Par Léopold DASSI NDJIDJOU
Il s’agit là des questions d’actualité politique majeure dans les pays francophones. Pour s’épargner des contentieux à risques à la proclamation des résultats, les locataires des palais présidentiels de l’Afrique francophone ont jugé bon cette fois de couper “le mal à la racine”. Il est question désormais de tout faire pour empêcher les candidatures qui leur donnent le tournis, des candidatures portées par un souffle populaire évident. C’est tout trouvé de donner un coup chaos à l’opposition avant même le vote, en disqualifiant par tous les moyens les cadors qui lorgnent trop et ont même les chances de s’emparer du fauteuil présidentiel.
Plus besoin d’entendre des critiques les plus acerbes qui entachent la régularité de leur victoire, parce qu’ils auraient bourré les urnes, acheter les consciences ou tout simplement truquer les résultats. C’est désormais la stratégie a suivre pour une minoration des risques postélectoraux par les chefs d’État africains en poste, le chemin le mieux indiqué pour ces présidents candidats très impopulaires et qui redoutent une sanction populaire massive dans les urnes. Il faut donc couper court, en invalidant sous le silence complice des gendarmes de la démocratie mondiale qui le plus souvent embouchent les trompettes après les résultats. Le cas du Gabon avec l’élection présidentielle du 12 avril prochain est assez évocateur.
Sur 23 candidatures reçues, 19 ont été rejetées pour des raisons diverses. En dehors d’Alain-Claude Bilie-By-Nze, l’ex-premier ministre en poste au moment de la chute d’Ali Bongo, et dont out Libreville murmure d’ailleurs sa connivence avec le nouveau pouvoir, il n’y a que du menu fretin en face de Brice Clotaire Oligui. Il semble avoir choisi ses adversaires, des poids plumes politiques dans le landerneau gabonais. Les politiques de la vieille garde ou de poids avéré à l’exemple de Pierre Claver Maganga Moussavou ou d’Albert Ondo Ossa ne seront pas de la course pourtant ce dernier était annoncé vainqueur contre Ali Bongo au dernier scrutin. La Commission nationale d’organisation et de coordination des élections et du référendum (Cnocer) veille aux grains, dirait – on pour que le camarade président ne soit pas trop contrarié de sortir de la transition pour la normalité. Le chemin est désormais balisé pour le général président qui est certain de remporter haut la main, au soir du 12 avril l’essentiel du travail étant abattu en amont. De ce point de vue, le Cnocer ou l’habileté dans les négociations du tombeur d’Ali Bongo ont joué en sa faveur.
En Côte d’Ivoire, le président Allassan Dramane Ouattara (Ado) a opté pour la même stratégie. Tous les dinosaures politiques du biotope ivoirien à mesure de lui faire ombrage ou de le déloger du palais.sont pris aux pièges Ainsi, l’ex-président Laurent Gbagbo, son ancien bras droit Charles Ble-Goudé et l’ex-premier ministre Guillaume Sorro sont out en ce qui concerne la présidentielle du 25 octobre prochain. Les trois hommes sont déchus de leurs droits civiques en raison des condamnations pénales prononcées par la justice ivoirienne. Laurent Gbabgo et Charles Blé Goudé ont tous deux écopé de vingt ans de prison pour des faits liés à la crise post-électorale de 2010-2011. Quant à Guillaume Soro, l’ancien proche du chef de l’État actuel avec lequel il est brouillé aujourd’hui, il est en exil depuis 2019 et a été condamné à perpétuité en 2021 pour “atteinte à la sûreté de l’État”.
Le Cameroun sur la même voie
Alors que le corps électoral pour l’élection présidentielle d’octobre n’est pas encore convoqué, des manoeuvres sont en cours pour invalider la candidature de Maurice Kamto, le leader du Mrc, challenger de Paul Biya à la dernière élection en 2018. Le ministre de l’Administration territoriale (Minat), ministre de l’Intérieur sous d’autres cieux, ne prend plus aucune précaution pour dire dans les médias qu’il s’est autoexclu de la course en refusant de participer aux législatives et municipales de 2020. Une grande curiosité ces sorties à charges qui se multiplient sont perçues par des observateurs comme une préparation de l’opinion à accepter ou à comprendre l’éjection de Maurice Kamto. Le concerné est d’ailleurs monté au créneau le 19 mars dernier, le ton dur, pour demander à ses militants et sympathisants de se mobiliser au cas où sa candidature serait invalidée par Elecam.. Une sorte de bras de fer qu’on n’a pas encore observé ailleurs et montre combien cette stratégie de couper la voie en amont aux candidats ombrageux pourrait faire tilt au Cameroun. A côté de Maurice Kamto, il y a le candidat du Pcrn, Cabral Libii qui court lui aussi un gros risque d’être exclu de la partie en octobre.
En effet, Paul Atangana Nji, le Minat lui conteste la présidence où la paternité du parti au point où, le mois dernier, Robert Kona, le fondateur du Pcrn, a appelé au vote de Paul Biya en octobre. Cette situation embrouillée en dépit d’une décision de justice faisant de Cabral Libii le patron de ce parti, laisse l’opinion pantois et on se demande ce qui en sera lorsque d’un côté, Cabral Libii lancera sa candidature et que de l’autre côté, Robert Kona positionnera le parti dans la course pour Paul Biya. Comme on le voit, il s’agit là de deux poids certains de la vie politique camerounaise qui risquent d’être out en octobre 2025. C’est dire que la stratégie qui veut l’exclusion des candidats remuants dans les pays africains francophones, fait son bonhomme de chemin sans que les observateurs électoraux nationaux et internationaux disent un mot ou les gendarmes de la démocratie à travers le monde.