Par Arlette Akoumou Nga
C’est la voix d’un homme de 32 ans aux épaisses lunettes et boucles brunes, qui mène l’une de ses toutes premières campagnes : «Une poignée de banques et de milliardaires contrôlent la vie économique et politique en Amérique… Et l’Amérique est de moins en moins une démocratie, et de plus en plus une oligarchie», déclame le candidat de Liberty Union, coalition de minipartis gauchistes et antimilitaristes, vouée aux prix de consolation électoraux. On est en 1974, et Bernie Sanders, prétendant malheureux à la sénatoriale de son Etat du Vermont, n’a encore été élu à rien.
Un demi-siècle plus tard, le timbre a patiné, virant plus rauque et enroué à force de discours, des estrades de meetings aux tribunes du Congrès. A 83 ans, cette voix n’a peut-être plus guère de campagnes à mener, mais ce qu’elle dit, avec une passion et une indépendance intactes, n’a presque pas changé – d’autant que sa prophétie s’est depuis largement matérialisée, bien au-delà de toutes les craintes qu’elle pouvait inspirer. Alors, ces jours-ci, les foules enflent pour venir s’emplir de ces paroles et des solutions qu’elles charrient pour mener ce combat qui s’avoue «extrêmement difficile», établissant semaine après semaine de nouveaux records. Ils étaient 30 000 mi-mars à Denver, dans le Colorado. Puis 36 000 massés à Los Angeles le 12 avril.