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Cameroun | Production de banane: La PHP prive-t-elle les communautés de « leurs terres » ? [Reportage]

A l’entrée du village Mbome Ngwandang dans l’arrondissement de jombe-Penja, deux camions blancs chargés de la pouzzolane, un agrégat local sont stationnés au bord de la route.

by world top news
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Par Jean Charles BIYO’O ELLA, À Penja

Le petit village dont les versants jouxtent la national n°5 est le contraste du visage de l’entreprise qui occupe ‘‘ses terres’’. Des vieilles et tristes baraques de bois, des routes de terre grise défoncées, face aux plantations bien entretenues de la société bananière.

Quelques mètres plus bas, un homme, la quarantaine bien sonnée arrose une pépinière de rejetons de bananiers. Les pluies se font rares depuis quelques temps au village. « Continuez, je n’ai pas de temps à vous accorder » lance-t-il arrogamment à la suite d’une question sur ses relations dans le domaine foncier avec la compagnie fruitière. « Il faut le comprendre », chuchote son cousin, un homme baraqué au teint noir. Il a été lui aussi interpellé sur la même question. « Les sujets qui concernent la PHP sont très délicates ici », murmure un autre fils du village. Ici, comme-là, c’est l’omerta.

Pour comprendre cette méfiance, il faut sonder les riverains d’une ‘‘certaine génération’’. En tout cas, celle qui a vu, à défaut de la naissance, l’extension des bananeraies devenues aujourd’hui, le fruit de la discorde.
Mathieu est âgé de 70 ans. Après une longue carrière dans l’administration, puis au sein de la société civile, le retraité étale sans filtre son mécontentement contre l’agro-industrie. « Moi je peux vous parler, puisque je n’ai plus l’âge d’avoir peur », ironise-t-il. Il explique que la discorde entre la php et les populations de jombe n’est pas nouvelle. « Pour construire cette maison dans laquelle nous nous trouvons, il a fallu batailler pendant longtemps. Regardez en face, et là plus bas, vous voyez comment toutes les terres cultivables et les espaces constructibles sont occupés par la banane. Est-ce que vous trouvez normal, que dans votre village, pour bâtir une case, il faut d’abord l’autorisation de la société ? Si elle accorde quelques lopins de terre à certains, à d’autres elle refuse sans explications. Et c’est pour cela que vous voyez le village vide, sans maisons en dehors de ces quelques cases. Le reste c’est la banane », déplore le septuagénaire assommé dans son fauteuil à moitié abimé par l’usure du temps. Un témoignage qui raisonne comme une dernière bataille face à Goliath.

« Ils creusent d’énormes tranchets partout »

Olivier est également originaire du village Mbome Ngwandang. Il souhaite témoigner, mais exige l’anonymat. « Vous savez que la Php arrose la plantation avec des petits avions. Par le passé, ces pesticides venaient polluer soit nos aliments, ou encore les engrais dégradaient les toitures des maisons. Il a été dit que les premières tiges de bananiers doivent commencer à plus 50 mètres des maisons. Certes, je peux vous confirmer qu’ils ont respecté cela. Mais, il y a un autre détail. Ils ont creusé d’énormes tranchés par endroit pour éviter que nous puissions profiter de ces espaces tampon. Où allons-nous construire ? » s’interroge-t-il. « Toutes les terres ont été arrachées. La bataille foncière entre fils du village est de taille » soupire ce paysan.

Dans la localité, des villageois rencontrés confient avoir pour certains loué des hectares de terrain à plusieurs dizaines de kilomètres pour pratiquer l’agriculture. D’autres se sont converti en petits commerçants faute d’espace pour l’agriculture. Des plus jeunes sont recrutés comme manœuvre dans les champs de bananiers où ils nettoient et coupent la banane. Les plus chanceux sont affectés dans des unités d’empaquetage. Une vie résumée à la banane !

Des allégations que ne confirme pas un responsable de la chefferie du village. Selon ce dernier, les populations ont tort de demander des comptes à la société des plantations du Haut Penja. Pour lui, la PHP n’est ne dispose pas de terre. « Les terres appartiennent à l’Etat. La société loue les terres de l’Etat ».

Selon un autre témoignage recueillis sur le terrain, l’industriel aurait après moult négociations accepté apporter quelques compensations aux habitants ayant davantage perdu de terrain. Une indemnité s’élevée à 60000fcfa/hectare par an. Un appui symbolique versé en deux tranches de 30000fcfa par semestres.

La banane au goût amer ?

Née de la fusion/ rachat des sociétés SPNP (Société des Plantations Nouvelles du Penja), de la SBM (Société des bananeraies de la M’Bomé), la PHP (Plantation du Haut Penja) gère une surface en production de près de 3 000 hectares au Cameroun pour une production annuelle d’environ 120 000 tonnes. Soit environ 45 % de la production nationale en banane.

Financièrement selon le site de la Sobacam (societé bananière du Cameroun), la société des plantations du Haut Penja est rattachée à la Compagnie Fruitière (de Marseille) et adossée à l’américain Dole avec des actionnaires des privés camerounais. En 2009, un rapport, du Comité catholique contre la faim et le développement et Oxfam-Agir avait classé cette agro-industrie parmi les entreprises « peu scrupuleuses » que l’Union européenne devrait contrôler. Parmi les faits relevés dans ce rapport, l’on pouvait relever : les accaparements des terres au détriment des paysans locaux ; les mauvaises conditions de travail pour ses 6000 employés de l’époque dont certains travaillent indiquait le rapport jusqu’à quinze heures par jour sans compensation.

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