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Sénégal > la douloureuse réinstallation des migrants rapatriés

Le retour des candidats à l’exil est souvent considéré comme un échec pour les familles qui se sont démenées afin de réunir l’argent du départ.

Par panorama papers
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Par Sandra Embollo

Je me sens abattu, je dois tout reprendre à zéro », lâche dans un souffle Baldé. Au téléphone, le jeune homme de 25 ans raconte son histoire d’une voix hésitante depuis Kolda, sa ville d’origine à 700 km au sud de Dakar où il a été contraint de retourner. Etudiant en lettres modernes à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, il avait décidé de quitter le Sénégal l’année dernière pour tenter sa chance en Espagne, faute de pouvoir payer ses études. Mais à son arrivée sur les îles Canaries, il est arrêté par les autorités espagnoles puis rapatrié par avion dans son pays le 22 septembre 2022.

« Ma famille m’a abandonné… Mes deux oncles et un cousin qui ont cotisé 3 millions de francs CFA [environ 4 500 euros] pour que je voyage vers l’Espagne en passant par le Maroc ne me parlent plus et me demandent de les rembourser », témoigne-t-il. Baldé n’a pas pu retourner dans la maison familiale et habite seul dans une petite chambre à Kolda, où il essaie de se débrouiller en faisant des petits boulots au jour le jour. « Beaucoup de gens se sont moqués de moi car je n’ai pas réussi alors que d’autres sont arrivés à destination. »

L’Union européenne (UE) s’alarme du nombre d’arrivées de migrants sur son sol ces dernières semaines, mais de nombreux candidats à une nouvelle vie en Europe ne parviennent jamais à leur but. Certains périssent en mer, d’autres survivent à la défaillance de leur embarcation et beaucoup sont interpellés par les forces de l’ordre. Selon le ministère des forces armées sénégalaises, la marine nationale a ainsi intercepté 1 500 migrants entre le mois de mai et le 6 septembre sur la route migratoire passant par les îles Canaries ou le Maroc, « illustrant ainsi un net regain des tentatives d’émigration irrégulière au cours de cette période. Cette recrudescence du nombre de traversées, qui s’observe aussi sur la route passant par la Tunisie et menant à Lampedusa en Italie, ne s’est pas tarie depuis. » Les autorités ont annoncé que, le 19 septembre, deux pirogues transportant 167 passagers ont été arraisonnées par la marine nationale sénégalaise à 120 km au large de Dakar.

« Redémarrer leur vie »

Après un échec, il n’est pas toujours facile pour ces migrants de se réinstaller dans leur pays d’origine. Lébou, pêcheur de 33 ans, a quant à lui été bien accueilli par sa famille à son retour, alors qu’il était rentré sans papiers et sans argent chez lui après vingt-quatre heures de traversée.

 « Nous avons été interceptés en mer début septembre par la marine nationale au large de Saint-Louis. Une fois débarqués au port de Dakar, nous nous sommes débrouillés pour rentrer chez nous, sans aucune aide ni accompagnement de l’Etat »,

Regrette-t-il.

Une version que réfutent les autorités. Selon le ministère des affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur, les candidats à l’émigration sont toujours accueillis à leur arrivée par une équipe des Bureaux d’accueil, d’orientation et de suivi (BAOS), présents dans chacune des quatorze régions du Sénégal ainsi qu’à l’aéroport international Blaise-Diagne. « Nous distribuons des collations, de l’eau, des tee-shirts, des chaussures ainsi que des primes de transport, qui peuvent monter jusqu’à 50 000 francs CFA (76 euros). Cela leur permet de redémarrer leur vie », assure Maguette Seck Mbow, coordinatrice des BAOS, photos à l’appui qu’elle fait défiler sur son téléphone.

Les équipes des BAOS assurent qu’elles se chargent d’offrir un appui psychosocial aux migrants rapatriés et de les rediriger vers les structures de l’Etat qui peuvent répondre à leurs besoins de formation ou de financement de projets. L’objectif de ce programme, soutenu par l’UE et la coopération espagnole, est de les accompagner dans leur réinsertion et de les convaincre de renoncer à un nouveau projet migratoire en leur présentant les opportunités sur place. En 2023, les BAOS ont accueilli 2 098 migrants revenus au pays de façon involontaire, dont 64 femmes et 16 enfants.

« Malheureusement, nous n’avons pas les moyens ni les ressources humaines pour faire un véritable suivi étant donné le nombre de migrants rapatriés », regrette Amadou François Gaye, à la tête de la direction générale d’appui aux Sénégalais de l’extérieur, qui reconnaît que ses équipes ont du mal à être écoutées. « La plupart des candidats à l’émigration qui ont été rapatriés sont laissés à eux-mêmes, donc ils sont forcément tentés de repartir », regrette Boubacar Seye, président de l’organisation de défense des migrants Horizon sans frontières, qui estime que « rien n’est fait pour les retenir ».

Essayer de nouveau

Dogo, célibataire de 40 ans, a vendu son taxi pour se payer le voyage vers l’Espagne. Un projet qui lui a coûté 2,5 millions de francs CFA. Mais, une fois arrivé aux îles Canaries, il a aussi été arrêté et expulsé par avion. Arrivé à l’aéroport, il assure qu’il n’a jamais croisé les équipes du BAOS. Quelques semaines après son retour, il a trouvé une petite chambre à Keur Massar, une commune excentrée de la banlieue dakaroise, moins chère que son précédent logement aux Parcelles Assainies, un quartier beaucoup plus central.

Faute de pouvoir se racheter un taxi, il s’est lancé dans un petit élevage de poulets avec difficulté. « Je pense à des projets mais je ne trouve pas l’argent pour investir et les banques ne me feront jamais un prêt car je n’ai pas les garanties suffisantes », regrette Dogo. Il ne peut plus compter sur sa famille qui lui a tourné le dos. Les migrants rapatriés n’ont alors qu’une idée en tête : essayer de nouveau la traversée. « Je n’ai pas honte d’être revenu chez moi après un deuxième échec, car j’ai des amis qui ont tenté plus de cinq fois avant d’y arriver », explique Lébou, qui est prêt à repartir. « Ce n’est pas en nous interceptant que nous allons nous décourager. »

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