Par Léopold DASSI NDJIDJOU
L’Assemblée nationale du Cameroun est entrée dans la tourmente. C’est le moins que l’on puisse dire depuis la fin de la session de juin où au cours de son discours de circonstance, Cavaye Yeguie Djibril indexait les mauvaises pratiques au sein de l’institution dont il a la charge. Il parlait des peaux de banane, des crocs en jambes, et demandait à ceux qu’il n’avait pas identifié, de savoir patienter, d’attendre le temps de Dieu qui est « the best ». Plus tard, dans ce sillage où rien de bon n’était déjà pas envisagé, on apprenait par la sortie d’un questeur de l’Assemblée nationale, qu’importent les circonstances de sa sortie, que l’institution n’était pas gérée selon les règles de l’art et dans cette foulée, on apprenait un trou de trois milliards.
Dur et implacable ! Alors que l’opinion s’emballait en s’interrogeant sur la respectabilité de l’institution, sa crédibilité au sein des institutions républicaines, le Pan a défrayé la chronique en limogeant par un arrêté son directeur de cabinet, texte du reste lu sur les ondes du média d’Etat. Quelques heures par la suite, un autre communiqué, signalé par le même Pan venait réfuter en bloc la décision de l’arrêté lue à la radio. « Des individus sans foi ni loi ont imité sa signature et ont fabriqué des cachets pour opérer une entreprise de déstabilisation. Ces bandits de grand chemin seront traqués et mis à la disposition des instances appropriées pour que la force reste à la loi », lit-on du deuxième texte du même jour signé par le Pan, ou du moins, croit-on savoir, car on ne sait plus très bien à quel signataire se vouer. Le 9 novembre n’avait pas encore fini d’accoucher des surprises. Le dernier clou était enfoncé avec le deuxième arrêté du jour, reportant les dispositions du précédent arrêt. Cette fois, l’arrêté de Cavaye abroge le premier. Autant dire qu’on est là dans le comble de la confusion, sans qu’aucune autorité de la République daigne apporter quelconque éclairci. On en était là, quand le 10 novembre, à l’heure où tous les regards étaient tournés vers le Pan pour des précisions, il va se contenter au cours de son discours d’ouverture de session, d’indiquer que le principe de la séparation des pouvoirs doit être respecté, que chaque pouvoir doit rester dans son couloir. C’était là une façon d’affirmer que les soubresauts connus par la Chambre basse du parlement seraient le fait de l’Exécutif. Pour l’instant, on s’en tient à la lecture faite à la Crtv, sans que par ailleurs à l’Assemblée on aperçoive un quelconque changement dans les faits.
Cavaye contre Cavaye ?
C’est un pan de voile soulevé sur la boîte de Pandore qu’est l’Assemblée nationale. Pour l’instant personne ne peut dire avec exactitude quel type d’esprit va s’échapper et surtout avec quelles intentions. Du bruit? Il y en aura ! Des cris ? A gogo ! Des regrets ? Pleine la coupe ! Les esprits errants qui vont s’échapper de la boîte ne vont faire de cadeaux à personne ! L’Assemblée nationale est entrée dans la tourmente! Les crocs en jambes, les peaux de banane, à n’en plus finir seront au rendez-vous. Cavaye aura toujours un œil fermé et l’autre ouvert dans les instants de sommeil! Il est clair que la dernière sortie du questeur Kamsouloum n’est pas étrangère à cette réaction de Cavaye. Trop tard, dirait-on? La situation financière catastrophique annoncée de la Chambre va venir jeter l’essence au feu. Le très honorable l’a compris et parie que le sacrifice de son homme de main pourrait, à défaut de retarder l’échéance, lui donner une bouffée d’air de survie. On écoute déjà des cohues de satisfécits rien que du fait ce départ. Tout se passe exactement comme si en période de guerre, un chef sacrifie de ses propres mains son successeur annoncé et demande la fin des hostilités. Peut-il être écouté ? Souhaitons-le pour Cavaye même si le ciel noir prédit le contraire. Avec la session de novembre consacrée au vote du budget qui s’est ouvert ce 10 novembre, les regards et les micros seront tendus vers ses adversaires qui ont assurément le vent en poupe. Qui sauvera le vétéran Cavaye qui se fait rouler dans la farine dans tous les sens du terme ? Tout se passe exactement comme s’il y avait en cours une campagne ourdie de démolition de l’image de la troisième autorité de l’Etat. Qui donc tirera au clair cet imbroglio ? Étoudi pourrait arbitrer…en faveur de qui personne ne sait. Et aussi, en sphinx, ce pourrait être une occasion pour Cavaye de renaître de ses cendres.