Par Sasha Blanche
Le transport aérien n’a jamais été aussi sûr aux États-Unis, où le dernier crash d’un avion de ligne remonte à près de quinze ans – le 12 février 2009, un appareil de Colgan Air s’était écrasé 9 km avant d’atteindre l’aéroport de Buffalo, non loin des chutes du Niagara, avec 49 personnes à bord. Pourtant, les professionnels de l’aviation ont tous les jours des sueurs froides. Le 11 août, un avion d’affaires qui avait reçu l’autorisation d’atterrir sur l’aéroport de San Diego (Californie), enchâssé dans la ville, a failli se poser pile sur un Boeing 737 de la Southwest Airlines qui s’apprêtait à en décoller.
Quatre jours plus tôt on avait frôlé la catastrophe à Phoenix (Arizona), peu après le départ d’un avion d’American Airlines. Son pilote avait viré du mauvais côté et failli tamponner un appareil de la Southweast tout juste décollé de la piste parallèle.
Selon une enquête publiée le 21 août par le New York Times , des quasi-collisions se produisent plusieurs fois chaque semaine. Il y en a eu 46 rien qu’en juillet, d’après ses journalistes qui ont pu consulter les données de la FAA (l’administration fédérale de l’aviation) et un registre de la Nasa où pilotes et contrôleurs aériens peuvent signaler anonymement les incidents. Ils ont aussi interrogé une cinquantaine de professionnels. Honnêtement, ça me flanque la trouille
, a déclaré un pilote expérimenté, qui avait été mal aiguillé en novembre. Cela m’a ouvert les yeux sur la manière dont le prochain accident va se produire
, déclare un autre, qui a frôlé la catastrophe en janvier.
Manque de contrôleurs aériens
La plupart des frôlements se produisent sur les aéroports ou à proximité, malgré des systèmes de sécurité supposés redondants. Leur fréquence a crû de 25 % en une décennie, même si elle semble stabilisée depuis 2018. Les causes ? D’abord le manque de contrôleurs aériens. La pénurie créée par le licenciement de milliers d’entre eux, après une grève sous la présidence de Ronald Reagan, n’a jamais été pleinement rattrapée. Seuls trois services de contrôle aérien sur les 313 des États-Unis ont le nombre requis de contrôleurs.
Conséquence, beaucoup travaillent six jours par semaine, ce qui génère fatigue et erreurs. Le 5 février, un Boeing 767 cargo de FedEx et un vol commercial de Southwest, lancés à plus de 250 km/h, sont passés à une cinquantaine de mètres l’un de l’autre. Ils avaient été autorisés à utiliser la même piste de l’aéroport d’Austin, au Texas, l’un pour se poser, l’autre pour décoller. Le pilote de FedEx a remis les gaz in extremis. C’est seulement une question de temps avant que quelque chose de catastrophique arrive
, s’inquiète un contrôleur.
Sur l’aéroport de San Francisco, mi-juillet, un appareil de la compagnie low cost Frontier Airlines, en pleine accélération, a rasé le museau d’un avion allemand. Le pilote américain avait commis une erreur, mais elle n’a pas été détectée par la tour, où il manque un tiers des contrôleurs certifiés.
Autre vulnérabilité : le sous-équipement des aéroports. Quarante-trois aéroports seulement, sur les plus de cinq cent qui accueillent des vols commerciaux, possèdent un dispositif d’alerte automatique de la tour de contrôle en cas d’imminence d’une collision.
