Par Joël Onana
Dans ce cri de cœur adressé aux gouvernants, il interroge la place du génie camerounais dans les grandes réalisations nationales.
” L’architecture est belle, le professionnalisme est au top. Dommage, c’est construit par le peuple chinois pour le peuple camerounais”.
regrette le polytechnicien, formé au Cameroun, avec 48 ans d’expérience dans le génie civil et 40 ans dans l’entrepreneuriat en Btp.
Pour lui, cette situation est le symbole d’un échec collectif, celui d’un pays qui, malgré plus de 50 ans de formation d’ingénieurs sur son sol, continue de confier ses plus grands chantiers à des entreprises étrangères.
« Nous devrions avoir honte », martèle-t-il. « La seule volonté politique réelle peut créer des capitaines d’industrie. »
Il cite en exemple les géants Bouygues, Huawei, Google, Tata ou encore Dangote, nés d’une vision nationale forte, soutenue et assumée. À l’inverse, au Cameroun, déplore-t-il, les entreprises locales ne tirent aucun profit structurel des grands projets.
« En 10 ans, notre pays a construit 4 barrages hydroélectriques. Aucune entreprise ne s’est enrichie de cette expérience ! Il y a 25 ans, on pose 1000 km de pipeline : aucune entreprise nationale. »
Et son propre parcours est éloquent : de chef chantier au Sawa Novotel en 1978 à la livraison du siège d’Afriland First Bank, en passant par la construction de centrales électriques à Mvomeka, Bertoua, Bafoussam ou encore des écoles japonaises au Cameroun, M. Mukam est un acteur majeur de l’ingénierie nationale. Pourtant, en 2020, l’extension de la Direction Générale des Impôts – dont il avait construit le bâtiment initial en 1985 – est confiée… à une entreprise chinoise.
« Je me sens abusé, et même trahi par ma chère patrie. »
Dans cette tribune à la fois lucide, amère et engagée, Emmanuel Mukam appelle à une véritable politique industrielle nationale. Il exhorte les autorités à croire au génie camerounais, à l’encadrer, à le soutenir et à l’accompagner vers l’excellence.
« Oui, les Camerounais peuvent bâtir eux-mêmes leur pays, si la volonté politique les accompagne. »