Par Joseph OLINGA N.
Faut-il craindre d’un retour à un nouveau front Camerouno-Nigérian sur la péninsule de Bakassi ? Près de 17 ans après la rétrocession, par le Nigéria, de cet espace estimé à environ mille kilomètres carrés et, 23 ans après le jugement prononcé par la Cour de justice internationale (Cij) de la Haye, pour que le Nigéria mette un terme à sa volonté d’occuper illégalement cette péninsule, les vieux démons semblent de retour côté nigérian.
Définitivement rétrocédée en 2008, la péninsule de Bakassi fait l’objet d’une nouvelle tentative d’annexion par le Nigéria. Cette fois, le retour aux hostilités est activé par le Sénat nigérian. Le journal nigérian The Guardian News indique que le Sénat nigérian a ouvert une enquête au sujet d’une occupation illicite de la localité d’Akwa Ibom par le Cameroun. Le même média souligne que 2560 puits de pétrole et de gisements gazier seraient “illégalement exploités par la République du Cameroun.”
Du coup, le Sénat nigérian s’est réuni en plénière pour donner une suite à la motion portée par le sénateur Aniekam Bassey, représentant du district d’Akwa Ibom. Accompagné par cinq de ses collègues, ces sénateurs ont proposé une “riposte armée” aux personnels des forces de maintien de l’ordre Camerounais qu’ils accusent d’imposer des lois camerounaises en territoire nigérian.
Boulimie
Les hostilités martiales semblent encore contenues. Le Sénat nigérian ayant opté pour la création d’un comité ad hoc dont l’objet est de revisité les termes du traité germano-britanique qui consacre la paternité de chacune des parties dans cette zone du Cross river. Toutefois, des voix insistantes se lèvent déjà au sein du Sénat nigérian pour denier au Cameroun la paternité de cet espace.
La volonté de s’approprier le territoire d’Akwa Ibom n’est que le préalable à la détermination du Nigeria de se réapproprier une partie de la péninsule de Bakassi, tel que décidé par la Cour internationale de justice de la Haye en 2002. De nombreux médias nigérian indiquent que le sénateur de l’État de Bauchi, Abdul Ningi remet en cause l’arrêt de la Cour de justice de la Haye et appelle le gouvernement nigérian à récupérer seize (16) autres îles de la péninsule de Bakassi. Des zones réputées nanties en ressources halieutiques, en pétrole et en gaz.
La tentation de faire main basse sur ces espaces contenus dans l’arrêt de la Cour internationale de justice de la Haye, au bénéfice du Cameroun, sur la péninsule de Bakassi est telle que la presse nigériane rapporte que le président du Sénat, Godswill Obot Akpabio appelle le gouvernement a prendre des mesures pour occuper de nouveau certains espaces de la péninsule de Bakassi.
C’est dire que la péninsule de Bakassi demeure un espace convoité par le Nigéria malgré l’arrêt définitif de la Cour internationalede justice de la Haye en 2002. Majoritairement occupé par des ressortissants nigérians ayant fuit les exactions des bandes armées qui sévissent en interne, ces populations estimées à près de 50 mille personnes, lors de la rétrocession de la péninsule, avaient le choix de retourner dans l’espace territorial nigérian ou solliciter une nationalité camerounaise.
Accord frontaliers
A l’instar des autres points de démarcation territoriaux Camerounais, la péninsule de Bakassi est régulièrement occupé par des populations camerounaises, encadrées par des administrations régulières et sécurisée par les forces de défense et de sécurité camerounaises. Cette réalité fait d’ailleurs l’objet d’un accord de sécurité définitif signé entre le Cameroun et le Nigéria lors de la session du Comité de sécurité transfrontalier signé le 20 février 2015 entre le ministre Camerounais de l’administration territoriale et de l’administration de l’époque, René Emmanuel Sadi et le Général de division J.B Samuel, représentant le gouvernement nigérian.
Tracé anglo-allemand
Quoique faisant l’objet de remise en discussions par la partie nigériane, la frontière entre le Cameroun et le voisin nigérian, longue de 1700 kilomètres est clairement définit par le traité anglo-allemand de 1913. Une réalité née du fait que le Cameroun sous autorité allemande et le Nigéria sous domination britannique n’avaient pas les coudées franches pour négocier.
Toutefois, les tracés issus du traité anglo-britannique ont été modifiés plusieurs fois. D’abord par les puissances colonisatrices; puis, au moment des indépendances et la réunification par les deux pays voisins. Le règlement “pacifique et définitif” prononcé par la Cour internationale de justice de la Haye en 2002 entre les gouvernements de Yaoundé et Abuja, au sujet de “l’affaire de la frontière terrestre et maritime Cameroun-Nigeria”, qui a opposé le Cameroun au Nigéria de 1993 à 2002 a définitivement mis un terme à ces rivalités frontalières.
Flux de réfugiés
La longue frontière entre le Cameroun et le Nigéria fait toujours l’objet de préoccupations côté camerounais du fait du brassage des populations qui y résident. Surtout, l’importante populations qui y séjourné est issue de l’afflux des réfugiés fuyant les exactions de s groupuscules terroristes et armés qui sévissent au Nigéria.
La principale recommandation issue du Comité de sécurité transfrontalier entre le Cameroun et le Nigéria engage pourtant les deux pays à collaborer dans la conduite des enquêtes, dans l’optique de mettre un terme à l’activisme des groupes armés et des sectes terroristes qui prolifèrent côté nigérian, obligeant le Cameroun a accueillir cet afflux de réfugiés qui s’avère problématique.
Outre les nouvelles velléités expansionnistes ouvertement exprimées par les parlementaires nigérians, les derniers rapports d’expertise sur l’état des frontières entre le Cameroun et le Nigéria révèlent une recrudescence du trafic des drogues, des armes, des trafics humains de toutes natures ainsi qu’une forte activité de blanchiment d’argent.