Par Serge Aimé Bikoi
WhatsApp, Facebook, Twitter, Messenger, Instagram, Imo, Badoo sont des modalités des réseaux sociaux qui tiennent en haleine un nombre exubérant d’internautes ces dernières années. Cette emprise, voire cette mainmise des nouveaux médias sur les agents sociaux contribue à altérer le socle des relations interpersonnelles en famille, à dissoudre les liens de socialité et à renforcer les relations affinitaire et solidaire entre les membres des familles internes et ceux des microgroupes extérieurs. Les liens familiaux solides au départ se désagrègent chemin faisant consciemment ou inconsciemment, délibérément ou involontairement et entraînent la fissure de la fibre unitaire des familles au profit de la construction d’une relance sociale avec des groupes de pairs (amis, camarades, collègues, confrères et divers groupes Facebook et WhatsApp fondés ici et ailleurs).
Avec l’influence des réseaux sociaux sur les structures familiales, des membres de plusieurs cellules familiales sont plus enclins à se lier et à se relier à autrui appartenant à des microcosmes divers qu’à la sphère familiale initiale. Conséquence: il naît une fracture du lien familial au bénéfice du lien social tant il y a une disjonction de la fibre unitaire du groupe d’appartenance qu’est la famille au profit de la construction des liens de solidarité, d’affinité, d’affectivité et de sociabilité avec des groupes de référence, dont la constellation d’amis, de collègues, de confrères, de consœurs constituent l’armature. Irrémédiablement, l’on ne se retrouve plus avec des enfants de la communauté(Gemeinschaft) au sens de Ferdinand Tönnies, Sociologue allemand, comme ce fut, d’ailleurs, le cas autrefois dans un espace restreint où l’enfant d’une famille était l’enfant de toute la communauté; l’on ne se retrouve plus avec des enfants d’une même famille qui, après les occupations scolaire, parascolaire et professionnelle, sont plongés, chacun dans son giron, dans la nasse des médias sociaux au point de dissoudre la communication familiale.
A témoins, l’on se retrouve avec des familles, en zones urbaines modernisées et mondialisées, dont la progéniture ne dialogue plus en permanence comme à l’époque antérieure. L’on se retrouve avec des familles, dont les membres échangent plus avec des tierces personnes qu’avec ses parents, frères, sœurs, cousins, nièces, oncles présents dans le même cocon familial. Pire encore, l’on se retrouve avec des familles, dont les agents hyperconnectés sur la toile, sont, certes, dans un même îlot, mais qui sont éloignés les uns des autres parce que chacun reste arc-bouté sur son iPhone, sur son gadget androïde ou sur son ordinateur portable, dont il a du mal à se départir vu l’attrait perpétuel des réseaux sociaux en matinée, en journée et en soirée.
Sur ces entrefaites, le nouveau phénomène ambiant que représentent les réseaux sociaux participe, sans conteste, à la création des enfants de la société planétaire, à l’avènement des enfants de la mondialisation et à l’invasion des enfants des réseaux sociaux en interconnexion non plus avec l’en-groupe(groupe social d’appartenance), mais ils sont plutôt en interactivité avec le hors-groupe (groupe social de référence) constitué des pairs domiciliés autant à l’interne qu’à l’international sur la toile. Cette relance sociale avec le “village global”, pour emprunter la terminologie chère à Marshall Mc Luhan, Sociologue de la communication, contribue, en dépit des poches de conflictualisassions des rapports inter-individuels, à solidifier la dynamique affinitaire et sociétaire entre égo et alter, entre ici et ailleurs et entre soi et autrui. Ces médias sociaux fragilisant le lien familial aide alors à structurer l’altérité, la diversité et, parfois, la conflictualité entre soi et autrui.
Au demeurant, eu égard à l’environnement de l’afflux des médias sociaux qui assiège le quotidien ambiant des Camerounais subjugués par ce nouveau “type idéal” vital, il apparaît, en référence à Georges Balandier, Anthropologue et Sociologue dynamiste, une incidence d’une “dynamique du dehors”(les réseaux sociaux) sur une “dynamique du dedans”(la vie familiale contemporaine). La société camerounaise actuelle ressemble, en réalité, à cet espace public où la culture du vivre-ensemble avec l’ailleurs ou, du moins, avec autrui a plus d’emprise sur la logique de l’être-ensemble avec ses proches de la cellule domestique.
A la faveur de l’ancrage des réseaux sociaux dans les “manières d’agir, de penser, de sentir” et de faire des citoyens du monde, le nouvel éthos du vivre-ensemble avec autrui et l’ailleurs s’est développé au détriment de l’être-ensemble avec ses composantes familiales. Ainsi sommes-nous, par corollaire, plus distants des nôtres dans les entités familiales que ceux qui n’en font pas partie intégrante parce qu’échangeant et pérorant avec eux perpétuellement dans le cyberespace. Ce nouvel habitus vital débouche, consciemment ou inconsciemment, sur l’effritement progressif des liens familiaux.