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États-Unis | Nécrologie: L’ancien président américain Jimmy Carter est mort à l’âge de 100 ans

Obsédé par la morale en politique, il fut un piètre président des États-Unis avant de devenir un arbitre recherché sur la scène internationale.

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Par Ilyass Chirac Poumie

Les chefs d’État des pays démocratiques se targuent d’agir – notamment dans leurs relations internationales – en ayant toujours comme guides et comme inspirateurs les droits de l’homme. En réalité, fort peu satisfont à cet engagement moral et la realpolitik, sinon le cynisme, devient rapidement leur credo.

Ce ne fut pas le cas de Jimmy Carter, mort dimanche 29 décembre à l’âge de 100 ans, dont les soucis de santé s’étaient multipliés ces dernières années.On ne s’est pas privé de multiplier les reproches sur la façon dont il a exercé la présidence des États-Unis de 1977 à 1981. On ne peut lui faire grief de ne pas avoir respecté ses engagements. Il avait annoncé, dès son investiture, que le respect des droits de l’homme serait le mantra de sa manière d’exercer les plus hautes fonctions de son pays. Il a scrupuleusement respecté cet engagement au point d’apparaître comme un idéaliste un peu béat, et non comme le leader d’un État surpuissant ni, non plus, comme le « Commandant en chef » que les Américains attendent toujours pour les guider.

En revanche, son attachement passionnel à la morale en politique lui a permis, une fois chassé du pouvoir après un seul mandat par le pragmatique et volontaire Ronald Reagan, de devenir un arbitre recherché et efficace pour tous les conflits que les diplomates ne parvenaient pas à résoudre. Sa modération et son obsession du consensus – qui étaient un handicap à la Maison-Blanche – devinrent un gage de neutralité qui le faisait accepter par des interlocuteurs parfois très éloignés des valeurs américaines. Reçu au Soudan comme en Corée du Nord, à Cuba, en Haïti ou à Gaza, il a aussi, à travers sa fondation créée dès le lendemain de son départ de la Maison-Blanche, lutté inlassablement pour la cause des femmes et des minorités et contribué avec les équipes de son organisation à l’éradication de plusieurs maladies tropicales en Afrique.

« Meilleur ex-président des États-Unis »

Alors pourquoi celui à qui le magazine Time a donné en 1989 le titre de « meilleur ex-président des États-Unis » a-t-il laissé se propager cette réputation d’avoir accumulé les bides pendant son unique mandat ?

D’abord, comme souvent pour les jugements à l’emporte-pièce, celui-là est en partie injuste. En effet, il ne tient compte ni du traité sur la rétrocession de Panama en 1977, ni de l’accord SALT 2 avec les Soviétiques du temps de Leonid Brejnev qui limitait la course aux armements, ni de son action exemplaire à l’époque en faveur de l’environnement. Et surtout pas des accords de Camp David qui, en septembre 1978, mettent fin à quarante ans de guerre plus ou moins ouverte entre Israël et l’Égypte.

Le moment clé de cette négociation, tel que Carter l’a rapporté dans l’un de ses derniers livres, est à lui seul révélateur de la sensibilité de l’ancien président et de ses qualités psychologiques de négociateur : il survient au bout de treize jours de discussions infructueuses entre Sadate l’Égyptien et Begin l’Israélien. Avant de se quitter, après avoir constaté leur échec, ce dernier demande au président américain de lui dédicacer une photo souvenir de leur négociation. Carter s’exécute mais dédicace la photo, « avec toute mon affection », aux trois petits enfants de Begin, dont il a retenu le prénom. Lorsque le Premier ministre israélien découvre et lit à haute voix la dédicace et les noms de ses petits-enfants, sa voix se trouble, il a les larmes aux yeux, et demande à se rasseoir. La négociation reprendra un peu plus tard et, cette fois, miracle, va aboutir à la poignée de main historique de Camp David entre Anouar el-Sadate et Menahem Begin, sous l’œil de Jimmy Carter le 17 septembre 1978.

Il lâche le Shah d’Iran

Mais sa gestion d’autres affaires du Proche-Orient et de l’Asie Centrale, en Afghanistan et surtout en Iran, se transformeront à l’inverse en cauchemar, dont aujourd’hui encore les retombées se font amèrement ressentir.

Dès sa prise de fonction, et après un voyage rapide à Téhéran, Jimmy Carter décide de ne plus soutenir le Shah. Ce monarque autocrate dont le pouvoir est préservé plus par la toute-puissance de sa police politique, la Savak, que par l’adhésion de son peuple est pour le nouveau président l’exemple même des régimes dont la morale veut qu’on les abandonne. Voire que l’on favorise leur renversement. Et peu importe les conséquences géopolitiques d’un bouleversement qui met en cause l’un des principaux pays producteurs de pétrole du monde et l’un des plus fidèles et rares amis des États-Unis dans la région. L’essentiel est que la morale y trouve son compte. La révolution islamique de 1979 renverse le Shah sans que l’Amérique lève le petit doigt. Certains historiens suggéreront même que la CIA l’a favorisée. Mais comme souvent en politique, la réalité va largement dépasser la prévision, et le fanatisme religieux et l’influence grandissante de l’ayatollah Khomeini rapidement inquiéter, sinon Carter lui-même, du moins les diplomates qui le conseillent.

Le  1er février 1979, un mois après le départ du Shah Rezza Pahlavi pour l’exil, l’ayatollah Khomeini embarque à Paris à bord d’un 747 spécial d’Air France qui doit le ramener à Téhéran. Il n’aurait jamais dû arriver dans la capitale iranienne. Comme me l’a confié quelques années plus tard Zbigniew Brzezinski, qui présidait alors le Conseil de sécurité américain, tout avait été mis en place sur le plan militaire pour intercepter l’appareil, au large de l’Italie, et le forcer à atterrir à la base américaine de Sigonella, en Sicile. Mais pour que les F16 accomplissent cette mission, qui n’était pas exempte de complications diplomatiques, il fallait le feu vert du président Carter. Après avoir longuement hésité, il refusa de donner son accord à une opération qui aurait peut-être changé la façon dont la révolution iranienne a évolué. Et en tout cas aurait très probablement été décisive dans les événements qui ont conduit à son échec à l’élection présidentielle de 1980.

L’Amérique ne pardonnera pas à Jimmy Carter d’avoir ainsi perdu la face. Quelques mois plus tard, il sera sèchement battu par Ronald Reagan à l’élection présidentielle. Il n’obtient ce jour-là que 44 % des suffrages des électeurs. C’était la fin d’une présidence peu convaincante et le début d’une seconde vie bien mieux réussie. Et, celle-là, non seulement saluée par le prix Nobel de la paix, en 2002, mais tellement appréciée par les citoyens de son pays que, oublieux de leur rejet de 1980, seuls 8 % déclarent aujourd’hui avoir une mauvaise opinion des années de Jimmy Carter à la Maison-Blanche.

Les hommages du monde entier

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