Par Sandra Embollo
Sans surprise, à la veille des primaires du 5 mars, la Cour suprême des Etats-Unis a invalidé la décision de son homologue du Colorado qui avait déclaré Donald Trump inéligible dans cet Etat,en raison de son rôle dans l’assaut du Capitole, le 6 janvier 2021. Cette décision a été prise sur la base de la section 3 du 14e amendement à la Constitution fédérale qui interditla détention d’un mandat public à quiconque ayant participé à des actes de « rébellion » ou une insurrection après avoir prêté serment de défendre la Constitution.
Les neuf juges de la haute juridiction ont tenté de déjouer le piège d’une intervention partisane en pleine campagne électorale : décision collective, unanime, et reposant sur un fondement juridique solide, relevant des principes du fédéralisme, c’est-à-dire des rapports entre les Etats fédérés et l’Union. Comme le laissait présager l’audience du 8 février, la qualification juridique des événements du 6 janvier 2021 et le degré d’implication de l’ancien président n’ont de ce fait pas été abordés.
La Cour a ainsi jugé que, si un Etat de l’Union pouvait mettre en œuvre la disqualification prévue par la section 3 à l’encontre d’un détenteur ou d’un candidat à une fonction de cet Etat, il en allait autrement s’agissant d’une fonction fédérale. Adopté en 1868, dans la foulée de la guerre de Sécession (1861-1865), le 14e amendement s’inscrivait en effet dans un mouvement de renforcement du pouvoir fédéral sur les Etats fédérés. Permettre à chaque Etat de déterminer, selon ses critères propres, si un candidat à une fonction nationale est ou non éligible conduirait, selon la Cour, à un « patchwork »électoral, voire au chaos.
La préoccupation est réelle, et l’on peut créditer la haute juridiction d’une argumentation juridico-politique solide, qui a le mérite de clarifier le débat électoral. On pourrait néanmoins lui objecter que les Etats sont maîtres du processus électoral national au sein de leurs juridictions.