Par Arlette Akoumou Nga
La disparition à 47 ans d’Alexeï Navalny, après trois années de détention et un empoisonnement dont il accusait le Kremlin, prive une opposition déjà exsangue de sa figure de proue, à un mois de la présidentielle qui doit encore une fois cimenter le pouvoir de Vladimir Poutine. Cela après des années de répression de toute contestation.
Les capitales occidentales ont en unisson pointé le Kremlin du doigt, accusant les autorités russes d’être responsables de cette mort. Autant d’accusations que Le Kremlin a jugées « absolument inacceptables ».
« La conséquence de quelque chose que Poutine et ses voyous ont fait »
Le président américain Joe Biden s’est quant à lui dit « scandalisé », accusant Vladimir Poutine d’être « responsable de la mort de Navalny », qui était une « voix puissante pour la vérité » : « Ne vous méprenez pas, Poutine est responsable de la mort de Navalny. Poutine est responsable, a affirmé le président américain lors d’une allocution à la Maison Blanche. Ce qui est arrivé à Navalny est une nouvelle preuve de sa brutalité. Nous ne savons pas exactement ce qui s’est passé. Mais il n’y a aucun doute que c’est la conséquence de quelque chose que Poutine et ses voyous ont fait », a-t-il martelé.
En 2021, après avoir rencontré le président russe en Suisse, Joe Biden avait été interrogé sur les conséquences d’un décès de Navalny et avait répondu: « J’ai clairement fait savoir que les conséquences seraient désastreuses pour la Russie »..Présente à la conférence sur la sécurité de Munich, la vice-présidente américaine Kamala Harris a qualifié la mort de l’opposant d’« une terrible nouvelle dont nous attendons la confirmation ».
C’est une terrible nouvelle dont nous attendons la confirmation. Mes pensées vont à sa famille et à sa femme Youlia qui est parmi nous aujourd’hui. Si la mort d’ Alexeï Navalny est confirmée cela constituerait un nouveau signe de la brutalité de Poutine. Peu importe l’histoire qu’ils raconteront, soyons clair: la Russie est responsable
La femme de l’opposant Youlia Navalnaïa a appelé la communauté internationale à reconnaître que le chef de l’État russe est « personnellement responsable » de la mort de son mari :
On ne peut pas faire confiance à Poutine et à son gouvernement : ils mentent toujours. Mais si les nouvelles sont vraies, je veux que Poutine, tout son entourage, ses amis, son gouvernement, sachent qu’ils porteront la responsabilité de ce qu’ils ont fait à notre pays, à notre famille, à mon mari. Et que ce jour viendra très bientôt. Je veux appeler toute la communauté mondiale, tous les gens dans cette salle, ceux du monde entier, afin que nous nous unissions tous et vainquions ce mal, ce régime terrifiant qui dirige aujourd’hui en Russie. Ce régime et Vladimir Poutine doivent tous les deux porter la responsabilité personnelle de toutes les choses terribles qu’ils ont faites à mon pays, la Russie, ces dernières années.
À l’instar de M. Biden, le président du Conseil européen Charles Michel considère que « le régime russe » est le « seul responsable ». L’Onu a réclamé la « fin des persécutions » en Russie et que son secrétaire général a demandé une enquête « crédible ».
Le président français Emmanuel Macron a accusé Moscou de « condamner à mort » les « esprits libres » : « Dans la Russie d’aujourd’hui, on met les esprits libres au goulag et on les y condamne à mort. Colère et indignation. Je salue la mémoire d’Alexeï Navalny, son engagement, son courage. Pensées pour sa famille, ses proches et pour le peuple russe », a-t-il écrit sur le réseau social X. Pour lui, la mort de l’opposant dit « la faiblesse du Kremlin et la peur de tout opposant », a-t-il déclaré lors de la signature d’un accord avec son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky. Pour le chancelier allemand Olaf Scholz, Alexeï Navalny a « payé son courage de sa vie » : « J’ai rencontré Navalny ici à Berlin alors qu’il tentait de se remettre en Allemagne de sa tentative d’empoisonnement et je lui ai également parlé du grand courage qu’il faut pour retourner dans son pays. Et il a probablement payé ce courage de sa vie », s’est-il exprimé aux côtés du président ukrainien Volodymyr Zelensky, en visite à Berlin.
Enfin, le gouvernement britannique a convoqué les diplomates de l’ambassade de Russie vendredi soir pour leur faire savoir que les autorités russes sont tenues « pleinement responsables » de la mort de l’opposant numéro un au Kremlin. Le ministère des Affaires étrangères britannique a déclaré dans son communiqué que la mort de M. Navalny ans sa prison de l’Arctique devra « faire l’objet d’une enquête complète et transparente.
Angela Merkel sort de son silence
L’ancienne chancelière allemande Angela Merkel, très discrète depuis son départ de la tête du gouvernement s’est également exprimée. Alexeï« Navalny a été victime de la violence répressive de l’État russe, a commenté Angela Merkel. Il est terrible qu’une voix courageuse, intrépide et engagée pour son pays ait été réduite au silence par des méthodes terribles. » L’Allemagne avait accueilli l’opposant pour le soigner, à la suite d’une tentative d’empoisonnement à l’été 2020. Après des mois de convalescence à Berlin, où il avait notamment reçu la visite de la chancelière, Alexeï Navalny avait annoncé son intention de retourner à Moscou ; malgré les risques qu’il y encourrait.
Les réactions allemandes sont d’autant plus importantes que le pays accueille nombre d’opposants à Vladimir Poutine, liens historiques étant très forts entre les deux pays. Mais tout a changé avec l’invasion de l’Ukraine. L’Allemagne qui avait construit pendant des années sa prospérité sur les livraisons de gaz russe bon marché et considérait la Russe comme un pays ami.
Rassemblements en Europe
Dès l’annonce de la mort d’Alexeï Navalny, un rassemblement spontané s’est formé devant l’ambassade de Russie à Berlin. Russes d’Allemagne, ainsi qu’Allemands, Ukrainiens, Français et autres sont venus crier leur haine de Poutine :
Parmi les centaines de manifestants devant l’ambassade russe à Berlin, certains arboraient des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Poutine est un tueur ». Même des journaux, qui font d’ordinaire dans la mesure, publient des commentaires sans détours : « Navalny a été tué. Poutine est son assassin », lit-on dans le Tagesspiegel de Berlin. Le quotidien Frankfurter Allgemeine évoque lui « un meurtre politique ».
Le dissident russe Oleg Orlov, jugé depuis vendredi pour avoir dénoncé à plusieurs reprises l’assaut contre l’Ukraine, a quant à lui dénoncé « un crime du régime ».
« Il est évident pour moi que (Alexeï Navalny) a été tué comme des milliers d’autres qui ont été torturés à mort à cause d’une seule personne, Poutine ».
a pour sa part lâché le chef de l’État ukrainien Volodymyr Zelensky.
