Par Léopold DASSI NDJIDJOU
La crise postélectorale au Cameroun a pris un autre virage avec la proclamation officielle et définitive des résultats par le Conseil constitutionnel. Depuis le 13 octobre dernier, au lendemain de la tenue du scrutin, lssa Tchiroma Bakary n’a jamais cessé de clamer sa victoire, replié dans sa résidence à Garoua.
En déclarant ce jour la victoire de Paul Biya avec 53,66% des suffrages exprimés contre 35,19% pour Issa Tchiroma Bakary, le climat explosif et délétère qui enveloppe la contestation des résultats depuis le 13 octobre 2025 est dans le sens du vent. Le matin de ce lundi 27 octobre, jour des résultats, chose curieuse, toutes les rues des grandes métropoles du pays sont désertes, une sorte de ville morte ou de silence plat qui précède les grandes déflagrations.
Avec les résultats proclamés à la mi-journée, en lieu et place des effervescences attendues dans les rues, il y a eu plutôt une reprise de plus belle des manifestations contre le président Paul Biya. Les réseaux sociaux se sont enflammés aussitôt en mettant en première ligne tous les foyers de contestation du pays. Ainsi , dans le septentrion en milieu d’après-midi, est annoncé à Ngong, à 40 km de Garoua, l’incendie des édifices publics, de voitures et deux morts.
Maroua, Douala ( Makepe, Entrée billes, Bilongué, Texaco aéroport, Bependa axe lourd), Yaoundé ( École de police, Palais des sports), Bafoussam ou Ngaoundéré sont vite gagnées par la contestation. Tout se passe exactement comme si tout était bien orchestré pour montrer aux yeux du monde l’étendue de la contestation. D’ailleurs Tchiroma Bakary parle de la victoire du peuple camerounais. Cette victoire, beaucoup entendent la défendre dans la rue mais jusqu’à quand et jusqu’où ?
La boîte de Pandore est effectivement ouverte car dans la rue, les jeunes gens sont déterminés à se battre à coups de projectiles contre les hommes en tenue. Ces jeunes ont-ils compris l’appel de Paul Biya qui une fois sa victoire proclamée, a appelé à l’apaisement?
“La page de l’élection présidentielle étant tournée, je souhaite vivement qu’ensemble, nous nous engageons résolument à bâtir un Cameroun de paix, d’unité et de prospérité. Nous le devons à notre cher et beau pays.”
Avec le regain des hostilités de ce jour, tous les indices sont au vert pour la continuation de la contestation qui a aussi gagné la diaspora. Avec un Issa Tchiroma Bakary plus que jamais convaincu de sa victoire et surtout une volonté de fer manifeste de se battre jusqu’au bout, la force pourrait se révéler insuffisante pour remettre les pendules à l’heure.
Comment faire pour réduire le schisme abrupte entre le camp des vainqueurs et celui des vaincus? Comment faire pour que toutes les parties et donc tous les Camerounais se sentent concernés par l’appel présidentiel? Dans un pays où il est de notoriété que le gagnant rafle tout, que reste-t-il aux vaincus déclarés comme monnaie de change?
Sur le processus électoral, la contestation est vive avec au centre le Code électoral et l’organisateur des élections, Elecam accusée de tous les péchés capitaux. Désormais, comme on peut le voir, la contestation touche l’essentiel du pays: le grand Nord, le grand Ouest,le Centre et l’Est. Quelle espérance pour aguicher une population jeune qui constitue plus de 60% de la jeunesse?
Ce 8ème mandat de Paul Biya, s’il n’est pas de trop, risque d’être celui de la déconstruction d’un mythe, d’un sphinx indeboulonable de la vie politique nationale. Est-ce en définitive le septennat de la transition générationnelle mais sous la houlette du promoteur de Grandeur et espérance ?
