Par Sandra Embollo
Ce 20 mai, marque l’investiture du 16e président de la République de Chine, faisant suite à un double mandat de la présidente Tsai Ing-wen, dirigeante le plus populaire de l’histoire de la République. En effet, finissant avec 58% d’opinion favorable à son encontre, son parcours fait envie à bien des égards, laissant un grand défi à son successeur : Lai Ching-te.
Occupant encore pour quelques heures son poste actuel de vice-président, le médecin de formation ne bénéficie pas du capital sympathie de la présidente de son parti et va devoir faire face à de nombreux défis. Car, pour les quatre années à venir, la population attend de la nouveauté pour un troisième mandat avec le Parti démocrate progressiste au pouvoir.
Les attentes de changement des Taïwanais sont fortes, en matière socio-économique, qu’il s’agisse du logement, de la question de la natalité ou encore du traitement des travailleurs migrants. C’est un défi que Lai Ching-te devra relever en concertation avec l’opposition qui domine actuellement le Parlement. Une situation de cohabitation que sa prédécesseure n’avait pas connue. Concernant les relations avec la Chine, il devrait tenter d’apporter une touche personnelle dans le cadre d’une certaine continuité.
Il va s’inscrire dans les pas de la présidente sortante, en encourageant les hommes d’affaires taïwanais à investir et déménager leurs activités vers l’Asie du Sud et du Sud-Est, tout en privilégiant et renforçant les relations avec les pays partageant les mêmes valeurs et particulièrement les États-Unis.
Renouer le dialogue avec la Chine
En revanche, Lai Ching-te l’a déclaré, il veut renouer le dialogue avec Pékin, alors que le dialogue officiel est considéré au point mort actuellement.Mais la partie n’est pas gagnée pour le nouveau président, car Pékin le voit et le présente comme un partisan de l’indépendance en raison d’une déclaration faite en 2013, et ce, malgré ses nombreux propos en faveur du statu quo ces dernières années.
Lai Ching-te aura la périlleuse mission de répondre aux provocations chinoises… La Chine, qui revendique l’île, a envoyé à nouveau ces derniers jours ses navires de guerre et avions de chasse par dizaines. Pékin considère Lai Ching-te comme un « dangereux séparatiste » – face à la menace chinoise, ce partisan de la fermeté, issu du camp démocrate progressiste DDP comme sa prédécesseure Tsai Ing-wen qui quitte le pouvoir après huit ans, trouvera-t-il le ton juste pour calmer le jeu ?
Pour Stéphane Corcuff, sinologue et maître de conférences à Science Po Lyon, « Lai n’est pas un radical ».
Je doute fort qu’il puisse se permettre et qu’on le laisse adopter des postures plus offensives. À vrai dire, il a été, dès son élection, caractérisé rapidement comme un radical de l’indépendance de Taïwan…
Lors de l’investiture du nouveau président taïwanais Lai Ching-te ce lundi, des délégués américains seront dans le public. Cette présence d’anciens responsables de haut rang ne manquera pas de provoquer la colère de Pékin qui considère cette île comme une province rebelle qui doit revenir un jour dans le giron de la Chine, par la force s’il le faut. Stéphane Corcuff, sinologue et maître de conférences à Science Po Lyon, rappelle que les Américains – principaux alliés et fournisseurs d’armes pour Taïwan, mais qui ne reconnaissent pas Taïwan – ont toujours été présents lors des passations de pouvoir à Taipei. À ses yeux, les Européens devraient d’ailleurs faire de même pour montrer leur soutien à la démocratie taïwanaise.
Une consécration pour ce père de famille d’origine modeste
À l’inverse de la majorité de la classe politique taïwanaise, Lai Ching-te n’est pas issu d’un milieu favorisé. Il a grandi avec ses cinq frères et sœurs dans un hameau rural. Son père, mineur de charbon, décède alors qu’il est encore enfant. Sa mère va alors enchaîner les emplois précaires pour subvenir aux besoins de sa famille.
Après une scolarité exemplaire, il s’inscrit à l’université de Taipei, la capitale de Taïwan, pour étudier la médecine. Puis, il part aux États-Unis pour compléter sa formation au sein de la prestigieuse école de Harvard. Au milieu des années 1990, il se lance en politique sous les couleurs du Parti démocrate progressiste, un parti de centre-gauche, indépendantiste, anti-communiste et libéral. Il est successivement élu député, maire de la quatrième plus grande ville du pays, puis Premier ministre. Enfin, il accède au poste de vice-président de la République en 2020.
Celui qui est considéré par Pékin comme un dangereux séparatiste annonce pourtant vouloir renouer le dialogue. Mais il s’est tout de même engagé à renforcer les capacités militaires de Taïwan, alors que la Chine intensifie la pression sur l’île. Il a également promis d’augmenter les salaires, de réduire les impôts et de créer davantage de logements sociaux.
