Avec Hon. Jean Michel NINTCHEU, Nintcheu Député
Est ce possible, même sans augmentation du prix du carburant, de vivre dans ce pays avec un Smig 41875 Fcfa ? De qui se moque-t-on? Dans des pays voisins de même ou de moindre taille économique que le Cameroun, le Smig a connu une augmentation depuis le 1er janvier 2033. Au Togo, le Smig est passé de 35.000 Fcfa à 52.500 Fcfa. Au Bénin, le Smig est passé de 40.000 Fcfa à 52.000 Fcfa. En Côte d’Ivoire le Smig est passé de 60. 000 Fcfa à 75.000 Fcfa. Au Tchad, le Smig est resté à 60.000 Fcfa pour l’instant.
En refusant d’indexer le taux d’inflation ( renchérissement énorme du coût de la vie) sur les salaires après avoir procédé à la hausse du coût des services publics (timbres fiscaux et diverses prestations dans le cadre du budget de l’Etat pour le compte de l’exercice 2023), il est clair que le gouvernement, par ces mesures suffocantes voire draconiennes, a décidé d’asphyxier l’ensemble des camerounais.
Plus grave, alors que l’inflation concerne tout le monde, le gouvernement a pris des mesures discriminatoires et non de portée générale. Les mesures de revalorisation des salaires (5,2% du salaire de base) ne concernent que les fonctionnaires et agents de l’État relevant du code de travail. Ceux-ci sont environ 300.000 sur plus d’une dizaine de millions de camerounais durement frappés par la vie de plus en plus chère.
Quelle proportion représentent-ils dans l’échantillon de l’ensemble des Camerounais salariés ? Aucune prise en compte des autres salariés ou non qui devront subir les coûts et les conséquences de l’inflation.
Pour justifier l’augmentation du prix du carburant à la pompe, le gouvernement invoque l’insoutenabilité de la subvention du carburant à la pompe qui s’élève à 700 millards .
Une baisse ou une annulation partielle des 21 impôts et taxes contenus dans la structuration des prix du carburant de l’importation à la consommation par les usagers et une réduction conséquente du train de vie de l’Etat (carburant et lubrifiants, eau et électricité, dépenses vestimentaires, colloques, séminaires et ateliers de validation, frais de bouche, mobiliers de bureau, véhicules etc) auraient pu nous épargner de cette hausse inacceptable. Il suffisait de supprimer ou de dégraisser considérablement les dépenses improductives,de pourchasser les gaspillages contenus dans le budget de l’État puis de reverser le gain de productivité issu de ces deux opérations dans les investissements productifs. Que dire des multiples pertes enregistrées dans le circuit des dépenses budgétaires du fait de la corruption entretenue et des detournements de deniers publics brutalement orchestrés qui se chiffrent en milliers de milliards de Fcfa sur une décennie ?
Que dire de l’endettement du Cameroun dû aux multiples dettes contractées auprès de nos partenaires bilatéraux et multilatéraux qui n’ont pratiquement servi à rien sinon à remplir les poches de nos gouvernants à travers de gigantesques retro-commissions ? Ce sont ces dettes contractées qui ont mis le Cameroun sous ajustement budgétaire du Fmi avec les conséquences désastreuses pour l’économie (insuffisance de devises) et pour le peuple dont cette hausse du prix du carburant à la pompe. 315 milliards d’intérêts de la dette à régler pour le compte du seul exercice 2023. Rien ne justifie que 98% de notre pétrole brut produit soit exporté plus d’une cinquantaine d’années après sa découverte dans notre sous-sol et que le carburant consommé à la pompe soit importé. Combien coûte une raffinerie de seconde génération capable de raffiner notre pétrole brut avec tout ce que cela comporte comme produits dérivés et nouvelles recettes fiscales? À quel niveau se situe la restructuration de la Sonara qui, doit-on le rappeler, ne disposait pas d’une police d’assurance au moment de l’incendie ? Les détournements enregistrés dans le covidgate et la Cangate auraient pu permettre la restructuration de la Sonara et la mise sur pied d’une raffinerie de seconde génération à même de transformer notre pétrole lourd brut et de ce fait réduire le prix du carburant à la pompe.
Le gouvernement aurait donc pu éviter ce supplice imposé au peuple. Le Cameroun dispose d’énormes ressources humaines, naturelles ainsi que des textes législatifs pour parer à cette hausse assimilable à une véritable incitation à la révolte . Des instruments législatifs existent à l’instar de la loi de 2018 portant code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques. Il suffisait tout simplement d’une volonté politique affirmée au sommet de l’État pour prévenir et endiguer cette hausse. La dette effrénée difficilement remboursable du fait de la nature de notre économie qui est extravertie, le clientélisme, la concussion, le népotisme, l’impunité des gangs et cartels logés dans les hautes sphères de la République qui pillent le trésor public, bloquent la mise sur pied effective du décret d’application de l’article 66 de la constitution et freinent des quatre fers pour que la loi sur l’enrichissement illicite ne soit pas acheminée au parlement, tous ces goulots d’étranglement ont eu raison de la chose publique et par conséquent du peuple.
La nouvelle augmentation des prix du carburant à la pompe est donc la conséquence de la gouvernance politique, économique et sociale exécrable enregistrée depuis plusieurs décennies de règne de M. Biya. Il faut être doté d’un esprit irrationnel et de mauvaise foi manifeste pour ne pas admettre cette évidence. Visiblement dépassés par les évènements, nos gouvernants ont décidé de plonger les camerounais dans le fond du fond du trou noir. Il n’y a plus rien à attendre d’eux.
