Par Joseph OLINGA N.
Pour certains, c’est un lion. Un fauve qui attaque ses proies au moment le moins attendu. Un félin dont la longévité maximale est estimé à 40 ans. Pour d’autres, C’est un aigle. Un oiseau rapace de grande taille qui construit son aire dans les hautes montagnes. Mais aussi un fruit au goût aigre-doux. Pour dautres, c’est un sphinx. Un monstre à tête de lion et à tête humaine, parfois muni dailes de griffon. Un animal dont les exégètes de la mythologie égyptienne disent qu’il était préposé à la garde des sanctuaires funéraires. C’est aussi la caractéristique que l’on attribue aux personnes énigmatiques. Pour certains autres, le chef de l’Etat camerounaise, Paul Biya est un homme politique qui pratique l’attente et l’opportunisme. Qu’importe le bord par lequel l’on apprécie les postures de l’homme qui dirige le Cameroun depuis 40 ans, l’observateur interroge sa posture face aux secousses que vit le pays.
Martinez Zogo, Jean Jacques Ola
Plutôt silencieux sur les assassinats des hommes des médias Martinez Zogo et Jean Jacques Ola Bébé, Paul Biya, sur hautes instructions communiquées par le ministre, secrétaire général de la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh a instruis une enquête. Un mois après, certes de nombreuses personnes ont été arrêtées mais la procédure laisse à désirer. D’autant que des membres du gouvernement sont régulièrement indexés, sans pour autant être interpellés par la justice et les nombreux démembrements mis en place. Dans le même temps, des parties prenantes soulignent de probables implications des personnes mandatées pour diligenter cette affaire qui tient le pays entiers en haleine. Pour le cas, de l’homme des médias et pasteur de léglise orthodoxe, Jean Jacques Ela Bébé, lui aussi assassiné, silence radio.
Ministre à la trappe.
C’est aussi le silence du président de la République dans l’affaire lié au décès du ministre des mines, de l’eau et de l’énergie (Minmee), Dodo Ndocke. Ce membre du gouvernement a trouvé la mort à la suite d’une rencontre de stratégie politique. Rencontre dont l’objet était de préparer le 40e anniversaire de l’homme du Renouveau à la magistrature suprême. Dans les salons feutrés de Yaoundé, l’opinion et sa région d’origine (l’Est-Cameroun) des voix sélèvent pour crier à lassassinat. Là aussi, le président de la République brille par un mutisme qui exacerbe et irrite les moins continents.
Dans les cas des assassinats des journalistes, homme religieux et ministre, le président de la République fait montre dun attentisme surprenant. Des bribes d’informations distillées par les réseaux sociaux, alimentés par des sources proches des enquêtes, ces assassinats sont étroitement liés aux personnels appartenant au dispositif de la haute sécurité du président de la République. Une initiative extra-républicaine dans laquelle seraient engagés des personnels moins cités à ce jour dans ces affaires qui ameutent les observateurs du monde entier. Sans ambages vecteurs d’informations et commentateurs ne manquent pas d’attribuer ces assassinats aux conséquences dun coup d’Etat en gestation au sein du palais doù retentit pourtant un mutisme alarmant.
Gestion des fonds Covid
Les silences du président ne prennent pas leur source dans l’appréciation du scandale lié à la gestion des fonds Covid-19. Cet épisode est néanmoins illustratif de la posture de l’homme qui dirige le Cameroun depuis 40 ans. Deux ans après les révélations liées aux malversations ayant entouré la gestion de ces fonds estimés à 180 milliards de Francs Cfa, Paul Biya reste de marbre malgré la clameur populaire et les récriminations des bailleurs de fonds internationaux. Outre les ministres et les hommes daffaires cités dans ce dossier, les dénonciations ont atteints la présidence de la République où des proches du chef de l’Etat ont été appelés à donner leurs versions de faits. Des procédures sans suite, confesse un haut magistrat qui indique que «en l’état actuel, tout dépend de la disponibilité du chef de l’Etat à ordonner l’audition de certains hauts responsables de la présidence pour déterminer la suite de la procédure.»
Olembegate
L’infrastructure baptisée du nom du président de la République est désormais considérée par de nombreux observateurs comme un éléphant blanc. La construction du Complexe sportif d’Olembe prévue à 133 milliards de Francs Cfa est passée à 168 milliards de Francs Cfa. De sources officielles, l’infrastructure a absorbée 250 milliards de Francs Cfa, sans que la moitié du chantier ne soit livrée. Dans le faits, le contrat signé entre l’ Etat du Cameroun (via la présidence de la République) est désormais arrêté faute de liquidité. Dans le même temps, une bataille ouverte est désormais perceptible entre la Task Force (gérée par le ministre, secrétaire général de la présidence de la République) et le ministère des sports et de l’éducation physique (maitre douvrage de l’infrastructure). Au centre de la polémique : l’entreprise franco-canadienne, Magil qui a reçu plus de 40 milliards de Francs Cfa pour un contrant qui prévoit 55 milliards pour l’achèvement de cette infrastructure pharaonique. Au cur du débat, les sommes querellées ont été versées par la Task Force sans le consentement du ministère des sports et de l’éducation physique.
Gouvernement sans ministres
Inhumé le 18 février 2023, le ministre des mines, de l’eau et de l’énergie,Gabriel Dodo Ndoke est le quatrième membre du gouvernement mis en place par le président de la République, Paul Biya depuis fin 2019 qui décède en poste. En deux ans, le gouvernement a connu les pertes de Adoum Gargoum (ministre délégué auprès du ministre des relations extérieures), Alim Hayatou ( Secrétaire dEtat auprès du ministre de la santé publique) ainsi que Clémentine Ananga Messina (ministre délégué auprès du ministre de l’agriculture et du développement rural). Depuis lors, le président conserve son mutisme et les fantasmes les plus hardis font et défont l’actualité.
Guerre des clans
Pour les analystes, les assassinats des journalistes, celui dun membre du gouvernement et les multiples scandales politico-financiers que connait le Cameroun sinscrivent dans une logique de désordre au sein du gouvernement mis en place par le président Paul Biya, lui-même.
Mais aussi une ambiance de bataille de fin de règne qui met en opposition des factions rivales au sein même du gouvernement. L’arrestation de nombreux suspects, quoique présentée comme un pas vers la manifestation de la vérité laisse relever des doutes sur la capacité des organisations mis en place pour les enquêtes en cours. C’est que, soulignent en chur les analystes de la scène sociopolitique camerounaise, l’on se retrouve avec des personnalités occupant des postures de juge et partie dans ces scandales que connait le Cameroun. Des scandales sommes toutes inhérents au contexte camerounais. Pour l’essentiel des observateurs et analystes du contexte camerounais actuel : le fonctionnement des clans en lice pour l’accaparement du pouvoir ont en commun des traditions de violence, de clanisme, de secret et de prédation.
Des réalités qui caractérise, selon la majorité des observateurs, l’emprise déliquescente du pouvoir incarné par Paul Biya depuis 40 ans déjà. Tout est-il permis en vue de l’accession à la magistrature suprême au Cameroun ? Le prie est-il envisagé au regard de la sauvagerie et des silences du président de la République qui résonne dans ce pays qui semble s’acheminer vers un champ de ruine ? Paul Biya, comme l’indique les chancelleries occidentales est-il encombrant, précieux ou déterminant pour lavenir du Cameroun ?
