Par Adam Newman
Est-ce le raté médical du siècle ou une dissimulation sans précédent dans l’histoire de la politique américaine ? Depuis l’annonce du cancer de Joe Biden, ce dimanche 18 mai, les messages de sympathie affluent du monde entier. Les questions aussi, alors que sort ce mardi un livre explosif sur l’entêtement de Biden à se représenter malgré un déclin cognitif apparent, que sa garde rapprochée a tout fait pour cacher aux Américains. Officiellement, ce cancer d’une forme « agressive », qui s’est déjà métastasé aux os, n’a été diagnostiqué que vendredi dernier. Mais dans les médias américains, plusieurs médecins ont exprimé leur surprise, voire leur incrédulité, qu’une maladie qui met généralement plusieurs années avant d’atteindre ce stade incurable – mais qui reste traitable, avec une espérance de vie de plusieurs années – ait pu ne pas être détectée par les équipes médicales de la Maison-Blanche, chez l’un des hommes les plus surveillés du monde.
« Il l’avait quand il était président »
Sur MSNBC, lundi matin, l’oncologue Ezekiel Emanuel, qui a servi comme conseiller dans l’équipe Covid de Joe Biden, était catégorique : Joe Biden « n’a pas développé [un cancer] en 100 ou 200 jours. Il l’avait quand il était président, probablement même au début de sa présidence en 2021 ». Joe Biden est atteint par une forme particulièrement agressive du cancer de la prostate, avec un score de 9 sur l’échelle de Gleason, dont le maximum est 10. Mais même avec une progression rapide des cellules cancéreuses, il faut « entre 5 et 7 ans sans traitement » avant que ce type cancer « devienne métastasé », assure sur X le docteur Steven Quay, qui a enseigné la médecine à l’université de Stanford. « Cela reviendrait à une faute médicale si ce patient n’était diagnostiqué à un stade métastatique qu’en mai 2025. Il est fort probable qu’il ait été atteint durant l’ensemble de son mandat à la Maison-Blanche, sans que le peuple américain en ait été informé », accuse-t-il. Il souligne que ce type de cancer hormono-dépendant, qui carbure à la testostérone, aurait dû être détecté par un simple test sanguin : le dosage du PSA (antigène prostatique spécifique), une protéine produite par la prostate. Barack Obama a été testé, George W. Bush également, et même Donald Trump, dans son dernier bilan de santé, le mois dernier.
La santé nébuleuse des présidents américains
Pas si vite, répond au Point David Blumenthal, ancien généraliste et professeur de médecine à l’université Harvard, auteur du livre Le cœur du pouvoir, sur la santé des présidents américains. Certes, l’American Cancer Society recommande officiellement un dépistage PSA à partir de 50 ans, et même de 40 ans pour les hommes à très haut risque, avec plusieurs membres de leur famille immédiate ayant développé, jeune, un cancer de la prostate. Mais « les recommandations américaines ne préconisent pas de dépistage après l’âge de 70 ans, ni chez les personnes plus jeunes dont l’espérance de vie est inférieure à 10 ans », précise David Blumenthal. L’idée est que le cancer de la prostate progresse lentement, et qu’après 70 ans, les hommes meurent souvent avec la pathologie présente, plutôt qu’à cause d’elle. « Je ne suis pas surpris que cela soit passé inaperçu.
Le fait qu’un cancer métastatique soit symptomatique ou non dépend des fonctions des organes atteints, de l’emplacement des métastases et des récepteurs de la douleur dans cette zone. » Joe Biden a-t-il été dépisté pendant sa présidence ? On l’ignore. Aucun de ses bilans de santé ne le mentionne, « mais comme n’importe quel patient, un président a le dernier mot concernant ses soins, et les résultats des évaluations sont confidentiels », précise Blumenthal. « Cela dit, il existe une pression considérable de la part de la presse pour qu’ils soient rendus publics. Les présidents ont été plus ou moins transparents selon les cas. » Il cite notamment Franklin Roosevelt, qui a dissimulé l’ampleur de sa paralysie puis la gravité de sa condition cardiaque, ou encore Woodrow Wilson, qui a sans doute contracté la grippe espagnole de 1918 pendant les négociations du traité de Versailles, laissant la France et l’Angleterre imposer des conditions plus sévères à l’Allemagne.
Plus récemment, le médecin de la Maison-Blanche de Donald Trump avait d’abord minimisé ses difficultés respiratoires quand il a contracté le Covid-19, avant de reconnaître par la suite que le président avait reçu de l’oxygène. Dans le livre Le péché originel : Le déclin du président Biden, sa dissimulation et son choix désastreux de se représenter, des journalistes Jake Tapper et Alex Thompson, de Cnn et Axios, le médecin de Joe Biden, Kevin O’Connor, est accusé d’avoir dissimulé l’ampleur du déclin cognitif et physique du président américain. Selon des témoignages, l’entourage de Biden a même considéré utiliser un fauteuil roulant après l’élection de novembre 2024, s’il la remportait. Le candidat a finalement jeté l’éponge après son débat désastreux face à Donald Trump.