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États-Unis | Lutte contre l’avortement: Les manifestants affrontent la police et la neige à Washington

Le mouvement anti-choix américain mise sur des arguments à saveur environnementale pour rejoindre les jeunes. L’environnement comme nouvel épouvantail des anti-avortement.

Par panorama papers
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Par Ilyass Chirac Poumie

Des organisations anti-avortement prétendent que les interruptions de grossesse par la prise de médicaments mettent en péril l’environnement. Analyse de ce nouveau raisonnement, alors que se déroule aujourd’hui la marche pour la vie à Washington.

Le renversement de l’arrêt Roe v. Wade par la Cour suprême des États-Unis en juin 2022 a contribué à l’accroissement de l’utilisation de l’avortement médical, soit l’interruption d’une grossesse non désirée par la prise de médicament. En effet, la décision Dobbs, en mettant mis fin à la protection constitutionnelle du droit à l’avortement, a engendré un changement dans l’accès aux soins de santé et a fait de l’avortement médical la seule possibilité d’interrompre une grossesse dans plusieurs États.

Déjà en 2020, l’avortement médical comptait pour plus de la moitié des interruptions de grossesse. Cette méthode, qui peut être utilisée seule à la maison, a été jugée sécuritaire par la Food and Drug Administration (FDA) pour les interruptions de grossesse allant jusqu’à dix semaines.

Mais les récents reculs de l’avortement chirurgical ne semblent pas suffisants pour le mouvement anti-avortement, qui s’attaque maintenant à l’avortement médical en tentant de faire sien l’argument environnemental pour rallier d’autres groupes de la population à sa cause.

C’est que lorsqu’une personne choisit l’avortement médical, les rejets pharmaceutiques sont évacués par les eaux usées. C’est précisément à cela que s’attaque le lobby anti-avortement en laissant croire que les traces de médication qui persistent dans les eaux usées entraînent des risques pour la santé humaine, la faune ou même la chaine d’alimentation lorsque les animaux consomment l’eau qui se retrouve dans leur environnement. Ces affirmations sont faites sans preuve directe.

Par exemple, en 2023, Students for Life (SFL), une organisation nationale impliquée dans la marche pour la vie et qui s’attaque à l’avortement médical, a lancé la deuxième phase de son initiative nationale appelée « What’s in the water? » (« Qu’est-ce qu’il y a dans l’eau? »). Dans le cadre de cette campagne, Kristi Hamrick, vice-présidente de SFL, a ainsi déclaré que

« les cimetières dans notre système d’égouts sont ignorés alors que l’utilisation de la pilule abortive chimique a explosé ».

Une peur fondée?

Lorsque nous interrogeons à ce sujet Dominique Claveau-Mallet, professeure en traitement des eaux usées à Polytechnique Montréal, il lui faut un moment d’adaptation pour saisir l’argument « environnemental ».

Une fois l’incrédulité passée, elle explique que du point de vue du traitement des eaux usées, on considère l’ensemble des médicaments comme des « contaminants pharmaceutiques ». Plutôt que de s’inquiéter de tel ou tel médicament, on a tendance à considérer la « toxicité générale de l’eau » lorsqu’on évalue les impacts sur l’environnement.

Ainsi, pour Dominique Claveau-Mallet, s’intéresser uniquement à un médicament n’est pas nécessairement la bonne manière de présenter la situation. C’est que la mifépristone, le médicament visé par les groupes anti-avortement, n’est qu’une infime partie de l’ensemble des contaminants pharmaceutiques et ne présente pas plus de danger qu’un autre médicament.

« Les cimetières dans notre système d’égouts sont ignorés alors que l’utilisation de la pilule abortive chimique a explosé. »

Kristi Hamrick, vice-présidente de Students for Life

La professeure précise que d’autres catégories de médicaments sont beaucoup plus largement consommées et ont donc un poids plus important parmi les contaminants rejetés. Par exemple, les antibiotiques ou les antidépresseurs représentent une plus grande fraction des contaminants pharmaceutiques que la mifépristone, qui est utilisée sporadiquement par une portion restreinte de la population.

Un groupe de manifestants anti-avortement au National Mall, Washington DC.

Les habits neufs du mouvement anti-avortement

Véronique Pronovost est doctorante en sociologie et étudie le mouvement anti-avortement aux États-Unis. Selon elle, ce virage « écolo » du mouvement vise à élargir son public cible en s’adressant notamment aux jeunes.

« C’est un argument pour tenter de convaincre des groupes démographiques qui sont moins touchés par les thèmes traditionnels du mouvement »

comme la religion, explique-t-elle.

Elle précise qu’environ un∙e jeune sur deux déclare souffrir d’écoanxiété et que cela explique en partie pourquoi on tente de faire de l’environnement une nouvelle thématique. « On s’adresse aux émotions pour tenter de mobiliser », résume la sociologue.

« Le mouvement développe de nouvelles stratégies et veut mettre fin à tous les types d’avortement. »Véronique Pronovost, sociologue

Ce n’est cependant pas la seule raison. Pour la doctorante, la décision Dobbs est venue cristalliser la situation au niveau fédéral en retirant la protection constitutionnelle du droit à l’avortement. En conséquence, le mouvement cherche de nouvelles prises légales pour enrayer l’avortement médical à l’échelle des États, entre autres grâce aux réglementations relatives à la qualité de l’eau.

En 2023, la Virginie occidentale a d’ailleurs introduit un projet de loi devant le Sénat afin d’obliger les médecins qui prescrivent la mifépristone à fournir à leurs patientes un catch kit pour récupérer les tissus humains et les contaminants pharmaceutiques issus d’un avortement médical. Si la loi est adoptée, ce catch kit devra ensuite être renvoyé au médecin afin qu’il en dispose comme un déchet médical. Un·e médecin qui contreviendrait à la loi risquerait notamment une peine d’emprisonnement de trois ans.

À ce propos, Véronique Pronovost indique que ce projet de loi est un parfait exemple de l’« adaptabilité du mouvement à développer de nouvelles stratégies et de sa volonté de mettre fin à tous les types d’avortement », quels qu’ils soient.

Et au Québec?

Véronique Pronovost ne s’inquiète pas trop d’une éventuelle percée de ces discours chez nous, « puisque le mouvement n’a pas d’assises sur les campus » afin de rejoindre facilement les jeunes, contrairement aux États-Unis où le mouvement peut par exemple compter sur Students for Life.

« Le mouvement n’a pas d’assises sur les campus [québécois]. »Véronique Pronovost

La sociologue identifie tout de même d’autres thèmes tendancieux qui pourraient plus facilement être utilisés dans le contexte socio-politique québécois afin de légitimer la position anti-avortement, par exemple le féminisme, la santé des femmes ou encore les droits humains.

Ce dernier thème a d’ailleurs déjà été mobilisé par le jeune député progressiste-conservateur ontarien Sam Oosterhoff, qui fait un amalgame entre les droits humains et un prétendu droit de l’enfant à naître, un droit qui n’existe pas au Canada.

En 2019, il déclarait à CBC avoir assisté à la première marche pour la vie de Toronto, une réplique du rendez-vous annuel du camp anti-avortement aux États-Unis ayant lieu aujourd’hui.

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