la patrimonialisation des entreprises médiatiques au Cameroun!
  6. Mutation régulière des responsables à des postes décisionnels au gré des fantasques, des heurts et des humeurs du patron
    Dans des entreprises de presse, les nominations, mutations et décisions de remobilisation des effectifs n’obéissent pas seulement aux critères scientifiques liés à la compétence, à la méritocratie, à la rentabilité et à la productivité, mais il y a, parallèlement, des critères affectifs et subjectifs qui sont tributaires du pouvoir discrétionnaire de nomination de chaque employeur. Ces critères de nomination sont manipulés au gré de sa volonté.

A cause de cet état de choses, bien de journalistes craquent, lâchent du lest et débarrassent le plancher pour aller découvrir de nouveaux horizons ailleurs. Dans la suite de ce travail entamé avant hier avec le départ de notre confrère pour l’étranger, je vous livrerai une nomenclature de noms de journalistes ayant décidé, ces dernières années, d’aller faire carrière dans les bureaucraties publiques, dans les entreprises privées, publiques et parapubliques, ainsi que dans les multinationales. Peut-être les connaissez-vous déjà, mais je vous en indiquerai l’identité puisque vous ne les connaissez pas tous.

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