Par Pierre Laverdure OMBANG
Au Cameroun, les obstacles les plus sévères à la croissance des entreprises selon le Groupement Inter patronale du Cameroun sont deux ordres. D’abord, la situation politique et socioéconomique aujourd’hui marquée par l’insécurité dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest (74%) et les régions du Grand Nord (61%). Ensuite, une fiscalité caractérisée par l’instabilité du système fiscale et des motifs des redressements fiscaux (72%), les pénalités et amendes fiscales (66%), le taux d’imposition fiscale (61%), et la multiplicité des contrôles de l’administration fiscales (59%). Des obstacles majeurs qui ne permettent pas une amélioration fortement visible du climat des affaires.
S’il est notamment révélé que l’insécurité dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest affecte plus de 88% des entreprises. Toutes les entreprises, indépendamment de leur taille sont affectées : 90,3% chez des grandes entreprises ; 90% chez des moyennes entreprises ; et 82,6% chez des petites entreprises. Par ailleurs, une entreprise sur trois a des difficultés à payer le minimum de perception au titre de l’Is. La durée moyenne entre une demande de remboursement d’un crédit de TVA en son paiement est estimée à 172 jours soit près de six (06) mois. Plus de 80% des contentieux fiscaux entre les entreprises membres du GICAM et l’administration fiscale sont liés au redressement fiscal. Ce taux est de 93% chez les grandes entreprises. En 2019, le montant des redressements fiscaux ayant fait l’objet d’un contentieux fiscal entre une entreprise membre du GICAM et l’administration fiscal est estimé à 121,7 milliards de FCFA soit 5,93% des recettes fiscales versées par le Gicam à l’État.
Les attentes dans le monde des affaires au Cameroun
Le Gouvernement de la république du Cameroun a depuis 2008 adopté, en concertation avec les acteurs du secteur privé, des mesures en vue d’améliorer le climat des affaires. Une démarche qui visait notamment l’atteinte des objectifs de développement fixés à l’horizon 2035. Se basant principalement sur les attentes des milieux des affaires. Il s’agissait alors, de trouver en concertations avec ceux -ci, un cadre qui pourrait favoriser le climat des affaires au Cameroun. La situation s’enlisant de jour en jour.
En 2019, déjà de nouvelles reformes avaient été apportées en vue de l’amélioration du climat des affaires au Cameroun. La tenue du Cameroun Business forum avait permis de proposer entre autres la mise en place des centres de formalités de création d’entreprise, la réduction du capital minimum à 100.000 FCFA, l’instauration du plan fiscal de la télédéclaration et du télépaiement, et la dématérialisation des procédures du commerce extérieur. Des réformes qui de l’avis du Président du Groupement inter patronal, Célestin Tawamba nécessitaient alors des améliorations. Le patron du Gicam ayant proposé aussi la formalisation des échanges commerciaux entre le Cameroun et le Nigéria. Penchant fortement sur transformation plutôt radicale des déterminants du climat des affaires pour rendre notre économie attractive et compétitive. Sachant notamment que plusieurs options et mesures ont été appliquées depuis des décennies, mais aucun résultat significatif n’a été obtenu. Pourtant selon les spécialistes, les solutions sont nombreuses pour faire sortir le pays de cette léthargie très nuisible à l’économie camerounaise. Une économie qui a, pourtant, beaucoup de potentialités, mais qui reste en dehors du processus de développement et de la croissance.
Car en effet, En effet, les économies ont un besoin permanent de capitaux pour assurer la croissance et la création d’emplois. Les détenteurs de fonds cherchent les conditions les plus appropriées à l’investissement et à la création d’entreprises. Ils apprécient un climat des affaires attractif qui leur garantit la rentabilité des fonds engagés et la sécurité. Ce qui n’est pas le cas pour le Cameroun.
Il faut se souvenir que en 2018 déjà, à l’issue des travaux de la 09ème édition du Cameroun Business Forum (CBF) qui à Douala, les secteurs public et privé ont retenu 23 recommandations visant à améliorer le climat des affaires au Cameroun dont principalement: L’élaboration d’un Livre blanc pour appuyer le développement du secteur privé ; Élaborer une Charte nationale de la petite et moyenne entreprise.
Entre autres recommandations, arrimer les normes nationales aux standards internationaux afin de renforcer les capacités des entreprises à se déployer sur les marchés internationaux en général et transfrontaliers en particulier.
Finaliser le processus devant aboutir au marquage de conformité des biens et produits référencés et la mise en place d’ un dispositif efficace pour lutter contre le commerce illicite, la fraude et la contrebande, dans l’optique d’une meilleure protection de l’espace économique national . Accélérer la phase de repositionnement de la BC-PME à travers sa recapitalisation et la mobilisation des ressources longues, dans le but de permettre un financement approprié des PME. Accélérer le processus de traitement de la dette intérieure de l’Etat. Des recommandations portant notamment sur les règlements des différends commerciaux , l’inspection des établissements classés , le paiement des impôts et la gouvernance.
Peut-on cerner l’ensemble des causes profondes qui ont fait, on dirait échouer toutes ces tentatives ?
S’il faut reconnaitre que : la simplification des procédures, la qualité des institutions, notamment les douanes, l’administration fiscale, les banques, la mise en place de mécanismes de soutien aux investisseurs sont mesures et actions qui constituent. L’ossature de toute démarche visant l’amélioration de l’attractivité d’une économie. Au Cameroun ,on semble être bien loin de le penser.
Mal gouvernance et investissement
D’ailleurs une des propositions de l’union européenne pour l’amélioration du climat des affaires au Cameroun, la bonne gouvernance. L’Union Européenne proposant à cet effet la dématérialisation des appels d’offres publics pour favoriser une surveillance plus transparente et soutenir une politique de tolérance zéro envers toute entreprise impliquée dans la corruption. Les pratiques de corruption vident les caisses de l’État, portent préjudice au libre-échange et découragent les investisseurs. Selon la Banque mondiale, la corruption peut réduire le taux de croissance d’un pays de 0,5 à 1point de pourcentage par an. Les recherches du Fond Monétaire international ont montré que les investissements réalisés dans les pays corrompus sont inférieurs d’environ 5% à ceux réalisés dans les pays relativement non corrompus.
Selon l’agence de cotation Standard and Poor’s, les investisseurs ont 50 à 100% de chances de perdre la totalité de leurs investissements dans un délai de cinq ans dans les pays connaissant divers degrés de corruption. Les investissements à long terme, les plus intéressants pour les pays, deviennent ainsi risqués et peu probables. Il est reconnu des experts que le Cameroun fait face à d’importantes difficultés de croissance économique et à une corruption chronique.
Des effets induits d’une mal gouvernance profonde. L’impact de la mal gouvernance sur les potentiels investissements plus que perceptibles. Les relations entre la mauvaise gouvernance et la fragilité des économies et des investissements indiquent que la corruption génère des distorsions et éloigne l’investissement public des secteurs prioritaires pour le diriger vers des projets où les pots-de-vin et les-dessous- de-table sont plus nombreux. Car en général, la qualité des institutions et prospérité vont de pair. Les pays dotés d’institutions bien gérées et responsables sont mieux à même d’assurer les services publics et d’installer un environnement propice à la création d’emplois et à la croissance.
Un régime fiscal encore mal ficelé…
Parmi les obstacles les plus sévères à la croissance des entreprises au Cameroun, il y’a notamment : La fiscalité. Une fiscalité caractérisée par l’instabilité du système fiscale et des motifs des redressements fiscaux (72%), les pénalités et amendes fiscales (66%), le taux d’imposition fiscale (61%), et la multiplicité des contrôles de l’administration fiscales (59%).
Au Cameroun, selon le Gicam , une entreprise sur trois a des difficultés à payer le minimum de perception au titre de l’Is. La durée moyenne entre une demande de remboursement d’un crédit de Tva en son paiement est estimée à 172 jours soit près de six (06) mois. Plus de 80% des contentieux fiscaux entre les entreprises membres du Gicam et l’administration fiscale sont liés au redressement fiscal. Ce taux est de 93% chez les grandes entreprises. En 2019, le montant des redressements fiscaux ayant fait l’objet d’un contentieux fiscal entre une entreprise membre du Gicam et l’administration fiscal est estimé à 121,7 milliards de FCFA soit 5,93% des recettes fiscales versées par le Gicam à l’État.
En 2019 par exemple, plus de 57% des entreprises au Cameroun ont connu des difficultés. Pour près de la moitié d’entre elles, les difficultés rencontrées étaient importantes au point de menacer leur survie. En revanche, 25% des entreprises ont connu une croissance parmi lesquelles près de 5% ont connu une croissance forte. En dépit donc des mesures fiscales et institutionnelles prises par les pouvoirs publics dans le contexte du Cameroun pour améliorer le climat des affaires et partant booster la croissance économique, l’environnement des affaires brille davantage par un grand nombre d’entreprises (environ 80 %) qui peinent à durer sur une période de 5 ans.
Des investissements plombés par la mal gouvernance …
Selon le Fond Monétaire International, la mal gouvernance et l’opacité plombent les investissements au Cameroun. « Quand on examine l’exemple d’autres pays en transition, il apparaît que l’investissement a connu un réel essor dans de nombreux pays qui sont intervenus rapidement pour améliorer la gouvernance », déclare Caroline Freund, économiste en chef pour la Région Moyen-Orient et Afrique du Nord à la Banque mondiale.
Pour relancer l’investissement à des niveaux supérieurs à ceux comparables aux nations dites développées , il serait important pour le Cameroun de prendre d’urgence le chemin de la transparence et de la responsabilité publique.« Quand un pays est bien gouverné, les investissements publics tendent à amplifier les investissements privés, car ils fournissent les réseaux énergétiques, routiers, logistiques et les moyens de communication dont les entreprises ont besoin pour produire », ajoute Mme Freund « Dans le cas inverse, ils auront tendance à évincer les investissements du secteur privé en captant des ressources que ce dernier aurait pu utiliser. De plus, il se peut que l’investissement public ne stimule pas la croissance puisqu’il est consacré à des actifs non productifs qui ne profitent qu’à des groupes d’intérêt particuliers. ».
Des années de népotisme, de gabegie financière, de corruption et de délitement morale auront réussi à accélérer la mort des investissements et à renforcer les craintes des investisseurs.