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Cameroun > Enquête- sérail: Les quatorze secrétaires généraux nommés par Paul Biya

le Cameroun a connu dix-neuf Sgpr. Ahmadou Ahidjo en a nommé cinq en vingt-cinq ans de pouvoir et son successeur Paul Biya quatorze, en quarante années.

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Par René MBARGA

A ce jour, le Cameroun a connu dix-neuf Sgpr. Ahmadou Ahidjo en a nommé cinq en vingt-cinq ans de pouvoir et son successeur Paul Biya quatorze, en quarante années. Elles sont donc en tout, dix-huit personnalités à avoir occupé cette haute fonction dans notre pays. Toutefois, sous le renouveau : de sadou Daoudou le premier titulaire de la fonction jusqu’à Ferdinand Ngoh Ngoh, beaucoup d’eau semble avoir coulé sous les ponts.

En 2020, profitant des rumeurs qui donnaient Paul Biya pour mort, une bonne partie de l’opinion avait accusé l’actuel Ministre, secrétaire général de la Présidence Ferdinand Ngoh Ngoh d’utiliser frauduleusement les sceaux et la signature du Président, à travers les fameuses « hautes instructions » dans le dessein de s’arroger le pouvoir d’Etat. La désignation du Professeur Joseph Owona- créateur théoricien du fameux groupe de pression Essingan (apparenté aux Fangs-béti) et anti bamiléké pur et dur- au conseil constitutionnel, visait en réalité rapportaient , ces indiscrétions, à préparer un éventuel passage en force. Avec bientôt 12 ans au poste de secrétaire général de la Présidence de la République, une incroyable longévité que des observateurs vouent au fait que Ferdinand Ngoh Ngoh et Chantal Biya sont tous deux « Nanga-Eboko » ; le départ maintes fois annoncé de ce diplomate du palais serait, rapporte-t-on dans certains salons huppés de Yaoundé, l’une des multiples raisons du blocage du futur remaniement.

A la fois craints, adulés et haïs on leur prête parfois des pouvoirs incommensurables du fait de leur proximité réelle ou supposée avec le Chef de l’Etat. Que sont véritablement les secrétaires généraux de la Présidence de la République au Cameroun ? Du temps où il occupait la fonction, Titus Edzoa avait été accusé de promouvoir la Rose-croix et de ne nommer que ses « fraters » aux différentes positions de pouvoir. Jean-Marie Atangana Mebara, ne fut point épargné ; grand maître de l’ordre des rameaux selon une rumeur largement répandue à l’époque des faits, on prêtait à l’ex Directeur général de l’Institut supérieur de management public (Ismp), le pouvoir de remanier le gouvernement, on le soupçonnait surtout d’être à la tête d’un regroupement nébuleux, le fameux G11 qui ambitionnait de chasser Paul Biya d’Étoudi (en octobre 2011). Laurent Esso ne fut pas en reste, l’ancien chancelier de l’université de Yaoundé, à travers les nominations de certains ressortissants de la région du Littoral dans les sociétés publiques et parapubliques, alléguait-on, mettait en avant; les intérêts de la « Sawa Connexion ».

I – Sadou Daoudou : L’homme de la rupture

Né en 1926, il occupera la fonction de novembre 1982 à juin 1983, soit environ huit mois. Selon Eboua Samuel, M. Daoudou a été nommé à cette fonction, le 6 novembre 1982, sur « la recommandation » du Président démissionnaire Ahmadou Ahidjo. Son Adjoint est alors M. Kamgueu Daniel. Sous M. Sadou Daoudou, l’organisation de la Présidence de la République a été légèrement modifiée par le décret n° 83-106 du 03 mars 1983. Par rapport à la précédente organisation, laissée par le Président Ahidjo, il n’y a aucune modification dans l’organisation de la Présidence de la République. Selon les dispositions de l’article 2 de ce décret, la mission principale du secrétariat général de la Présidence demeure la même qu’antérieurement : « d’instruire toutes les affaires soumises à la sanction du Chef de l’État ainsi que les dossiers que lui confie le Président de la République : Par ailleurs, « il suit l’exécution des décisions prises par le Chef de l’État »

II- Zambo Joseph : Le frère du village

. Né en 1931, il sera Sg/Pr de juin 1983 à février 1984, soit environ neuf mois d’exercice. Il était de la région du Sud. Avant sa nomination à cette fonction, M. Zambo était Directeur général de la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (Cnps), entre juillet 1981 et avril 1983, nommé par le Président Ahidlo. Il est utile de rappeler qu’avant son entrée au secrétariat général de la Présidence, en qualité de Chargé de mission, M. Zambo avait été Secrétaire général Adjoint en 1967, puis Secrétaire général de la Primature du Cameroun oriental en 1969. Il avait pour Adjoints MM. Nkuete Jean et Labarang Mahamadou.

III- Abouem Atchoyi David : La haute administration chevillée au corps

. Originaire de la région du Centre plus précisément de l’actuel Mbam-et-Inoubou, le troisième Sgpr de l’ère Biya est né en janvier 1944 et aura exercé pendant environ dix-huit (18) mois, soit de février 1984 à août 1985. Avant sa nomination à cette fonction, M. Abouem A Tchoyi était gouverneur de province. Ses Adjoints au secrétariat général étaient MM. Nkuete Jean et Labarang Mahamadou. Le passage de M. Abouem au Secrétariat Général de la Présidence est marqué par la tentative de coup d’État du 06 avril 1984. Monsieur Abouem quitte le Secrétariat général de la Présidence pour prendre les rênes du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique.

IV- Oyono Leopold Ferdinand : Le factotum du Président

Né en septembre 1929, il occupera cette fonction d’août 1985 à novembre 1986, soit environ quatorze (14) mois. Il était de la région du Sud. Avant sa nomination à cette fonction, M. Oyono était ambassadeur du Cameroun auprès du royaume de Grande-Bretagne (1984-1985), après avoir occupé la même fonction de 1963 à 1984, auprès de nombreux pays africains et surtout européens, ainsi qu’auprès des Nations-Unies. Il avait pour Adjoints M. Nkuete Jean et M. le Pr Owona Joseph. M. Oyono est décédé le 10 juin 2010, à l’âge de 81 ans

Les principales innovations de la deuxième réorganisation de la Présidence sous la présidence Biya de novembre 1986 : l’expérience du Cabinet du Président de la République et du Secrétariat général du Gouvernement. Le 21 novembre 1986, à la surprise générale, le Président de la République signe et rend public le décret No 86-1400 portant organisation de la Présidence de la République. Ce texte crée notamment le Cabinet du Président de la République, le Secrétariat Général du Gouvernement et le Cabinet Privé. Ledit décret abroge « toutes dispositions antérieures et notamment le décret No 85-1217 du 11 septembre 1985 portant organisation de la Présidence de la République ». Le même jour, Monsieur Jean Nkuete est nommé Secrétaire Général du Gouvernement et Monsieur Robert Mbella Mbappe promu Directeur du Cabinet du Président de la République.

V- Tessa Paul : le condisciple du lycée Leclerc

Nommé Secrétaire général de la Présidence ; il y restera jusqu’en avril 1989. Il est le neuvième et le cinquième Secrétaire général sous le règne du Président Biya ; il y restera environ une année. Originaire de la région de l’Ouest, il était né en août 1938. Avant sa nomination à cette fonction, M. Tessa était Directeur général de la Société de Presse et d’Edition du Cameroun (Sopecam), la société éditrice du quotidien gouvernemental Cameroon-Tribune. Bien auparavant, M. Tessa avait été collaborateur du Secrétaire Général de la Présidence, M. Paul Biya, à la fin des années 60 ; il avait notamment occupé les fonctions de chargé de mission puis de conseiller technique au Secrétariat général de la Présidence de la République. Il en était sorti pour entrer au gouvernement du 03 juillet 1972, sous le Président Ahidjo, comme Ministre de l’Équipement, de l’Habitat et des Domaines, poste qu’il occupera jusqu’en juin 1975. Ses deux Adjoints au Secrétariat général de la Présidence étaient M. Zoa Oloa Emmanuel et M. Esso Laurent. M. Tessa est nommé Ministre des Travaux Publics et des Transports à sa sortie du Secrétariat général de la Présidence en avril 1989. M. Tessa Paul est décédé le 15 mars 2010, à l’âge de 72 ans; il occupait alors la fonction de Président de la Commission Anti-Corruption (Conac), créée en 2006.

VI- Akame Mfoumou Édouard : La créature du renouveau

Monsieur Akame Mfoumou exercera également ces fonctions en application de ce décret de mai 1988. Originaire de la région du Sud, il a occupé ce poste d’avril 1989 à décembre 1990. Au moment de sa nomination à cette fonction, M. Akame Mfoumou était Directeur Général de Banque à Douala. Auparavant, M. Akame, qui était entré au cabinet du Premier Ministre Paul Biya en octobre 1976, en est devenu Secrétaire général Adjoint en septembre 2011. En mai 1984, il est nommé Conseiller technique au secrétariat général de la Présidence. Il n’y restera que jusqu’en octobre 1984 quand il est désigné Directeur général de la Bicec. Il a eu pour Adjoint M. Tchepanou Claude M. Akame Mfoumou hérite du Ministère de la Défense quand il quitte le Secrétariat général de la Présidence, en décembre 1990. M. Akame Mfoumou est actuellement Président du Conseil d’Administration de la Compagnie aérienne Camair-Co.

VII- Sadou Hayatou : L’homme de confiance

Onzième personnalité à occuper la fonction de Sgpr, c’est-à-dire ; de décembre 1990 à avril 1991, soit environ cinq (5) mois. Lui aussi aura pour seul décret de référence celui du 16 mai 1988 organisant la Présidence de la République. M. Hayatou était Ministre des Finances au moment de sa nomination comme Secrétaire général de la Présidence. Son Adjoint était M. Siyam Siewe Alphonse. M. Sadou Hayatou avait auparavant occupé les fonctions suivantes : – Directeur général Adjoint puis Directeur général de la Bicic, de 1974 à 1980 ; – Ministre de l’Agriculture, d’août 1983 à août 1985 ; – Ministre du Plan et de l’Aménagement du Territoire, d’août 1985 à décembre 1987 ; – Ministre des Finances de décembre 1987 à décembre 1990. M. Sadou Hayatou devient Premier Ministre à sa sortie du Secrétariat général de la Présidence, en avril 1991.

VIII- Owona Joseph : Le père de Essingan…

Il a occupé le poste du 09 avril 1992 au 21 juillet 1994, soit environ vingt-huit (28) mois. Son Adjoint était M. Siyam Siewe Alphonse. Avant son accession au Secrétariat général de la Présidence, le Professeur Owona avait successivement occupé les fonctions suivantes : Directeur de l’Iric du 9 septembre 1976 au 22 août 1983 ; Chancelier de l’Université de Yaoundé, du 22 août 1983 au 13 septembre 1985… Secrétaire Général adjoint de la Présidence de la République, Ministre de la Fonction Publique et du Contrôle de l’Etat (16 mai 1988 au 7 septembre 1990), Ministre de l’Enseignement Supérieur (7 septembre 1990 au 9 avril 1992).

IX- Professeur Edzoa Titus : Un candidat derrière les barreaux

Ministre, Sgpr entre juillet 1994 et septembre 1996. Au moment de sa nomination au Secrétariat général, le Professeur Edzoa était Ministre de l’Enseignement Supérieur. Il avait pour Adjoint M. Inoni Ephraim. Ce sont les décrets N° 92/070 du 09 avril de 1992 et N° 92/245 du 26 novembre 1992, qui fixent le domaine d’action et de responsabilité du Secrétariat général et du Secrétaire général de la Présidence, jusqu’en 1998. Il convient cependant de relever que l’orientation prise par les décrets de 1992, d’une responsabilisation accrue du Premier Ministre, a été interrompue en août 1995. En effet, sans la moindre publicité usuelle des actes du Président de la République, le décret N° 95/145-Bis du 04 août 1995, a modifié et complété les dispositions du décret du 04 mai 1992 précisant les attributions du Premier Ministre. Avec ce nouveau texte, la plupart des actes du Premier Ministre sont soumis à l’approbation préalable du Président de la République. Tout d’abord, des nominations ont été retirées au Premier Ministre, celles aux emplois civils suivants

X- Amadou Ali : L’homme des missions alambiquées

Sgpr, de septembre 1996 à décembre 1997. Avant sa nomination à la Présidence, M. Amadou était Secrétaire d’État à la Gendarmerie. Auparavant, il avait occupé les fonctions suivantes dans la haute administration : – Secrétaire général du Ministère de la Fonction publique, de 1974 à 1982 ; – Délégué Général au Tourisme entre 1982 et 1983 ; – Délégué Général à la Gendarmerie, de 1983 à 1985.

XI- Marafa Amidou Yaya : Un Yérima cloué au pilori

(décembre 1997-août 2002). Il avait pour Adjoints M. Inoni Ephraim et M. Owona René. Auparavant, M. Marafa avait été Secrétaire d’État au Ministère des Finances de novembre 1992 à juillet 1994. Il a ensuite été nommé Conseiller spécial du Président de la République en juillet 1994, et il y restera jusqu’en décembre 1997. Le séjour de M. Marafa au secrétariat général de la Présidence sera marqué par les élections législatives programmées en mai 2002, puis reportées en juin 2002, avec des partielles en septembre 2002. C’est d’ailleurs à la suite du cafouillage électoral de mai 2002 que M. Marafa est nommé Ministre de l’Administration Territoriale, cumulativement avec ses fonctions de Secrétaire général de la Présidence. Il exercera ces deux fonctions pendant trois mois, jusqu’en août 2002. C’est la première fois, depuis l’indépendance du Cameroun, que le Secrétaire général de la Présidence est momentanément chargé de gérer, cumulativement, un autre département ministériel qu’est le Ministère de l’administration territoriale.

X- Atangana Mebara Jean Marie : rattrapé par le pélican

Entre août 2002 et septembre 2006. Ses Adjoints étaient : M. Inoni Ephraim, puis Yang Philémon après nomination de M. Inoni comme Premier Ministre en décembre 2004, M. Owona René (+2005), puis Sadi René. Il exerce sous l’empire du décret d’octobre 1998. Avant sa nomination au Secrétariat général de la Présidence, Atangan Mebara était Ministre de l’Enseignement Supérieur, de 1997 à 2002. Il avait été auparavant Conseiller technique à la Présidence de la République ; il avait en même temps été désigné Censeur à la Banque des États de l’Afrique Centrale et Président de la Commission Nationale des Marchés (de décembre 1990 à avril 2007). Il avait aussi été Conseiller technique dans les services du Premier Ministre, de 1991 à 1993, avant de prendre la Direction de l’Institut Supérieur de Management Public en janvier 1994. L’élection présidentielle d’octobre 2004 est sanctionnée par la large victoire du Président Paul Biya, avec 70,9% des voix, contre 17,4% pour son suivant immédiat, M. John Fru Ndi. M. Atangana Mebara sera nommé Ministre des Relations Extérieures à sa sortie du Secrétariat général de la Présidence de la République. Il y restera un an.

XI- Esso Laurent : L’insubmersible

Né en 1942, il est resté en fonction de septembre 2006 à décembre 2011. Au moment de sa nomination au secrétariat général de la Présidence, Monsieur Esso était Ministre des Relations Extérieures. Il avait pour adjoints : MM. Yang Philémon et Sadi René (jusqu’en juin 2009), puis le Pr Agbor Tabi Peter et le Pr Fouda Séraphin (à partir de juin 2009 jusqu’en décembre 2011 quand M. Esso quitte le Secrétariat général de la Présidence de la République). Monsieur Laurent Esso est un des plus anciens membres du gouvernement ; il a tour à tour occupé, sans interruption depuis 35 ans, les fonctions ministérielles.

XII- Ferdinand Ngoh Ngoh : Au nom de Chantal Biya

Diplomate de formation, originaire de Minta dans le département de la Haute Sanaga, Ferdinand Ngoh Ngoh a fourbi ses armes au sein de la mission permanente du Cameroun auprès de l’Onu à New-York aux côtés de Martin Belinga Eboutou, avant d’être porté au Secrétariat Général du Ministère des relations extérieures en 2008. Nommé Sgpr à la faveur à la faveur du remaniement ministériel du 09 décembre 2011 et considéré comme un protégé de la Première dame, le concerné totalise un record inédit à cette haute fonction, soit bientôt 12 ans. Accablé par la presse et les réseaux sociaux, après le retrait de la coupe d’Afrique des nations Total 2020 ; à travers le fameux dossier des marchés de gré à gré. Une rumeur selon lequel, un mandat d’amener émit par le tribunal criminel spécial à son égard, relativement à la gestion des fonds du covid-19 ; avait récemment défrayé la chronique.

Qui sont-ils…

Les secrétaires généraux de la présidence de la République sont-ils de simples collaborateurs du Chef de l’Etat ou des vice-présidents de la République ?

Pour le Professeur Titus Edzoa (Sgpr de 1994- 1996) dont les propos ont été rapportés par le politologue Manassé Aboya Endong, dans Cameroun : Le débat virtuel, Entretiens avec les hommes de pouvoir, ouvrage paru en 2008 : « Sachez que le Secrétaire Général de la Présidence ne décide de rien. S’il y a des problèmes dans un ministère et que les dossiers relatifs sont envoyés à la Présidence, le Secrétaire Général apprête les dossiers à l’intention du Président de la République qui décide. Une fois devenu Secrétaire Général de la Présidence, pourquoi voulez-vous que ce soit moi qui suive ce dossier deux ans après, puisque le Secrétaire Général n’est ni Ministre de la Justice ni Ministre de l’Enseignement Supérieur ? », Plus loin poursuit l’intéressé : « Cette position (Secrétaire Général de la Présidence de la République) charrie aussi bien des avantages que des inconvénients. … Le jour où j’ai été nommé Ministre de la Santé Publique, j’ai poussé un ouf de libération parce que à la Présidence de la République on n’a pas un seul instant pour soi… Je m’impliquais jour et nuit et j’y ai mis ma vie privée et professionnelle. (p. 90). C’est tout à fait autre chose lorsque vous êtes Ministre, membre du Gouvernement : vous pouvez dans une moindre mesure, organiser votre emploi du temps. Et lorsque vous avez passé près de quinze ans dans cet enfer de la Présidence et que vous le quittez- je dirais honorablement – c’est une sensation de libération que vous éprouvez ». Dans cette même interview, l’ancien Ministre de la santé publique tranche sur le vif : « Lorsque vous êtes collaborateur (du Président) vous donnez les avis et il décide. » Néanmoins, précise-t-il, en passant par la Présidence, on connaît mieux le système.

En abordant le même sujet, le tout premier titulaire du poste Christian Tobie Kuoh, dans ses ouvrages : Mon témoignage. Le Cameroun de l’indépendance 1958-1970 et Une fresque avec le Président Ahidjo parlent de ses rapports avec son patron : « J’ai été tenu à l’écart lors de la formation du premier gouvernement. Parce que ça relève du domaine réservé du Président, même si on m’a parfois qualifié d’éminence grise » et plus loin : « Pendant quatre ans et demi (de janvier 1960 à juin 1964) j’ai vu le Président plusieurs… Puis, au fil du temps je sentais certaines réticences de la part du Président. Il avait, vis-à-vis de moi, moins d’abandon qu’auparavant, m’entretenait de moins en moins de nos problèmes intérieurs, montrait de plus en plus d’agacement quand je les abordais ou affectait alors un air absorbé. Le seul reproche qu’il me fera est ma façon de me désintéresser de la politique, de « sa » politique, alors que je suis son bras droit, son ami de longue date et que j’occupe auprès de lui un poste de premier plan… Puis le Président lui proposa le poste d’Ambassadeur du Cameroun à Bruxelles et auprès de la Cee (Communauté Economique Européenne ». Christian Tobie Kuoh révèle qu’après son refus, le Président lui a proposé de prendre la direction du nouvel organisme créé pour le Contrôle de l’État. « J’ai accepté, parce que j’en voyais l’extrême nécessité, parce que c’était une création et parce que mon pays en avait un grand besoin ».

Tirant le bilan de ses années d’étroite collaboration avec le Président Ahidjo, Christian Tobie Kuoh écrit : « Les quatre années passées à la Présidence de la République, où j’ai cumulé les fonctions de Directeur du cabinet et de Secrétaire général ne m’ont épargné ni peine, ni souci, ni dégoût. Plus je vais chez les hommes, a dit Sénèque, plus j’en reviens inhumain. Je pourrais ajouter : plus je voyais les intrigues, les chausse-trapes, les peaux de banane qu’on jetait perfidement sous mes pieds, les sourires, les flatteries qui accompagnaient généralement de tels actes, plus je connaissais la qualité des personnages qui se livraient à ces mesquineries, la place qu’ils occupaient dans l’État, plus je me disais souvent, avec Chateaubriand qu’il y a des moments où l’on ne doit dépenser le mépris qu’avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux. »

S’agissant de Samuel Eboua (Sgpr de 1975- 1982) s’exprimant sur le fardeau de la charge, dans son ouvrage, une décennie avec le Président Ahidjo : « Mon travail est accablant. Il ne me laisse pas souffler… Je rentre chaque jour fatigué, cassé, sans pour autant être à l’abri d’un coup de fil du Président me demandant telle ou telle chose. Je n’ai pratiquement pas de distractions… C’est vraiment abrutissant ». Au sujet de ce que peut ou ne peut pas faire le Secrétaire Général de la Présidence, Samuel Eboua raconte cette anecdote : « Un jour, mon prédécesseur au Secrétariat général de la Présidence me rapporte comment, lors des investitures des candidats par le Parti aux élections législatives, il avait fait parvenir une note au Chef de l’État pour annuler la candidature d’une dame de mœurs légères, originaire de son département. N’empêche! Ladite personne est investie et est député à l’Assemblée Nationale. Il n’a donc tenu aucun compte de son information. » Dans son propre cas, il révèle avoir adressé au Chef de l’État trois notes pour attirer son attention sur le fait que le Délégué du Gouvernement (Maire nommé) de sa ville d’origine, Nkongsamba, a toujours été un allogène ; sans qu’Ahidjo n’en tienne compte. Au sujet de son limogeage par Paul Biya ; Eboua mentionne le contenu de leur ultime tête-à-tête : « Vous ne ferez plus partie du gouvernement. Je vous remercie de la collaboration que vous m’avez apportée jusque-là : « Le Président Biya me reçoit le lendemain, le 14 juin. (…) Nous nous quittons, apparemment en bons termes. Quatre jours plus tard, il signe le décret qui limoge du gouvernement trois des quatre « comploteurs » (…) : Ayissi Mvodo, Bwele Guillaume et moi-même. ».

Contrairement à ses autres prédécesseurs, Jean Marie Atangana Mebara (Sgpr de 2002-2006) a pour sa part consigné dans son essai Le Secrétaire général de la présidence de la République au Cameroun Entre mythes, textes et réalités paru chez l’harmattan, les moindres détails de sa consultation par Paul Biya : « Le Chef de l’État m’avait effectivement reçu dans la matinée du 18 ou du 19 août 2002. Je vous livre ici le bref récit que j’en avais alors rédigé pour mes archives. En effet, en cette deuxième semaine du mois d’août, je me trouvais en congé dans mon village à Nkomekoui, à une vingtaine de kilomètres de Yaoundé, sur l’ancienne route de Douala. Le Premier Ministre d’alors, Peter Mafany Musonge, m’avait accordé une dizaine de jours de repos. Au ministère de l’Enseignement Supérieur, l’année avait été relativement calme dans les universités, quoique riche, comme les autres années, en événements aussi prenants les uns que les autres pour moi-même et mes collaborateurs. Il fallait souffler un peu, avant de revenir préparer la prochaine rentrée académique, avais-je expliqué au Chef du gouvernement. Mon village n’était pas encore connecté au téléphone mobile. Je disposais cependant d’un appareil Thuraya, qui me permettait de garder le contact avec mon assistante Mme Mvondo, restée en poste au ministère. En l’appelant mardi 18 août, pour savoir s’il y avait quelque chose de nouveau, elle m’apprit que l’Aide de camp du Président de la République avait déjà appelé plusieurs fois dans la matinée pour me parler. Et il avait fini par révéler à mon assistante que le Chef de l’État veut me voir. Elle avait promis de me tenir au courant rapidement. Elle s’apprêtait à venir au village pour m’en rendre compte. Je la remerciai et promis de la rappeler. Tout de suite après, je téléphonai au Colonel Fouda, alors Aide de camp. Je lui expliquai que j’étais en congé au village et c’est pour cela qu’il n’avait pas pu me joindre. Il me confirma que le Président devait me recevoir dans les prochains jours et qu’il serait préférable que je regagne Yaoundé. Le jour même, je regagnai la capitale. J’informai Mme Mvondo que je serai au bureau le lendemain matin, mais qu’elle ne devait pas l’ébruiter. J’arrivai au bureau à mes heures habituelles, soit entre 7h20 et 7h40. Mon premier coup de téléphone fut pour l’Aide de camp du Président, pour l’informer que j’étais au bureau. Il promit qu’il me contactera dès qu’il en serait instruit. L’attente commença. Je me mis à préparer quelques fiches sur les établissements d’enseignement supérieur, sur mes projets pour l’année académique à venir. Chaque fois que le téléphone sonnait, j’avais un sursaut. »

Avant de connaître la déchéance et l’emprisonnement dans le cadre de l’affaire de l’Albatros, Jean-Marie Atangana Mebara est passé par bien de péripéties. Incompréhensions, mauvaises interprétations de ses actes par certains ministres voire beaucoup de coups bas qui l’ont laissé un goût amer qu’il se contente de relayer entre les pages de son livre. Au demeurant, à la lumière de ces quelques témoignages, le secrétaire général de la présidence de la République apparaît comme un collaborateur de premier plan, qui peut se laisser grisé par les mirages du pouvoir ; du fait de sa proximité avec le chef de l’Etat, mais qui reste avant et après tout un simple ministre.

Une enquête menée par René MBARGA

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