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Etats-unis > Jim O’Neill: “L’Occident devrait s’inquiéter de la montée en puissance des Brics”

L’économiste Jim O’Neill, le père spirituel des Brics, est critique des réalisations de ce club de pays. Selon lui, les Occidentaux doivent s’inquiéter de son élargissement, source de polarisation.

Par panorama papers
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Par Adam’s Newman

Un beau jour de 2001, l’économiste britannique Jim O’Neill a lancé un acronyme dans un rapport d’analyse. Plus de vingt ans après, il en subit encore les conséquences, mais ne semble pas s’en inquiéter. “Je n’ai jamais bénéficié d’autant d’intérêt de la part des médias que ces dernières semaines. J’ai parlé à au moins 50 journalistes”, explique-t-il avec enthousiasme.

La raison de cet engouement est à trouver dans le sommet des Brics, qui s’est tenu la semaine dernière. Pendant ce forum rassemblant ces cinq pays émergents – Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud (South Africa), la première lettre de chaque pays formant l’acronyme Brics –, le club s’est élargi pour la première fois depuis 2010. Après qu’O’Neill, à l’époque économiste en chef de la banque d’affaires Goldman Sachs, a lancé en 2001 l’acronyme BRIC regroupant quatre pays émergents, le quatuor a décidé en 2009 de former un club formel. Un an plus tard, l’Afrique du Sud les rejoignait et Bric devenait Brics.

“Rien que par leur taille, l’Inde et la Chine pourraient entraîner le reste du monde dans leur sillage.”

Cette fois, l’élargissement est plus ambitieux. Le 1er janvier prochain, pas moins de six nouveaux pays rejoindront le club, le nouveau membre le plus notable étant l’Arabie saoudite. Les autres nouveaux venus sont l’Argentine, l’Égypte, l’Éthiopie, l’Iran et les Émirats arabes unis. La part des pays des nouveaux BRICS passera ainsi à près de 30% du PIB mondial et représentera plus de la moitié de la population de la planète. Cet élargissement suscite une certaine nervosité en Occident.

Mais quelle est la véritable force de frappe des nouveaux Brics ? On reprochait déjà au club initial de manquer de cohésion. Avec un groupe élargi, la situation risque de ne pas s’améliorer. Cela ne signifie toutefois pas que l’émergence de ces Brics ne doit pas être considérée comme un signal d’alarme, précise O’Neill, désormais éditorialiste et conseiller du groupe de réflexion Chatham House.

Lorsque vous avez lancé l’acronyme Bric en 2001, nous avons compris que vous souhaitiez mettre en évidence le fait que les grands pays émergents comme la Chine et l’Inde méritaient d’avoir leur mot à dire dans la gestion du monde. Les choses ont-elles changé entre-temps?

À l’époque, je trouvais étrange que la Chine ait joué un rôle aussi important dans la résolution de la crise financière asiatique de 1997-1998, mais qu’elle n’ait aucun rôle formel dans la gestion du monde. Il était pourtant clair que ces pays allaient prendre de plus en plus d’importance. La résurrection du G20 pour résoudre la crise financière de 2008 répondait à cette idée. À l’époque, le gouvernement américain faisait souffler un vent progressiste, avec entre autres un projet de réforme du Fonds monétaire international (FMI) et de renforcement du poids de la Chine. Pendant un temps, on a pu croire que les pays émergents auraient davantage voix au chapitre. Jusqu’à ce que la situation politique se détériore à partir de 2015-2016 avec l’élection du président américain Donald Trump et les tendances de plus en plus autoritaires du président chinois Xi Jinping. 

Le talon d’Achille des Brics réside dans leurs grandes divergences. Mais quelle est, selon vous, la principale pierre d’achoppement? S’agit-il de la divergence de leurs économies ou de leurs systèmes politiques ou bien de rivalités entre les membres du groupe?

Le plus gros problème est la rivalité entre l’Inde et la Chine. Ironiquement, les deux pays ne cessent de prendre de l’importance au sein de l’économie mondiale et, avec les États-Unis, forment le trio de pays qui comptera vraiment. Cela ferait donc une énorme différence si la Chine et l’Inde trouvaient un accord sur des questions telles que le changement climatique, le commerce mondial et leur représentation dans des institutions comme le FMI et l’ONU. Rien que par leur taille, les deux pays pourraient entraîner le reste du monde dans leur sillage. Mais, en dehors de leurs rivalités, cela n’aide pas qu’ils se considèrent tous deux comme la voix des pays du Sud. 

Pensez-vous qu’ils réussiront à aplanir leurs différends?

Il est intéressant de savoir que Xi et le Premier ministre indien Modi se sont rencontrés en marge du sommet des Brics. Ils ont ensuite publié un message indiquant qu’ils souhaitaient réduire les tensions à la frontière. Mais j’ai des doutes. Après des décennies de méfiance réciproque, il n’est pas simple de se faire à nouveau confiance.

Cette absence de convergence explique-t-elle le maigre bilan des Brics qui, selon vous, “n’ont rien accompli” depuis leur création?

Je suis prêt à leur donner un peu de crédit pour la création de la New Development Bank (qui fournit de l’aide aux pays en développement, NDLR). Jusqu’à récemment, cette banque était assez bien gérée, à l’écart de la politique. Mais aujourd’hui, elle ne peut plus y échapper, en particulier depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Et honnêtement, elle n’a encore prêté que des montants limités, une fraction de l’encours de la banque de développement chinoise. Finalement, les Brics jouent un rôle essentiellement symbolique. Hélas, leur élargissement pourrait pousser l’Occident à réagir en renforçant le G7, ce qui, à son tour, renforcerait la volonté des Brics d’agir comme contrepoids du G7. C’est inquiétant, car nous devrons collaborer pour nous attaquer aux problèmes mondiaux. “Lorsque des pays comme l’Indonésie, le Mexique et la Turquie franchiront le pas, les Brics représenteront une partie beaucoup plus importante du PIB mondial que le G7.”

Quelle logique voyez-vous dans la sélection des six nouveaux membres des Brics?

En tout cas, il n’y a clairement aucune logique économique car, dans ce cas, l’Indonésie devrait être le premier pays à rejoindre le club. On peut donc se demander quel est l’objectif des Brics. Prenez l’inclusion de l’Iran. Je suis étonné que l’Inde et le Brésil aient donné leur accord. Cela démontre que la Chine et la Russie ont plus d’influence que ce que je pensais.

Comment voyez-vous l’adhésion des États du Golfe, à savoir l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis?

L’adhésion de l’Arabie saoudite est fascinante. En tant que leader de la production et de l’exportation de pétrole, les Saoudiens ont beaucoup d’influence sur le prix des hydrocarbures. Il sera intéressant de voir si cela donnera l’impulsion nécessaire pour régler les ventes de pétrole dans une devise autre que le dollar.

L’Occident ne devrait-il pas commencer à s’inquiéter face à la montée en puissance du club des Brics?

Certainement. Si nous ne changeons rien à la gouvernance mondiale, nous verrons probablement d’autres pays rejoindre les Brics. Lorsque des pays comme l’Indonésie, le Mexique et la Turquie franchiront le pas, les Brics représenteront une partie beaucoup plus importante du PIB mondial que le G7. C’est une évolution que les États-Unis ont encouragée depuis l’élection de Trump en se repliant sur eux-mêmes.“La Chine devrait être prête à rendre sa monnaie plus accessible pour les échanges commerciaux et les investissements au lieu de s’en tenir au contrôle des capitaux.”

D’un autre côté, des pays comme l’Inde et le Brésil veillent à ne pas totalement tourner le dos à l’Occident en gardant toutes les options ouvertes…

C’est vrai. Et c’est pourquoi les Brics sont surtout symboliques. Avec l’Inde – qui est aussi le plus grand pays démocratique au monde – ils ne peuvent pas non plus se manifester comme un bloc autoritaire, même si certains membres pourraient le souhaiter. Je n’ai pas non plus l’impression que la création d’un bloc autoritaire soit la priorité de Xi Jinping. La Chine accorde davantage d’importance à l’idée simpliste de devenir la championne des pays du Sud. Les Chinois se plaisent à le croire, que ce soit vrai ou non. 

Pour échapper à la domination du dollar, l’idée de lancer une devise commune aux Brics a été lancée à l’approche du sommet. Pensez-vous que ce soit un non-sens?

Pouvez-vous imaginer la Chine et l’Inde créer une banque centrale commune pour une nouvelle devise? Toutes ces économies sont tellement différentes! Le Brésil se situe à 16.000 kilomètres de la Chine. Ce serait fou. Par ailleurs, la Chine tente de faire en sorte que sa devise joue un rôle plus important dans l’économie mondiale, mais cela n’a rien à voir avec les Brics. 

Au même moment, vous reconnaissez qu’il n’est pas sain que les pays émergents soient aussi dépendants du dollar et donc aussi de la politique monétaire américaine. Quelle est donc l’alternative?

Il s’agit de choix politiques. À terme, la Chine devrait être prête à rendre sa monnaie plus accessible pour les échanges commerciaux et les investissements au lieu de s’en tenir au contrôle des capitaux. Et si l’euro souhaite devenir une réelle alternative au dollar, l’UE devra consentir à émettre des obligations communes en euros en tant qu’alternatives aux bons du Trésor américains. 

Les Brics sont également devenus un produit d’investissement à part entière, même si le rendement est décevant. Fallait-il s’y attendre?

Il n’est jamais judicieux d’investir dans un symbole

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