Retranscription de Serge Aimé Bikoi
Interviewé par Josiane Afom, journaliste au quotidien “Mutations”, Basile Ngono soutient:
“Chaque fois que les enseignants expriment un certain mal-être existentiel, l’éthique, qui participe, par définition, d’un effort pour construire un monde plus rationnel et moins brutal, invite à écouter et avoir de la compassion pour eux. Notre humanité commune nous oblige à parler comme Emmanuel Levaris. La question liée à la pertinence de la revendication du collectif des docteurs chômeurs me pose un problème par rapport au ton qui est similaire à celui des ayant-droits. Ce sont des ayant-droits qui exigent. La démarche me semble biaisée parce que avant de s’adresser au président de la République, il y a lieu de se demander si toutes les instances de délibération ont été arpentées. Pour la démarche adoptée par les signataires du collectif des docteurs chômeurs, elle n’est pas pertinente. Pour parler du président Biya qui a été sollicité, je dirai qu’il est, juste, de dire que c’est bien lui qui est l’auteur du travail de l’œuvre qui a permis à toutes les régions du Cameroun d’avoir une université et une pléthore d’Ipes(Instituts privés de l’enseignement supérieur)”.
À la question de savoir comment expliquer le fait qu’un titulaire d’un Doctorat Ph D se plaint d’être au chômage pourtant, il y a l’auto-emploi et plus de 400 Ipes, B. Ngono répond:
“La question de l’employabilité des docteurs n’est pas une spécificité camerounaise. l’État du Cameroun, par le canal du président de la République, fait ce qu’il peut, en procédant au recrutement des enseignants dans les universités d’État. Au moment où le collectif des docteurs exige au chef de l’État d’être recruté, il me semble que les universités nouvellement créées sont en train de recruter des enseignants permanents et des enseignants associés. Il me semble que ce soit le syndrome du fonctionnariat qui explique que les titulaires de doctorat se plaignent du chômage. Nous sommes à une époque où les gens manquent de courage et préfèrent la sécurité du matricule. C’est une bonne chose, mais cela tue l’initiative personnelle. Les Ipes n’attirent peut-être pas à cause du manque de perspective de carrière”.
Sul le plan symbolique, est-ce que ce n’est pas un mauvais signal dans la mesure où les cadets académiques peuvent, désormais, considérer que les hautes études ne sont pas une garantie de réussite?
A cette question, le Socio-anthropologue répond :
“Je dirai que le savoir est en crise. Il est, souvent, mis par ignorance en concurrence avec les savoir-faire. Pourtant, les savoir-faire auront toujours besoin de s’appuyer sur un corpus de savoirs et les savoirs auront besoin du cadre pratique pour se déployer. Des sorties de ce genre peuvent desservir le travail de l’œuvre. Oui, la symbolique peut être écorchée”.
Comment réformer les mentalités pour que le jeune camerounais sache qu’il n’y a seulement le travail dans le secteur public?
Pour B. Ngono, les apprenants doivent acquérir les compétences et les softs skills et avoir le cœur grand ouvert dans l’espace du travail dans le public et le privé dans notre environnement. Ils doivent oser prendre l’initiative privée. Ils doivent être ce que Paul Ricœur appelle : “homme capable”. l’État devrait aussi s’intéresser aux nombreuses initiatives privées de recherche qui peuvent constituer de véritables niches d’emplois.
