Par Sandra Embollo, Avec Jeune Afrique
Le Social Democratic Front (Sdf) va-t-il finalement imploser ? Samedi 17 décembre, les partisans de Jean-Michel Nintcheu, réunis à Douala au sein d’un comité exécutif régional du Littoral non reconnu par la direction du parti, ont adopté une déclaration demandant la démission de John Fru Ndi, fondateur et président national de la formation. Ce dernier est accusé de « haute trahison envers les militants ».
L’ombre de Joshua Osih
Les signataires se sont entendus pour protester publiquement contre une « application massive et inexpliquée de l’article 18.8 sur toutes les structures du parti dans toutes les régions du pays ». Cette disposition exceptionnelle des statuts du Sdf avait en effet été activée le 10 décembre lors d’une réunion du Comité exécutif national (Nec , présidé par John Fru Ndi), officiellement afin de permettre l’accélération du renouvellement des organes de base du parti.
L’article 18.8 – qui ne peut-être utilisé que lorsque « la vie du parti est menacée » – avait ainsi permis la dissolution des dix comités exécutifs régionaux, et donc de celui du Littoral dirigé par Jean-Michel Nintcheu. Ces comités, appelés à être renouvelés, avaient été remplacés par des coordonnateurs nommés par le Nec et chargés de préparer l’élection des nouvelles instances locales. Une décision et des nominations aussitôt contestées par les partisans de Nintcheu.
Cette manœuvre est « illégale, irresponsable et dangereuse », ont-ils ainsi dénoncé dans leur déclaration du 17 décembre. La décision du Nec du 10 décembre, expliquent-ils surtout, « est motivée par l’ambition débridée de la hiérarchie du parti de satisfaire le désir démesuré de passer le pouvoir à la tête du parti à Joshua Osih en 2023. Ceci, en violation totale de tous les articles de la constitution du parti qui réglementent sans ambiguïté la question de la succession au sein du Sdf ».
« Haute trahison »
« Nous appelons les militants à résister à l’application de ce 18-8 », ajoutent les signataires réunis autour du député du Littoral. Exigeant la démission de John Fru Ndi pour « haute trahison envers les militants », ils dénoncent « les desseins mafieux d’un groupuscule de camarades qui veulent prendre en otage le Sdf » et appellent les comités régionaux dissous à ne plus obéir à la direction du Nec.
Depuis plusieurs années et la mise en retrait progressive de John Fru Ndi, le fossé n’a cessé de se creuser au Sdf entre l’aile favorable à Jean-Michel Nintcheu et celle soutenant Joshua Osih. Lors de la dernière élection présidentielle en 2018, ce dernier n’avait pas réussi à mobiliser autour de sa candidature, faisant face à des critiques grandissantes. Mais il n’en conserve pas moins le soutien de nombreux cadres nationaux.
« Ce nouvel épisode n’est que la suite de la guerre que se livrent Nintcheu et Osih pour la direction du parti et la succession de Fru Ndi, explique un ancien cadre socialiste. Osih a les faveurs des cadres nationaux et sans doute de Fru Ndi, mais Nintcheu a une grosse influence sur la base des militants et les cadres régionaux du Littoral et de l’Ouest. »
« Schisme inévitable »
Chaque décision interne du parti est donc le prétexte d’un nouvel affrontement, et chaque nomination l’occasion de renforcer sa position en prévision du prochain congrès, en 2023, où devrait se jouer la succession de John Fru Ndi. Très en difficulté après son échec de 2018, Joshua Osih est parvenu à conserver une influence certaine, au point de n’avoir pas abandonné ses ambitions politiques.
« Les deux veulent arriver au congrès avec les instances les plus favorables à leurs ambitions. L’erreur de John Fru Ndi a sans doute été de laisser ce conflit prospérer ces quatre dernières années. Désormais, le schisme semble inévitable », résume un sympathisant. D’autant que Joshua Osih et Jean-Michel Nintcheu s’opposent également sur la stratégie à adopter face au Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc, au pouvoir).
« Le premier est dans une approche « centriste », quitte à se voir accusé de proximité avec le parti au pouvoir, comme cela a pu arriver à Fru Ndi. Le second est plus radical, avec une position proche de celle du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc) de Maurice Kamto, conclut un opposant. C’est d’autant plus violent que le Sdf n’est plus que l’ombre de lui-même depuis l’émergence du Mrc. »
