Panorama papers
Par Jean charles Biyo’o Ella
L’exploitation aurifère artisanale dans le département de la Kadey à l’Est du Cameroun s’est considérablement intensifiée entre 2010 et 2024. Une étude cartographique publiée par l’ong Foder le 15 avril révèle une situation inquiétante.
« La superficie totale des sites miniers est passée d’environ 82,48 hectares en 2010 à 4639,69 hectares en 2024 ».
Ce qui représente une augmentation de 5490 % en l’intervalle de 14 ans, d’après l’étude.
Dans le département de la Kadey rapporte l’étude, trois arrondissements sont davantage touchés : Batouri, Kette et Kenzou où l’impact de l’activité minière a modifié le relief de plusieurs villages. En 2010,
« l’on est parti d’une exploitation sur une superficie de 79 hectares dans ces trois arrondissements, à plus de 3247 en fin 2024 ».
Impacts sur le couvert végétalA Batouri, Kette et Kenzou, l’impact écologique de l’activité minière a fait perdre à la nature plus de 2614 hectares de couvert végétal selon Foder. Sur le terrain, on peut percevoir des champs miniers à perte de vue. Un paysage éventré, un relief modifié, et une population en larme. A Batouri, le village Kambele3 a presque disparu laissant place aux grands trous non restaurés et aux lacs artificiels.
Les communautés autochtones déguerpies pour certaines par la force, sans indemnisations et ni recasement ont été remplacées par une communauté cosmopolitique d’orpailleurs. Sur deux images satellitaires présentées par Foder, l’on constate que l’évolution des des sites miniers à Kambele s’est accrue de manière inquiétante entre janvier 2015 et janvier 2024.
L’artisanat minier et l’exploitation semi-mécanisée ont conduit à la disparition 2025 hectares de terres agricoles. Ils ont été convertis en sites miniers durant les quatorze dernières années. Ce qui représente 44 % de la superficie totale occupée par l’exploitation minière.
Cette conversion a entraîné une diminution des terres arables, contribuant à la hausse des prix des denrées alimentaires et à l’insécurité alimentaire dans la région.
Sur quatre autres cartes comparatives présentées par l’étude pour résumer l’évolution de l’activité minière dans les trois arrondissements (Kette, Kenzou et Batouri), l’on remarque que l’année 2010 n’est représentée que par quelques points en rouges à peine visibles.
Mais entre 2015 et 2020, les points rouges deviennent plus vifs et plus nombreux, jusqu’en 2024 où il ne s’agit plus de points, mais des traits en gras.
« Cette évolution de l’activité minière correspond à l’entrée en scène des engins lourds. Si bien que l’on est parti d’une exploitation artisanale, voire de subsistance en 2010 à une exploitation semi-mécanisée avec les engins excavatrices à partir de 2015 »,
explique Hermine Tanga, cartographe au sein de l’ong Foret et développement rural.
« D’ici 2040, la superficie exploitée pourrait atteindre 7 500 hectares à Batouri, 3 000 hectares à Kétté, et 154 hectares à Kentzou si aucune mesure n’est prise pour réguler l’exploitation minière »,
prévient l’étude.
« Dans l’exploitation d’or, on a 1gramme d’or dans 1000kg de boue » A l’Est du Cameroun, l’activité minière est pratiquée par des artisans au travers des méthodes de débrouillardise, mais aussi par des entreprises majoritairement asiatiques possédant du matériel plus ou moins moderne.
« Pour obtenir un gramme d’or, il faut malaxer en moyenne 1000kg de boue »
rapporte l’étude de Foder qui cite les propos des artisans.
En 2022, la SONAMINES a declaré une production totale de 859,92 kg d’or, en forte hausse par rapport aux 353,63 kg de 2021, pour une valeur estimée à 27,45 milliards Fcfa.
Durant la même période, la société nationale des mines révèle que dans la seule localité de Batouri, le volume de production d’or semi-mécanisé enregistré était de 332232,63g soit un peu plus de 332 kg représentant 37% du volume d’or camerounais.Alors que dans l’arrondissement de Ketté, plus de 80 kg d’or soit près de 9% du volume d’or national.
