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Cameroun | Cohabitation difficile entre les hommes et les bêtes sauvages autour du Parc National de Campo Ma’an

Le conflit Hommes- faune dure depuis de nombreuses années dans l’arrondissement de Campo, département de l’Océan, région du Sud. Les animaux s’approchent trop des villages, dévastent les champs, cassent les maisons et s’attaquent même parfois aux habitants. La population accuse l’Etat de protéger les bêtes sauvages au détriment des humains. Ce reportage a été réalisé avec l'appui du Rainforest Journalism Fund en partenariat avec Pulitzer Center

Par panorama papers
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Par Ebénizer Diki, et Rainforest Journalism Fund en partenariat avec Pulitzer Center

«Il y a un an aujourd’hui les éléphants ont dévasté mon champ de maniocs, je suis allée jusqu’à la faune montrer les photos à la conservation, ils m’ont fait comprendre qu’ils vont descendre sur le terrain. Jusqu’à présent personne n’est venue ; mais quand un villageois ou un chasseur tue un éléphant même par erreur, la gendarmerie vient et arrête tout le monde au motif qu’il est interdit de tuer un animal du Parc National. Mais nous, on a aucune compensation pour nos récoltes et les bien détruits ; on assiste impuissant à la ruine de la sueur de nos fronts ».

L’indignation de Marcelline Ngono , cette mère de quatre enfants au village Nkoelone (2km du Parc et à une vingtaine du centre urbain de Campo) qui ne vit que de l’agriculture résume la colère et la frustration des populations qui vivent autour de cette aire protégée. La majorité des plantations de vivres et de céréales de ce village ressemblent à de véritables champs de ruine.

Depuis plusieurs années les éléphants les gorilles les guenons et bien d’autres animaux sauvages font des incursions régulières dans les champs et plantations des villageois et ravagent tout sur leur passage se plaint la population. A Akak , village voisin de Nkoelone les crottes et les marques de pattes du pachyderme sur le sol, étaient encore fraiches dans le champ de patate, d’ignames et de macabo totalement détruit derrière la maison de Florence Bezibi lors de notre passage. Machette à la main elle zigzague entre les plants de cacao aux branches arrachées et enjambe les troncs de cocotiers et d’avocatiers renversés. L’agricultrice avance en pestant contre

« ces betes sauvages qui détruisent tout sur leur chemin » Cette dernière affirme ne plus savoir quoi faire car les éléphants saccagent tout, « même les repousses de bananiers plantains ».

Comme elles, Pie Parfait Ondo cultivateur au village Assok Bitandé a pris la décision de ne plus mettre pied dans sa plantation de deux hectares de plantain et de manioc située à un kilomètre de son domicile. Il y a quatre mois il s’y était rendu comme chaque matin lorsqu’il découvert le « désastre ». Il a pris la décision de ne plus jamais y retourner jusqu’à notre visite. Ici, les mois de janvier jusqu’en avril sont particulièrement redoutés ; il s’agit des périodes où les éléphants rodent en permanence par vague autour des habitations de jour comme de nuit à la recherche de nourrir.

Les animaux discutent désormais la nourriture avec les humains. Depuis plusieurs années racontent il

« les récoltes sont quasi inexistantes à cause des visites sans cesse croissantes des bêtes sauvages dans nos champs, on mange plus du riz ici qu’autre chose alors que nous cultivons la terre. Mais les animaux ne nous laissent rien dans les champs »

fulmine-t-il.

L’on redoute une «  famine généralisée » dans les années à venir dans nos villages si rien n’est fait pour atténuer ce phénomène, prévient le paysan. Même le cours d’eau qui jadis approvisionnait tout le village en eau potable est désormais occupé par les pachydermes qui menacent de s’attaquer à tous ceux qui tentent de s’ en «  approcher » explique le sexagénaire . Selon lui, toutes les plaintes adressées à la conservation à campo sont restées lettres morte depuis huit ans.

 « Comme l’Etat semble protéger ses animaux plus que nous les humains, nous lui demandons donc de nous garantir un salaire tous les mois, ainsi nous allons cultiver pour ses bêtes et lui, il nous paie un salaire comme des fonctionnaires car nous sommes fatigués de manger du riz qui vient de la Guinée Equatoriale »

suggère-t-il.

A défaut, que l’on nous relocalise dans un autre village ailleurs loin du parc dit l’homme très en colère.

Attaque sur les personnes

« Tout le monde est menacé ici » explique Jean Réné Mbili, chef du village Nazareth ; l’autorité traditionnelle précise qu’à partir de 22h il est désormais très risqué de s’aventurer hors de chez soit au risque d’être attaqué par un éléphant ou un gorille en divagation. 

« Il y a quelques mois, raconte t il, mon épouse et moi-même avons failli passer de vie à trépas sur la moto au bosquet à cause d’un éléphant qui nous avait pris pour cible ».

Ils n’ont eu la vie sauve que grâce aux klaxons et aux jeux de phares de son engin.

« Quand nos mamans vont en brousse nous on a très peur »

renchérit Orphé Ntoutoumou, jeune du village,

« car dans un champ de manioc ou de patate vous pouvez trouver des gorilles qui vous chargent pour rien »

précise le jeune homme.

La déforestation mise en cause

D’après les habitants de ces localités situées aux alentours de l’aire protégée, ce phénomène a toujours existé longtemps bien avant même la création du parc. Mais il a pris de l’ampleur ces trois dernières années à cause de l’installation de Camvert , une société agro industrielle spécialisée dans le palmier et à qui le gouvernement a octroyé près de 40.000 hectares de forêt en 2022. 1000 ont déjà été rasés. 

« A cause des bruits et la destruction de leur espace de vie, les éléphants sont obligés de se rabattre dans les villages pour trouver de la nourriture et nous, on a même pas le droit de les tuer »

explique un habitant du village Mabiogo, qui note avec amertume que les animaux sont plus protégés que les humains.

Un conflit difficile à « gérer » 

Si le conservateur du Parc National de Campo Ma’an reconnait l’existence et l’ampleur de ces conflits entre les humains et les animaux sauvages, Claude Memvi Abessolo relève cependant plusieurs difficultés qui ne facilitent pas leur gestion.
La première indique t il , est d’ordre juridique : la loi camerounaise classe les conflits Hommes faune dans la catégorie des catastrophes naturelles qui sont elles prises en charge par le ministère de l’administration territoriale à travers la Direction de la Protection civile.

Le ministère des forêts et de la faune n’est donc pas compétent pour dédommager ou compenser des pertes liées à la divagation des bêtes dans les villages.
Deuxième raison souligne le conservateur, c’est l’absence de concertation des ministères sectoriels au moment de l’élaboration des grands projets structurants. Ces derniers s’implantent sans tenir compte des couloirs de migrations des animaux.

Claude Memvi Abessolo pointe également du doigt les populations qui occupent anarchiquement les couloirs migratoires des bêtes désorganisant ainsi leurs mouvements.

Toutefois, l’administration forestière ne reste pas bras croisés face aux plaintes, des campagnes de sensibilisation des populations dans les différents villages sont régulièrement organisées et tous les dossiers relatifs à ces plaintes ont d’ores et déjà été transmis à la haute hiérarchie 

a-t-il conclu.

En octobre 2022 une grande réunion présidée à Ebolowa, capitale régionale du Sud Cameroun par le gouverneur s était penchée sur ce phénomène de manière global dans la région. Il avait été recommandé d’engager des actions de mitigation et d’habituation des animaux afin d’atténuer ces divagations. Certaines Ong nationales organisent assez souvent des séminaires de formation pour la fabrication des ruches d’abeilles par les villageois.

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