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Cameroun > Pouvoir suprême de l’Etat: Le poids du karma vers la quête du Graal

Accéder au pouvoir d’Etat et le quitter en Afrique francophone au sud du Sahara est souvent un chemin empreint de mysticisme. A quelques exceptions près, on arrive au pouvoir dans les mêmes conditions qui président au départ.

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Par Léopold DASSI NDJIDJOU

Le pouvoir d’Etat attire les femmes et les hommes comme le sucre attire les abeilles. C’est pourquoi, dans chaque pays, c’est la chose la plus convoitée, la plus désirée par des citoyens regroupés en partis politiques ou autres, dans le but bien compris de conquérir ce Graal. Laurent Koudou Gbagbo, l’ancien chef de l’Etat ivoirien mettait en garde ses collaborateurs qui seraient tentés de vouloir le remplacer rapidement à la tâte de l’Etat en ces termes : « Méfiez-vous ! Ne blaguez pas avec le fauteuil présidentiel ! Ce n’est pas parce qu’il est vide qu’il n’a pas un propriétaire ! Tout fauteuil a son propriétaire ! » Omar Bongo Ondimba, le chef d’Etat gabonais, n’en disait pas moins à ses collaborateurs lors d’un conseil de ministre : « Il n’y a qu’un seuil fauteuil présidentiel ! Deux personnes ne peuvent pas s’y asseoir au même moment ! Pour l’instant, j’y suis assis ! ».

Ces deux avertissements de deux chefs d’Etat expérimentés dans la gestion du pouvoir en Afrique francophone, indiquent clairement que l’arrivée comme le départ du pouvoir ne sont pas gratuits. Inventorions ici quelques clichés où le karma, c’est-à-dire les précédents dans l’exercice du pouvoir, influence l’arrivée ou le départ du pouvoir.
La question de l’arrivée au pouvoir
Comment est-ce qu’Ahmadou Ahidjo est-il arrivé au pouvoir ? L’histoire apprend qu’avec le soutien du colon, il manœuvra en faisant démissionner les députés du grand-Nord et de l’Ouest dans le but de mettre André Marie Mbida en minorité. Comment quitta-t-il du pouvoir à son tour ? En démissionnant, tout simplement et contre toute attente de l’opinion ! Ce qu’il avait appliqué au Premier ministre en février 1958, avec l’appui de Jean Ramadier, nouveau Haut-Commissaire de la République française au Cameroun, lui fut servi en novembre 1982. On connaît par ailleurs l’ostracisme qui frappa le leader du Parti des démocrates camerounais, lui qui fut jeté par la suite en prison et devint pratiquement aveugle plus tard.

Une fois parti du pouvoir, la même déchéance frappa Ahmadou Ahidjo qui fut obligé de fuir son pays, jugé et condamné à mort par contumace avant d’être gracié plus tard. Ainsi on voit qu’il y a lien direct dans la manière d’arriver au pouvoir et de le quitter. Les hommes politiques et autres qui ont des visées sur Etoudi savent-ils que les moyens mobilisés et les voies utilisées pour accéder au sommet peuvent être une facilitation ou un obstacle dans cette entreprise ? On fait son lit comme on se couche. Si ailleurs, les moyens financiers peuvent être un gage pour se hisser au sommet de l’Etat comme il en va dans les pays anglophones, rien ne dit en outre qu’au Cameroun le butin financier est forcément une rampe de lancement. Les bruits courent qu’Ahmadou Ahidjo donna 200.000 Fcfa à chaque député dans le dessein de les encourager à démissionner et de trahir André Marie Mbida. Est-ce encore viable aujourd’hui ? Quand Paul Biya accédait au pouvoir, quels moyens financiers ou quels avoirs possédait-il ? Aujourd’hui, le fait de tremper la main si facilement dans le pot de confiture de l’Etat, peut être un réel obstacle à l’accession à la magistrature suprême. C’est un sacerdoce qui ne s’accommode pas des femmes et des hommes maculés de sang et de toutes les impuretés.

Les Camerounais, plus que quiconque, sont à la recherche des hommes et des femmes intègres qui pourront défendre leur patrimoine, qui pourront œuvrer pour leur bien-être collectif et non uniquement pour la jouissance exclusive des lucres du pouvoir. Ces genres d’acteurs sont des mercenaires, aujourd’hui voués aux quatre coins du pays aux gémonies. Celle ou celui qui prendra le relais après l’actuel locataire d’Etoudi, devra-t-il être humble et détaché, désintéressé, comme le fut Paul Biya vis-à-vis de son prédécesseur ou devra-t-il être le modèle pour les Camerounais ? En d’autres termes, faudrait-il avoir les faveurs du détenteur du pouvoir sortant ou celles du peuple ? Ce qui se passe au Sahel aujourd’hui indique à ce sujet qu’il sera de plus en plus difficile d’entrer à Etoudi sans l’onction populaire. On est de ce fait assurément à la fin d’une époque. Le coup d’Etat manqué de 1984 au Cameroun par exemple a donné les leçons aux Forces de Défense et de sécurité, de la nécessité et de l’impérieux devoir d’être une force au service des institutions républicaines. Et c’est tant mieux.

Les exemples en Afrique francophone
On peut de ce fait multiplier des exemples à travers le contient. Au Gabon, Omar Bongo arrive au pouvoir à la mort en exercice et à Paris de son prédécesseur Léon Mba. Il y meurt suite à une maladie. Ses restes seront inhumés à Libreville dans un mausolée en son honneur. Omar Bongo qui prend le relai, quittera le pouvoir comme Léon Mba, en mourant en plein exercice dans un hôpital à Barcelone. Il sera inhumé avec les honneurs d’Etat chez lui à Franceville. En Côte d’Ivoire, le président Laurent Gbagbo arrive au pouvoir à l’arrachée, dans une situation difficile et confuse avec le départ après la défaite électorale du général président de la République Robert Guéï. C’est pratiquement dans la même confusion postélectorale qu’il quittera à son tour le pouvoir. On avoue donc que ceux qui arrivent au pouvoir par des moyens pacifiques ont de fortes chances de le quitter pratiquement dans les mêmes conditions ; il en va de même pour ceux qui arrivent par la violence déguisée ou par la force ouverte.

Au Sénégal, Léopold Sédar Senghor a favorisé l’arrivée d’Abdou Diouf au pourvoir, ce fut le même cas au Gabon et au Sénégal. Abdou Diouf est parti dans un climat de paix et de sérénité, Bongo est mort dans la tranquillité, même si aujourd’hui son fils trinque ce que les barrons du régime de son père appellent subrepticement « la violation des us et coutumes républicaines ». Les prétendants sérieux au fauteuil de Bongo, André Mba Obame de regrettée mémoire et Jean Ping son adversaire politique déclaré de l’heure, sont des phases de la difficile gestion du pouvoir d’Ali Bongo Ondimba. Pour mieux le comprendre, les Fangs, l’ethnie majoritaire du pays dont était issu le premier président de la République, attendaient qu’Omar leur retourne l’ascenseur en favorisant l’accession de Paul Mba Obame au pouvoir. Peine perdue ! Et puis vint Jean Ping de l’ethnie côtière Myéné. Les Gabonais firent bloc dernière lui à la dernière élection présidentielle non pas parce qu’Ali était médiocre au cours de son premier mandat, mais surtout parce qu’il était non seulement Batéké mais en plus le fils de son père. Pour terminer sur ce chapitre, il y a lieu d’indiquer que ceux qui sont arrivés au pouvoir par les urnes, sont les plus épanouis et les plus considérés quand bien même ils quittent les affaires.

Le cas des pays anglophones, à l’exemple du Nigeria, du Ghana ou du Kenya sont de ce point de vue des modèles vers lesquels soupirent les démocraties des pays francophones. Bien sûr le Sénégal est un modèle car Abdoulaye Wade a cédé le pouvoir à Macky Sall à la sortie des urnes. Au Bénin, le « quartier latin de l’Afrique francophone », Mathieu Kérékou, Nicéphore Soglo, Boni Yayi et Patrice Talon se sont succédés sans heurts par les urnes au sommet du pouvoir béninois.
L’odeur nauséeuse du karma qui chasse du pouvoir.

En Haute Volta, Burkina Faso aujourd’hui, le capitaine Isidore Thomas Sankara s’empare du pouvoir suite à un coup force. A peine installé, il entreprend une révolution pour libérer son pays de toutes les pesanteurs du développement. Il devient si populaire que son aura traverse rapidement les frontières de son pays et affecte toute la jeunesse africaine. Il est assassiné dans un coup d’Etat commandé par les néocolonialistes, exécuté par son camarade d’arme et ami, le capitaine Blaise Compaoré. Aujourd’hui, il erre malade et gravement diminué en Côte d’Ivoire dont il a pris la nationalité, banni de son pays où il désire tant rentrer. Une prison en Côte d’Ivoire dans la maladie ? Mobutu Sesse Seko, président sans partage de la République du Zaïre depuis l’assassinat sauvage du nationaliste Patrice Lumumba, a connu sans doute les revers de l’acte odieux d’assassinat. Il sera chassé du pouvoir malade, humilié, et inhumé sans égards dans un cimetière chrétien au Maroc. Ce jour-là, son avion quittait l’aéroport de Kinshasa en essuyant les tirs des rebelles qui prenaient possession de la capitale. Le nouveau maître du pays, Laurent Désiré Kabila, laissera à son tour sa vie au pouvoir, assassiné au palais par sa propre garde. Il y a tout de même des nuances qui échappent à toute explication logique, à moins de reconnaître que des scènes derrière les rideaux pourraient expliquer des chutes spectaculaires.

De ce fait, comment comprendre le départ d’Ibrahim Boubacar Keïta alors qu’il était arrivé au pouvoir par les urnes ? Personne n’oublie les intrigues et manœuvres qui étaient siennes quant Ahmadou Toumani Touré (Att) était aux affaires ! Il en va de même de Roch Marc Christian Kaboré, qui a pris le pouvoir après Blaise Compaoré. Quoiqu’on dise, que ce soit au Mali, au Burkina Faso ou en Guinée Conakry, accéder au pouvoir signifie un rejet de l’ordre ancien. Refuser de le faire peut entraîner la chute. Ainsi le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba a perdu le pouvoir au profit du capitaine Ibrahim Traoré, tout simplement parce qu’il ménageait l’armée française. C’est dire combien, l’onction de l’ancienne métropole pour accéder au pouvoir en Afrique francophone est en train de se métamorphoser. Paris est bien entendu en train de revisiter sa politique africaine. L’heure où les ressortissants de telle ou telle communauté étaient interdits d’accéder au pouvoir, semble révolue. Pour terminer, qu’il est vrai cet enseignement de Jésus-Christ : « Celui qui tue par l’épée périra par l’épée ».

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