Par Julie Peh
Depuis plusieurs semaines, le scénario semblait écrit d’avance. Les principaux rivaux du chef de l’État avaient été disqualifiés, les grandes figures de l’opposition marginalisées. Le jour du scrutin, la participation n’a guère dépassé 50 %, signe d’un électorat plus résigné que mobilisé.
Alassane Ouattara, au pouvoir depuis 2011, entame donc un quatrième mandat dans un climat où l’essentiel du débat politique s’est déplacé… hors des urnes. Pour ses partisans, cette victoire est celle de la continuité, de la stabilité, de la croissance retrouvée. Il faut reconnaître qu’en quinze ans, le pays a su se reconstruire, attirer les investisseurs, se présenter comme une locomotive économique régionale. Cette stabilité, célébrée par le pouvoir, est aussi devenue un argument pour verrouiller l’espace politique, affaiblir les contre-pouvoirs, réduire le pluralisme à un décor bien ordonné.
Un triomphe sans ferveur
89,77 % , un chiffre qui dit tout et son contraire. Tout, parce qu’il consacre l’homme fort d’Abidjan, incontesté dans les institutions. Son contraire, parce qu’il traduit aussi le vide autour de lui qui est celui de l’absence d’alternance, de contradiction, d’émulation démocratique.
Le plus frappant dans cette élection n’est pas la victoire, mais le silence qui l’a accompagnée. Pas d’euphorie populaire, peu de débats, peu de contestation audible comme si le pays avait fini par s’habituer à ce scénario répétitif où le suspense est banni d’avance. Dans les jours à venir, le Conseil constitutionnel confirmera sans doute les résultats. L’histoire récente de la Côte d’Ivoire enseigne que la paix ne se décrète pas, elle se partage. Et qu’aucune stabilité ne peut durer éternellement si elle n’est pas nourrie d’espérance et de renouveau.
Alassane Ouattara a gagné. Officiellement, brillamment, massivement. Mais dans le regard de beaucoup d’Ivoiriens, cette victoire ressemble moins à un nouveau départ qu’à un éternel recommencement. Un triomphe sans rival, sans ferveur et sans surprise , la victoire du silence démocratique.
