Une Enquête de Joseph OLINGA N.
Au sein de l’administration de la prison centrale de Yaoundé, on en parle sous cape. Dans la nuit du 16 au 17 décembre 2022, des tenues militaires ont été saisies au quartier numéro I. L’un des compartiments du quartier «Kosovo». L’un des espaces le plus peuplés mais aussi des plus redoutés de la prison centrale de Yaoundé. Par le plus grand des hasards, quelques heures après la saisies opérée dans les locaux du quartier I de la prison centrale de Yaoundé (communément appelée Kodengui), un échange entre deux codétenus, dans une formation hospitalière de la ville, attire l’attention du reporter.
Les échanges entre les deux pensionnaires de la prison centrale de Yaoundé portent sur une rivalité mercantile au sein de la prison. L’un des pensionnaires, indique avoir versé une somme de 7 millions de Francs Cfa auprès à un responsable de l’administration pénitentiaire. La somme versée, selon les dires du détenu, est destinée «à garantir» le contrôle du marché de vente des boissons alcoolisées durant la période de fin d’année, au sein de la prison. L’homme envisage investir près de 100 millions de Francs Cfa dans le développement de son affaire au sein de la prison.
Selon des sources proches de l’administration pénitentiaire, cette opération de vente d’alcool au sein de la prison de Kodengui correspond à une habitude «tolérée» dans cette geôle à forte concentration humaine. «Il s’agit d’associer les citoyens privés de liberté aux festivités de fin d’année en leur permettant d’avoir des boissons alcoolisées à des proportions raisonnables.» Notre source qui a requis l’anonymat souligne que cette facilité est aussi accordée aux détenus lors des fêtes de Pâques et du 20 mai. Seulement, le «geste d’humanisme» en faveur des détenus s’est transformé en commerce d’envergure dans la prison centrale de Yaoundé.
Préfinancement
Difficile de quantifier les cargaisons d’alcool qui rentrent dans la prison centrale de Yaoundé au cours d’une année. Seule certitude, indiquent des sources internes dans la prison centrale de Yaoundé, c’est un commerce permanent et, certains responsables de l’administration pénitentiaires ont flairé le filon. Dans la réalité, les entrepreneurs sélectionnés parmi certains condamnés à perpétuité préfinancent des achats et déposent les capitaux auprès de certains responsables. Généralement ceux en charge de la gestion de la logistique et de la discipline au sein de la prison.
Nous emploierons des noms d’emprunt pour citer nos sources au sein de la prison centrale de Yaoundé. Victor est détenu dans l’institution pénitentiaire depuis plusieurs années. Il explique que les «Boss» versent à l’administration 24 mille Francs Cfa pour l’achat d’une palette de bière locale, contre 13 500 Francs Cfa le prix d’achat de la même palette sur le marché. Pour les alcools conditionnés en sachet, les personnels de l’administration, au sommet de la pyramide perçoivent 25 mille Francs Cfa des animateurs du commerce dans les quartiers pénitenciers déboursent pour un prix d’achat estimé à 15 mille Francs sur le marché. Les chiffres invoqués par cette source sont de l’année commerciale 2021, au sein de la prison centrale de Yaoundé.
Nouvelle mercuriale
Les coûts des produits brassicoles et des distilleries, au sein de la prison centrale de Yaoundé, n’échappent aux fluctuations du marché externe. Ainsi, informe Richard (un opérateur économique au sein de la prison), «les droits de douane ont été revu à la hausse pour les fêtes de fin d’année.» Compté parmi les principaux distributeurs d’alcool au sein de la prison, notre source explique qu’il faut désormais payer 5 mille Francs Cfa pour l’entrée d’une palette de bière produite localement et 7 mille Francs Cfa pour l’acquisition d’un carton de whisky en sachet. En prévision, souligne notre source, le sachet de whisky vendu entre 500 et 800 Francs Cfa entre l’année 2021 et début novembre 2022 est désormais vendu entre mille Francs et 1 500 Francs Cfa, selon le standing du produit sollicité.
La même source indique que la remise de fonds destinés au prépaiement des cargaisons de bière et autres alcools a été fixée au 20 décembre par les courroies administratives de ce commerce au sein de la prison de Kodengui. Comment sont stockées ses cargaisons au sein de la prison ? «Les responsables administratifs parties prenantes du business, certains gardiens de prison et des détenus nommés dans les quartiers ont déjà fabriqué des conteneurs en bois blanc, pour le stockage des boissons.» Des boissons qui seront vendues lors des fêtes de fin d’année mais aussi le long de l’année 2023. Une autre source proche des quartiers des mineurs indique que certains locaux ont été réquisitionnés pour être transformés en «entrepôts et magasins de stockage ».
Les estimations en numéraire données par nos sources sont difficilement vérifiables. Selon Albert, détenu de la prison centrale de Yaoundé depuis une dizaine d’années, «Il est évident que le nouveau tarifaire imposé par l’administration de la prison va mobiliser près de 100 millions de Francs Cfa, pour le commerce des boissons alcoolisées.» Une affirmation soutenue à demi-mots par Richard qui admet que les personnels pénitentiaires impliqués dans le trafic et le commerce des boissons alcoolisées dans la prison centrale de Yaoundé escomptent des gains estimés entre 30 et 40 millions de Francs Cfa au terme de ces opérations.
