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France-Afrique | Les pays qui accueillent encore des bases militaires françaises et pourquoi

Depuis plusieurs années, une vague de contestation de la présence militaire française déferle en Afrique. Malgré ce nouveau phénomène populaire lié aux tensions politico-sécuritaires, de nombreux pays abritent encore des bases militaires françaises sur le continent.

Par panorama papers
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Par Arlette Akoumou Nga

Dans le cadre d’une coopération militaire avec certains pays anciennement colonisés qui sont aujourd’hui indépendants, la France a pu disposer en Afrique de plusieurs bases militaires avec des effectifs opérationnels en attente.

Alors que le Niger, l’un des derniers pays africains à connaitre un coup d’Etat militaire, est en pourparlers avancés pour le retrait rapide des troupes françaises de son territoire, ces dernières sont bien là, engagées dans la lutte terroriste.

Qu’est-ce qui explique cette présence militaire française dans ses anciennes colonies ?

Tony Chafer, Professeur d’études africaines et françaises au Centre de recherche en études européennes et internationales à l’université de Portsmouth au Royaume-Uni, nous fait un bref historique de la présence militaire française en Afrique.

“La France a signé des accords de coopération culturelle, technique et militaire et des accords de défense avec la plupart de ses anciennes colonies au moment de l’indépendance en 1960”.

explique-t-il.

“En outre, des conseillers militaires ont été envoyés en Afrique pour travailler avec les gouvernements nouvellement indépendants. Les accords de défense ont défini le cadre dans lequel les interventions militaires françaises se sont déroulées en Afrique au cours de la période postcoloniale”, pousuit-il.

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“Avec une série d’accords bilatéraux de défense et d’assistance militaire signés avec ses anciennes colonies et jusqu’à 10 000 soldats stationnés ou participant à des opérations militaires dans ses anciennes colonies au cours des premières années suivant l’indépendance, la France a entrepris au moins 30 interventions militaires directes sur le continent entre 1964 et 1995”, renseigne le professeur Chafer.

Selon Chafer, la France a également “poursuivi une politique de substitution, plutôt que de partenariat, avec les forces militaires africaines dans sa sphère d’influence postcoloniale, le “pré carré””.

Mais dans quels pays africains sont présentes ces bases militaires françaises, et pourquoi sont-elles là ?

Où se trouvent ces bases militaires sur le continent ?

Avec près de 10 000 forces de présence en Afrique subsaharienne, la France dispose de bases militaires à Djibouti, en Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Gabon, au Tchad et au Niger.

Djibouti :

Les forces françaises stationnées à Djibouti sont présentes sur place depuis l’indépendance du pays. Avec près de 1500 hommes, elles représentent le plus grand contingent de militaires français en Afrique. Sous le coup d’un protocole provisoire en date de juin 1977, un nouvel accord de défense, entré en vigueur depuis 2014, fixe leurs conditions de stationnement à Djibouti.

Côte d’Ivoire :

En 2012, la proximité historique entre la France et la Côte d’Ivoire avait fait sceller un accord de partenariat de défense entre les deux pays. C’est ainsi que le 1er janvier 2015, les forces françaises en Côte d’Ivoire ont été créées pour constituer l’une des bases opérationnelles avancées en Afrique. Après la fin de mission de l’opération Licorne le 26 janvier 2015, avec au moins 950 hommes sur place, les forces françaises en Côte d’Ivoire sont devenues des forces de présence pour assurer un relais opérationnel dans cette zone considérée comme une des priorités stratégiques de la France, conformément au livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013.

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Gabon :

Déployées dans le pays depuis son indépendance en 1960, conformément aux accords de défense d’août de la même année, les forces françaises au Gabon (EFG) sont devenues au 1er septembre 2014, les éléments français au Gabon, avec environ 350 hommes. Avec Dakar au Sénégal, elles constituent le deuxième pôle opérationnel de coopération (POC) à vocation régionale.

Selon le site du ministère français de la Défense, les éléments français au Gabon comprennent un échelon de commandement, une unité terrestre (le 6e Bataillon d’Infanterie de Marine ou 6e BIMA) implanté au camp Charles De Gaulle à Libreville et une unité aérienne implantée à la base aérienne Guy Pidoux.

Sénégal :

Avec près de 400 hommes, les éléments français du Sénégal (EFS), présents depuis 2011, assurent la formation des soldats des pays de la région. Implantés au camp colonel Frédéric Geille à Ouakam et au camp contre-amiral Protet au port militaire de Dakar, les éléments français du Sénégal disposent d’une escale aérienne à l’aéroport militaire Léopold Sédar Senghor de Dakar.

Les EFS disposent également d’une station d’émission haute fréquence de la Direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information (DIRISI) basée à Rufisque.

Tchad :

Les éléments français au Tchad (EFT), près d’un millier d’hommes, ont pour mission de garantir la protection des intérêts français et de ses ressortissants vivant dans le pays. Ils apportent également un soutien logistique et un appui aux renseignements aux forces armées tchadiennes, conformément à l’accord de coopération signé entre les deux pays. En 2013, le dispositif Épervier comptait près de 950 militaires affectés à deux bases principales, la base aérienne 172 à Ndjamena et la base capitaine Croci à Abéché, dans l’Est du Tchad. A Faya, dans le Nord du pays est stationné un détachement d’une cinquantaine d’hommes. En 2014, l’opération Barkhane remplace officiellement les opérations Épervier et Serval pour appuyer les pays sahéliens partenaires.

Niger :

La France comptait entre 1 300 et 1 500 soldats déployés au Niger, ainsi que des avions de chasse et des drones. Ces hommes déployés dans le pays sont affectés dans trois bases à Niamey, la capitale, à Ouallam, au nord de la capitale, et à Ayorou, vers la frontière avec le Mali.

La base aérienne 101 de Niamey est une base non permanente située sur le site de l’aéroport international Hamani Diori. Elle sert de base de départ des drones Reaper qui effectuent des missions de renseignement et de reconnaissance dans le cadre de l’opération Barkhane au Sahel.

Mais à la suite du coup d’Etat qui a porté le général Tchiani au pouvoir, le Niger, après le Mali et le Burkina Faso, négocie un départ des forces françaises de son territoire.

La mission des soldats français déployés en Afrique

“Il est vrai qu’au début des indépendances, (…) la présence militaire française en Afrique était là pour pérenniser, sauvegarder la stabilité et la durabilité de certains régimes”, rappelle Dr Bakary Sambe, directeur de Timbuktu Institute.

Mais aujourd’hui au Gabon, “la mission majeure des EFG (Eléments français au Gabon) est de compléter la formation des militaires des pays partenaires de la CEEAC (Communauté économique des états de l’Afrique centrale) dans leur mise en condition avant engagement dans des opérations intérieures ou extérieures”, peut-on lire sur le site du ministère français de la défense.

Selon la même source, lesdits éléments dispensent des instructions pour consolider les capacités des troupes des pays partenaires, notamment dans la lutte contre les groupes terroristes, le contrôle des frontières terrestres et des approches maritimes, les opérations de maintien de la paix (OMP), la préparation des échelons de commandement opératif et tactique, le renseignement et la logistique, entre autres.

“La coopération opérationnelle s’inscrit en cohérence avec le programme de renforcement des capacités africaines de maintien de la paix (RECAMP), pour permettre à l’Union Africaine (UA) et aux communautés sous régionales de disposer de troupes disponibles, bien entrainées et rapidement mobilisables : la Force Africaine en Attente (FAA)”, renseigne toujours la source.

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Au Sénégal, le commandement des éléments français veille, en coordination avec la mission diplomatique française sur place, à l’application des accords de partenariat et mène les actions de coopération opérationnelle, par le biais d’instructions et d’entraînements dans sa zone de responsabilité permanente des 15 pays de la CEDEAO et en Mauritanie.

“La présence militaire française au Sahel et en Afrique de l’Ouest répondait à un besoin pour l’ancienne puissance coloniale d’être présente dans son espace de déploiement et d’influence naturels, au regard des liens historiques (qui lient la métropole et ses colonies)”, indique Dr Bakary Sambe, directeur de Timbuktu Institute à Dakar.

“L’influence française en Afrique a toujours été portée par 3 piliers : les relations fraternelles entre élites, le franc CFA et la présence militaire. Cette dernière a permis l’appui aux régimes amis, de projeter et protéger les intérêts de la France et une capacité d’intervention militaire rapide (force de projection)”, explique Bruno Charbonneau, professeur titulaire au Collège militaire royal de Saint-Jean et directeur du Centre FrancoPaix de la Chaire Raoul-Dandurand.

“La présence militaire française en Afrique a aussi toujours permis à la France d’être au cœur des mécanismes de résolution et de gestion des conflits en Afrique francophone, notamment au Conseil de sécurité de l’ONU”, précise M. Charbonneau.

L’Afrique pourra-t-elle gérer les questions de sécurité après le départ des français ?

“Ce ne sont pas seulement les militaires français qui quittent les pays du Sahel, mais aussi la MINUSMA qui quitte le Mali. Le gouvernement malien a fait appel au groupe russe Wagner pour l’aider à faire face à la crise sécuritaire croissante dans le pays”, rappelle Tony Chafer.

“Cependant, dit-il, en l’absence de troupes françaises et de l’ONU dans le pays, il n’y a plus de contrôle sur ce que font les forces armées maliennes et leurs alliés du groupe Wagner”.

“Il est de plus en plus évident que la sécurité humaine s’est encore détériorée et que les violations des droits de l’homme ont augmenté depuis le retrait de Barkhane et le début de la réduction des forces de l’ONU”, indique M. Chafer.

Selon lui, “le rôle principal de Wagner dans le pays n’est pas d’améliorer la sécurité de la population mais de soutenir le régime militaire malien – en d’autres termes, il est principalement là pour renforcer la sécurité du régime, et non pour améliorer la sécurité humaine de la population”.

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“S’il est vrai que les dix années de l’opération Serval (2013-23), suivie de Barkhane (2014-22), n’ont pas amélioré la situation sécuritaire dans le pays et ont même contribué à l’aggraver, on peut dire que la présence de Barkhane et des forces de l’ONU a eu un effet dissuasif sur les groupes armés dans une certaine mesure”, soutient l’universitaire.

“Cette dissuasion n’existe plus et de nombreux éléments indiquent que la situation sécuritaire au Mali et dans l’ensemble de la région s’est détériorée en conséquence”, déclare Chafer.

Tony Chafer estime qu’avec le départ des forces françaises et de l’ONU, “le conflit entre l’armée malienne et les rebelles pourrait aggraver l’insurrection islamiste dans le pays, où des groupes liés à Al-Qaïda et à l’État islamique contrôlent de vastes zones”.

“Par ailleurs, les tensions n’ont cessé de croître depuis des mois entre la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad) dans le nord du pays et la junte, faisant craindre la fin de l’accord de paix dit d’Alger et la reprise des hostilités entamées en 2012”, conclut-il.

Quelles alternatives pour les pays africains ?

Dans cette nouvelle situation géopolitique confuse et tendue, l’Afrique a besoin de repenser son devenir. Du moins, c’est ce que pense Dr Bakary Sambe.

“Je pense qu’il faut une rupture paradigmatique pour les pays africains. On a expérimenté avec la présence militaire que la sous-traitance de la sécurité qui est un domaine de souveraineté ne fonctionnait pas. Cela se termine toujours par des contestations mais aussi cela s’est soldé par des échecs, notamment dans le Sahel central dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.”

Selon Dr Sambe, dans la mesure où l’appel à des groupes d’autodéfense ou des groupes paramilitaires comme Wagner n’a pas atténué le phénomène terroriste, avec une recrudescence des attaques au Mali, où l’année 2022 a été la plus meurtrière en terme d’attaques terroristes, il faut mutualiser les forces.

“Je crois donc que si on se rend compte qu’aussi bien la sous-traitance de la sécurité par des puissances occidentales ne fonctionne pas, mais non plus la présence de milices d’autodéfense, en tout cas de groupes paramilitaires comme Wagner, il faut aller vers une mutualisation des forces et réactiver tous ces dispositifs dont on parle depuis très longtemps, aussi bien de la CEDEAO que de l’Union africaine, les dispositifs de Forces en attente, etc.”

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L’enseignant-chercheur estime “qu’il est temps aujourd’hui de jouer sur la mutualisation des compétences et des possibilités en termes de défense, mais d’aller vers une africanisation de ces forces-là et de coordonner au niveau sous-régional de la CEDEAO et au niveau régional pour ce qui est de l’Union africaine, d’avoir cette force africaine, qui depuis très longtemps, qu’on dit être en attente”.

“C’est l’heure de la mutualisation des compétences et des moyens. C’est l’heure aussi de la coopération interrégionale même, parce qu’un phénomène comme Boko Haram ne peut pas être seulement combattu par des pays de la CEDEAO ou des pays de l’Afrique centrale. On est obligé, au regard de la transnationalité des phénomènes, d’aller vers cette mutualisation des forces.”

“La montée en puissance d’une jeunesse contestataire, du principe de souverainisme, à un moment où l’Afrique a le choix de multiplication des partenaires et de leur diversification, posent un véritable problème à la France aujourd’hui, qui à mon avis, ne pourrait s’en sortir qu’en réinventant cette présence-là. Bref, elle ne pourrait s’en sortir qu’à une forme de réadaptation, mais en tout cas un changement de paradigme s’impose”, renchérit Dr Sambe.

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