Par Serge Aimé Bikoi
À moins d’une semaine de la rentrée scolaire 2023/2024, des seigneurs de la craie ont échangé avec la presse nationale et internationale sur la nécessité de l’organisation du forum national de l’éducation. 28 ans après la tenue des dernières assises des États généraux de l’éducation, le Syndicat national autonome de l’enseignement secondaire (Snaes), le Syndicat national autonome de l’éducation et de la formation (Snaef), la Fédération camerounaise des syndicats de l’éducation (Fecase), etc pensent, tous ensemble, qu’il est urgent de convoquer de nouvelles assises dans le dessein de repenser le système éducatif et de définir le nouveau type idéal de Camerounais à forger pour le XXIème siècle.
Ces organisations syndicales sont montées au créneau pour dénoncer les derniers Etats généraux de l’éducation tenus en 1995 à Yaoundé. Elles fustigent le fait que les dernières assises n’ont rien produit de concret tant les résultats escomptés au bout du compte n’ont guère permis aux enseignants de répondre à leurs doléances, à leurs préoccupations et à leurs exigences. Pire encore, des éducateurs appréhendent ce dernier symposium comme une espèce de bal masqué de 1995. Chamberlain Owona Amougui, secrétaire général du Syndicat national autonome de l’éducation et de la formation (Snaef), dans son exposé liminaire, fustige la manière dont s’étaient tenus les derniers Etats généraux de l’éducation. “Ces Etats généraux étaient faussés à la base par le gouvernement qui pilotait tout. Rien n’émanait des enseignants que ce soit au niveau de la méthodologie ou au niveau de l’approche. Tout a donc été conçu pour plomber les travaux”.
La tenue des Etats généraux de l’éducation se situe, à l’époque, dans un contexte où la situation conjoncturelle connaît les premiers soubresauts de la naissance de la crise économique. Le pays de Paul Biya décide alors d’appliquer les plans d’ajustement structurel (Pas), corollaire de l’implémentation des directives des institutions de Bretton Woods, telles que le Fonds monétaire international (Fmi) et la Banque mondiale. Après les premiers signaux de la récession économique dans la moitié des années 80, les répercussions se sont faites ressentir quelques années plus tard avec la dévaluation du Fcfa, la baisse, à deux reprises, des salaires des fonctionnaires et des agents de l’État, les compressions des personnels de la Fonction publique et la réduction des contraintes et charges de l’État. Eu égard à ces contrecoups de la vie socio-économique, la souscription du Cameroun au paradigme économique des plans d’ajustement structurel a-t-elle aidé les enseignants à sortir du marasme et à tirer du bien des Etats généraux de l’éducation? Thobie Emmanuel Mbassi Ondoa, secrétaire général de la Fédération camerounaise des syndicats de l’éducation (Fecase), réagit à cette question par la négative et en fait, d’ailleurs, un diagnostic sans complaisance. “Depuis l’entrée du Cameroun au Fmi, il y a bien de conséquences au plan éducatif, telles que la défonctionnarisation de l’éducation, l’absence de construction des salles de classe, la diminution du taux de déscolarisation ayant entraîné la montée en puissance des effectifs pléthoriques et la décentralisation de l’éducation”, indique Mbassi Ondoa.
À cause de cet état de choses, des syndicats d’enseignants sont unanimes sur le fait qu’il est impératif, 28 ans après, de résoudre une nouvelle équation de l’organisation du forum national de l’éducation, en prenant en considération les besoins, les logiques, les desiderata et le nouveau profil du Camerounais du XXIème. C. Owona Amougui en pose les balises et souhaite que le gouvernement tienne compte de la conditionalité liée au respect strict de la participation des enseignants à la conception, à la structuration et à la mise en forme des travaux. Pour ce faire, l’enseignant de Philosophie indique il est idoine de réfléchir sur les problèmes fondamentaux des enseignants, sur le paiement de leur salaire, de leur dette évaluée aujourd’hui à 300 milliards de Fcfa, ainsi que sur le financement de l’éducation et la revalorisation de leurs droits reconnus. Autres problématiques non des moindres à soulever lors de ce forum les questions de portée générale, les questions spécifiques au sous-système anglophone, au sous+système francophone, les textes de lois en matière d’éducation : vides juridiques ; obsolescence de certains textes ; non application de textes existants.
Espérons que le gouvernement camerounais accordera les violons avec les mouvements syndicaux de l’éducation quant à l’organisation du forum national de l’éducation, dont les dernières assises réflexives ont eu lieu le 19 décembre 2018 dans l’enceinte du ministère de l’Enseignement supérieur (Minesup). Cinq ans après, rien n’a bougé.