Par Ilyass Chirac Poumie
Un véhicule léger est entré en collision avec un camion gros porteur, provoquant un ralentissement majeur à quelques kilomètres de Boumyebel, sur l’axe lourd reliant Yaoundé à Douala. Sur place, le ministre des Transports, en route pour une inauguration à Édéa, a interrompu son cortège pour porter secours aux victimes et « réguler » lui-même la circulation. Le conducteur blessé a été évacué vers le district de santé local, sur instruction directe du ministre.
Mais derrière cette scène spectaculaire, applaudie par certains comme un « geste de proximité », se cache une réalité bien plus amère : plutôt que de traiter les causes structurelles de la tragédie permanente qu’est cette route nationale, le ministre préfère offrir à l’opinion un tableau de compassion ministérielle. Pendant que les accidents se multiplient, pendant que l’axe vital du pays devient un cimetière à ciel ouvert, le gouvernement de Yaoundé brille par son immobilisme.

Depuis des décennies, la transformation de ce tronçon stratégique en véritable autoroute est promise, annoncée, budgétisée… mais jamais réalisée. Résultat : chaque semaine ou presque, des Camerounais y laissent leur vie dans l’indifférence générale. Le geste du ministre, loin de relever de l’héroïsme, traduit l’échec d’un régime qui, incapable d’assurer des infrastructures modernes et sécurisées, se contente de gérer la mort au quotidien et d’offrir à l’opinion des images spectaculaires.
Voir un ministre en costume improviser le rôle de gendarme et de secouriste est peut-être « humain ». Mais c’est surtout le signe accablant d’un État défaillant, réduit à colmater ses propres catastrophes au lieu de prévenir les drames. L’axe Yaoundé-Douala n’avait pas besoin d’un ministre « en spectacle », mais d’une autoroute digne d’un pays qui prétend à l’émergence.
