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Cameroun > Mort de Ni John Fru Ndi: La bibliothèque politique en feu, allô les mémoires

Les derniers mohicans de la vie politique nationale s’en vont, l’un après l’autre, dans le vide de la narration personnelle des faits qui ont marqué la Nation.

Par panorama papers
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Par Léopold DASSI NDJIDJOU

Cette deuxième génération de la classe de femmes et d’hommes marche ainsi dans les pas de la devancière. Mayday ! Mayday !
« En Afrique, quand un vieillard meurt, c’est toute une bibliothèque qui brûle », déclarait Amadou Hampâté Bâ à la tribune de l’Unesco en 1960. L’ethnologue et écrivain malien, tout en vantant la dimension inexplorée de l’art oratoire africain, tirait la sonnette d’alarme du grand mal africain à conserver son patrimoine historique, matériel et immatériel, qui se perd au fil du temps dans les braises de la mort. Effectivement, plus de soixante ans après cette déclaration, « les sages », « les experts », « les dépositaires » du savoir-être et du savoir-faire du continent continuent de s’en aller allègrement sans rien léguer à la postérité. Quel contraste avec le monde occidental ! Alfred de Vigny, le Français, dans son poème « La bouteille à la mer », étale aux yeux du monde l’état d’esprit de son monde où les devanciers vivent en tenant compte des générations futures, en se préoccupant de ses difficultés, de ses défis. Le marin se sachant perdu, écrit les causes de sa perte dans un journal, l’enferme dans une bouteille et la jette à la mer, avec l’espérance qu’elle voguera à travers les flots et sera recueillie un jour par des mains expertes. Les mémoires sont de ce fait un éclairage qui permet de mieux cerner le comportement des acteurs dans un système à un moment donné. On pourra facilement rétorquer qu’il y a les journaux avec son florilège de déclarations, d’affirmations, d’infirmations sur tel ou tel autre fait social, où le président du Social democratic front (Sdf) s’exprime allègrement. Bien sûr, mais cela s’exécute dans le feu de l’action, dans l’immédiateté sans aucun détachement avec le temps qui finit toujours par rétablir l’équilibre ou la réalité des faits. Ecrire un mémoire c’est donc faire un retour dans le temps, dans un passé d’erreurs et de réussites, pour mieux éclairer les acteurs d’aujourd’hui, pour les sensibiliser à travers ce journal de bord, affranchi, dépoussiéré des contraintes de l’instant de son occurrence. C’est aussi le chemin de la grandeur, d’une sorte de victoire sur le feu du temps qui crame la mémoire à travers la mort. Ecrire, c’est vaincre la mort doublement car un homme politique de la trempe de Ni John Fru Ndi ne meurt plus, il est marqué dans la chronologie du temps qui passe. C’est la deuxième dimension où il ne vit pas par lui-même qui pousse davantage aux larmes, aux supputations et conjectures qui continueront aveuglément après lui à alimenter la controverse sur ceci ou sur cela ! Sa deuxième victoire attendue était donc d’écrire sur ses tribulations, sur ses victoires, sur des échecs, sur ses amitiés, sur ses inimitiés, et tout ce qu’on voudra au sommet du « Power to the people » pendant 33 ans. Ce n’est pas rien ! C’est ce vide qui créé l’émotion, la crainte, la peur du lendemain sans ces hommes de consensus, sans leur know how révélé pour une génuine continuité de la vie politique paisible. Oui à coup sûr, il était un homme de paix, un homme qui aimait son pays, un fédéraliste accompli, un homme qui avait fini par comprendre le système Biya, qu’il a passé plus du tiers de sa vie à combattre. Une bataille contre les moulins à vent comme le fit Don Quichotte de Miguel de Cervantès? Loin de là car si John Fru Ndi avait compris le système, le système le comprenait aussi. S’en est-il suivi une paix des braves ? Un pacte de paix démocratique ? Il n’est plus là pour répondre effectivement et exactement de ce qui en est ou en était. Au moment où le Chairman quitte la scène, la classe politique lui rend unanimement un vibrant hommage. Rest in peace, « Power to the people » !

Réaction :

Patricia Tomaïno Ndam Njoya, président national de l’Udc

« L’Udc par ma voix, adresse à toutes, à tous, son sentiment de respect… »

« Le ciel, le cœur ou l’âme des sympathisants, militants, responsables politiques et élus du Sdf est tout gris, chargé de peine, de douleur en cette matinée du 13 Juin 2023 qui se lève avec la nouvelle répandant le rappel à Dieu, de leur président national, John Fru Ndi. La famille politique camerounaise des hommes et des femmes qui se sont démarqués en 1991, avec le retour au multipartisme s’en trouve affectée : L’Udc étant partie, par ma voix, adresse à toutes, à tous, son sentiment de respect, en hommage aux chemins que l’Udc et le Sdf sous la guidance du Chairman ont parcouru ensemble. En tant que politique, puisse les nombreux, riches enseignements et leçons, qui ont jalonné ces plus de 30 ans d’histoire politique de notre pays, continuer à nous inspirer : la révolution n’étant pas terminée ! En tant que croyante, je m’en remets à Dieu, le Très Miséricordieux ; Puisse t’Il accueillir auprès de Lui, le Chairman ! »

Jean-Baptiste Amvouna Atemengue, maire Rdpc de la commune de Ngoumou

« Un patriarche »

« Tout en souhaitant toutes nos condoléances à sa famille politique et à sa famille biologique, le Cameroun perd là un de ses principaux entrepreneurs politiques de la nouvelle ère du multipartisme depuis plus de trente ans. Un patriarche. Il a su défendre ses convictions politiques ancrées à Gauche sans jamais compromettre la paix et l’unité nationale. Il a contribué à l’instauration d’une démocratie apaisée en étant juste un adversaire politique et non pas un ennemi. La représentation de son parti au niveau parlementaire a été constante bien que déclinante. Il a su faire du Sdf un parti de gestion. Nous ne pouvons que souhaiter à ses successeurs de poursuivre dans cette lancée afin de reconstruire cette famille politique républicaine utile à notre jeune démocratie »

Maïdadi Saïdou, membre du bureau politique de l’Undp

« Un leader qui a su passer la main avant de quitter la scène… »

« Je garde de ce grand leader politique avec qui j’ai étroitement collaboré pendant de longues années l’image d’un combattant acharné et infatigable. Je garde également l’image d’un leader républicain qui a travaillé dans le sens de l’unité et de l’intégrité de notre pays. Grâce à lui, le pays n’a pas basculé dans la guerre civile après la présidentielle de 1992 alors que des cadres du parti l’y poussaient. Je garde enfin l’image d’un leader qui a su passer la main avant de quitter la scène. C’est une grosse perte pour notre pays. May his soul rest in perfect peace » .

Robert Bapooh Lipot, Secrétaire général de l’Upc

« C’était un homme courageux épris de justice et de paix »

« Le Cameroun perd un homme d’Etat très attaché à la sauvegarde de l’Unité et l’indivisibilité de notre pays. Comme si c’était hier, je le revois encore rappeler ce principe fondamental de la vie politique de notre Nation, le 16 novembre 2016 à la Commercial Avenue à Bamenda devant une foule bigarrée qui revendiquait son onction pour des voies peu recommandables dans la vie républicaine. Armé d’une conviction inébranlable pour le respect sacré de l’unité et de l’indivisibilité du Cameroun, il affirma avec fermeté son opposition à la déstabilisation du Cameroun et de ses Institutions. Il faut dire que le Chairman n’a jamais voulu voir le sang des Camerounais couler pour servir de stratégie à la conquête du pouvoir par des voies insurrectionnelles. C’était un homme courageux épris de justice et de paix qui s’éloignait des extrémistes et des va-t-en guerre qu’on retrouve de plus en plus dans la scène politique camerounaise aujourd’hui. Le Chairman sera toujours considéré comme un modèle et acteur majeur de la modernisation institutionnelle du Cameroun. Au nom de l’Union des populations du Cameroun et à mon nom personnel, j’émets le vœu que par la médiation de nos Ancêtres, sous la bienveillance des pères fondateurs de notre Nation, il puisse contempler la félicité éternelle ».

Emmanuel Simh, 3ème vice-président du Mrc

« Merci pour ce que tu auras apporté à notre pays, par ton combat »

« Mister Chairman, c’est avec une profonde tristesse que j’ai appris ton départ pour l’éternité ce matin. Il m’a alors semblé naturel de te rendre, dans ces quelques lignes, l’hommage que je te dois, comme camarade de lutte, mais surtout comme inspirateur politique. J’ai en effet, tout jeune, et comme beaucoup de Camerounais, été subjugué par le courage dont tu as fait preuve, pendant les années de braise au début des années 1990, pour t’opposer à un régime monolithique qui ne s’était pas encore départi, malgré un discours contraire, de la répression politique. C’est ce qui t’a fait apparaître à l’époque comme le plus charismatique des leaders de l’opposition, et sans conteste. Je me souviendrai toujours de cette élection présidentielle d’octobre 1992, au cours de laquelle je me suis rendu pour la première fois dans un bureau de vote, pour choisir ton bulletin, ce bout de papier qui représentait pour moi le gage du changement. Quelques années plus tard, malgré la réticence de ma pauvre mère, qui craignait pour ma vie, j’ai décidé de prendre la barque à tes côtés, pour ne pas rester un simple spectateur dans ce combat que je savais difficile. Je me souviendrai toujours de ce jour au mois de mai 2002, alors que j’étais candidat titulaire à la députation dans la Sanaga Maritime et tête de liste Sdf à la mairie de Dizangué, mes colistiers et moi sommes arrivés chez toi à Ntarikon aux aurores, pour préparer la campagne électorale. Quand le gardien nous a ouvert le portail, nous avons été surpris de te voir sortant d’un coin de ta concession, avec de grosses mangues entre tes mains. C’est la première fois que je rencontrais mon idole. Je découvre alors un homme d’une grande simplicité, qui, après nous avoir, dans la blague, demandé si nos femmes nous avaient chassés de la maison, vu l’heure matinale, remarque nos regards incrédules et nous dit dans le même élan, qu’il aime bien le matin aller ramasser les mangues lui-même. À peine installés par tes soins dans la maison, tu as appelé ta femme Rose, pour nous préparer un copieux petit déjeuner, que nous avons pris avec grâce pendant que tu t’apprêtais pour notre réunion que nous tiendrons dans ton bureau. Cette image contrastait terriblement avec celle de ce tribun au poing levé, le discours radical contre le régime, et dont la légende disait qu’il bloquait les balles des armes à feu. Comment ne pas évoquer ces trois jours passés ensemble pendant la campagne électorale dans notre circonscription, arpentant les routes difficiles de la Sanaga Maritime, de Pouma à Mouanko, tenant quantité de meetings, dans un pidgin english que tout le monde comprenait. Tu m’avais alors demandé de te faire des notes sur ce département qui m’a vu naître, pour tes meetings électoraux. C’est à cette occasion, lors du meeting de Mbongo, alors qu’on attendait que tu prennes à nouveau la parole, que tu m’as dit: « Young man, you have the floor », me mettant ainsi pour la première face à un public, pour délivrer un discours de campagne. Une belle aventure qui s’était terminée pour moi par un poste de conseiller municipal et un score plus qu’honorable aux législatives. J’ai aussi eu la chance d’être ton avocat, au cours de ce célèbre procès consécutif au décès de notre camarade Diboulè dans des circonstances malheureuses. À la fin des audiences, tu invitais les avocats chez toi pour une collation, et souvent tenait à les servir toi-même. Alors va, Chairman. La maladie a fini par avoir raison de toi. Tu retrouveras ta douce Rose là-bas, dans la félicité éternelle. Merci pour ce que tu m’auras apporté, comme homme, comme politicien. Merci pour ce que tu auras apporté à notre pays, par ton combat. La vie politique n’aura pas été facile pour toi, je sais, mais comme dirait l’Écriture, tu as combattu le bon combat, un combat qui n’aura pas été vain. Maintenant va, Mister Chairman, et repose en paix.You are the Chairman, for ever ».

Alice Sadio, femme politique

« Le départ du Chairman marque la fin tragique d’une génération d’intrépides »

« À la suite des professeurs Ngwasiri, Tazoacha Asonganyi, du Bâtonnier Ben Muna, des honorables mbah Ndam, Awudu… et tant d’autres avec qui j’ai eu l’honneur de militer, mais surtout de lutter au sein du Social democratic front, le départ du Chairman marque la fin tragique d’une génération d’intrépides. Ces illustres combattants qui ont posé les jalons, donné le ton et un sens républicain à la lutte de libération du Cameroun du joug du néocolonialisme, de la mal gouvernance et de l’autoritarisme. Le Chairman qui casse ainsi sa pipe n’aura pas échappé à la dure loi de l’usure du temps. Il n’aura pas survécu à ce régime. Il aura même plié l’échine car sous la dispensation du défunt, le Sdf aura étonnamment mis de l’eau à son vin ces temps derniers, un peu comme en désespoir de cause. Maintenant je comprends pourquoi. Le Chairman était d’ores et déjà gagné par la fatigue du temps des adieux. Il s’en est finalement allé. Je choisis de garder de cet illustre, le souvenir d’un leader qui crut en le Cameroun et en les vertus du « Power to the people » comme clef de voûte d’un véritable État de droit. Mon intime conviction est que si le Chairman et ses compagnons de lutte, ces têtes bien faites, droits sur leurs bottes avaient accédé à la magistrature suprême de notre pays en 1992, pour sûr, le visage du Cameroun aurait radicalement changé, dans le bon sens. Pour sûr la guerre ambazonienne n’aurait jamais vu le jour. Pour sûr l’on ne ferait pas face à ce tribalisme rampant, véritable poison déjà palpable en son temps et exacerbé aujourd’hui par hargne de confiscation du pouvoir d’un côté et de l’autre, le désarroi d’un peuple exténué du diktat des mêmes mousquetaires, avec les mêmes têtes, les mêmes tares et avatars qui nous font tourner en rond, depuis 40 ans. Le peuple camerounais n’a-t-il pas eu de chance? Ou alors sont-ce ces intrépides, ces bien aimés compagnons de lutte et moi-même qui surestimâmes la soif de liberté de notre peuple ? Tu as fait ta part chairman. Dieu ait ton âme ».

Adeline Djomgang, Secrétaire générale du Sdf

« Acceptons son départ et acceptons qu’il parte dignement »

« C’est avec consternation que les Camerounais ont appris la mort du Chairman. Juste pour dire qu’il était malade depuis quelques temps, il a tenu bon face à la maladie ! Malheureusement, Dieu en a décidé autrement. Acceptons son départ et acceptons qu’il parte dignement, c’est tout ce qu’on peut lui souhaiter. Repose en paix, Chairman ».

Jean Robert Wafo, homme politique

« J’ai du respect pour l’homme politique d’exception »

« Ni John Fru Ndi vient de rejoindre la grande prairie. Sa disparition laisse place à la douleur et à la consternation. On peut être déçu par ses actions en interne ces derniers mois, mais je crois que si nous n’honorons pas la figure emblématique de la lutte pour le retour au multipartisme qu’il a été ainsi que les multiples et difficiles combats politiques qu’il a menés, nous n’aurons plus de respect pour nous-mêmes non plus. Je voudrais saluer la mémoire de ce grand homme politique mais aussi rendre hommage à l’homme dans sa richesse et sa complexité. J’ai du respect pour l’homme politique d’exception mais aussi de l’admiration pour l’homme privé qui s’est battu contre la maladie avec un courage remarquable, la toisant en quelque sorte parfois. Je retiens également de lui l’homme de courage quand il est soutenu par des convictions. En ce moment de deuil, j’adresse à la famille le témoignage de mon respect et de ma sympathie à l’heure où il rentre dans l’Histoire de notre pays. Rest in peace Chairman ».

Propos recueillis par L.D.N.

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