Par Serge Aimé Bikoi
En effet, par enfants dans la rue, nous entendons les enfants qui partent du giron familial tous les jours ou presque pour exercer des activités génératrices de revenus, et qui reviennent tard dans la soirée, ou du moins, qui rentrent après avoir écoulé leur marchandise. C’est notamment le cas des enfants qui arpentent les rues des différents quartiers avec leurs plateaux d’arachides, de friandises, avec la brouette de mandarines, d’oranges ou encore avec des bassines de bouteilles d’eau plate.
A contrario, les enfants de la rue sont des enfants qui quittent le foyer domestique, mieux l’enseigne familiale pour habiter désormais dans la rue, nouvel espace existentiel, où ils deviennent, malheureusement et malencontreusement, des “déviants sociétaux” parce que mués en délinquants mineurs dans l’arène sociale. Dans ce segment analytique, les enfants dans la rue font l’objet d’intérêt tant ils représentent une catégorie fort exploitable et mobilisable pour la production d’activités informelles dans l’espace urbain. L’enjeu, en pareille circonstance, consiste à capter et à engranger les ressources pécuniaires, dont une partie sera destinée, si l’on s’en tient aux objectifs parentaux, à l’achat des ingrédients scolaires (cahiers, stylos, livres, sacs, etc.).
La valeur inculquée, ici, aux cadets sociaux est le double sens du travail et de l’effort permanents. Question de devenir des acteurs responsables de la vie quotidienne. La mission socialisante des parents est d’apprendre aux enfants dans la rue à s’autonomiser, à se responsabiliser et à développer une capacité de domestication de l’environnement sociétal, creuset d’activités de l’économie populaire urbaine. Cette besogne est, au demeurant, le déterminant de l’intégration sociale des cadets sociaux tant les enfants réussissent à se conformer aux normes, règles et aux valeurs prescrites par leur géniteur.
Écueils, risques et périls qui jonchent le quotidien ambiant des enfants dans la rue
Cependant, ces bambins envoyés dans la rue par divers parents ne jouissent guère d’une sécurité sociale. Victimes d’accidents de circulation, d’agressions multiples, de violences polymorphes, de fréquentations obscène et malsaine, les enfants dans la rue ne sont pas protégés socialement par des instances officielles (ministères des Affaires sociales (Minas), de la Promotion de la femme et de la famille (Minproff) et du Travail et de la Sécurité sociale (Mintss). Pourtant, dans des pays sérieux et développés, les enfants producteurs d’activités économiques diversifiées bénéficient des conditions de sécurité sociale en cas de déconvenues survenues sur la voie routière. Il y a donc des enfants commerçants vacanciers qui sont régulièrement agressés, violés et kidnappés sans souci de protection sociale. Cette progéniture est véritablement dans la gueule de loup, dont les aînés sociaux sont des Hommes. Les enfants tantôt naïfs, tantôt sages sont, pour ainsi dire, les victimes des voraces humaines et des âmes sans foi ni loi.
De plus, envoyer prématurément les enfants dans la rue exercer tout type d’activité les contraint, à longueur de journée, à devenir des “adultes précoces”, dont les biceps sont développés. Les occuper durant toute la journée sans possibilité de répit ou de trêve entraîne l’exploitation viscérale des mineurs qui ont des droits pluriels: droits à la santé, à la protection, à l’éducation, au repos, etc. En conséquence, le dessein primordial de l’appropriation des revenus ne devrait pas prêter le flanc à l’exploitation du travail des enfants à des fins marchandes, voire mercantilistes. L’on risque alors de déboucher sur le paradigme capitaliste dont le postulat est l’exploitation de l’Homme par l’Homme. Contextuellement, il s’agit de l’exploitation des enfants par leurs parents.