Par Julie Peh
Tout a commencé lorsque le département d’État américain a décidé d’inclure le Mali dans son programme pilote de « visa bond », une mesure imposant une caution financière allant de 5 000 à 10 000 dollars à certains demandeurs de visas touristiques ou d’affaires (B1/B2). L’objectif affiché par Washington est de lutter contre le dépassement de séjour (overstay) observé chez certains ressortissants étrangers. Mais à Bamako, la décision a été perçue comme une atteinte à la dignité nationale et un signal de mépris. Le gouvernement malien a immédiatement dénoncé une mesure
« injuste et discriminatoire », visant spécifiquement les pays africains.
En réponse, le ministère malien des Affaires étrangères a annoncé, le 13 octobre 2025, une mesure de réciprocité, les citoyens américains souhaitant se rendre au Mali devront désormais verser la même caution entre 5 000 et 10 000 dollars pour obtenir un visa d’entrée. Cette décision, rare sur le continent, a été saluée par une partie de l’opinion publique malienne, qui y voit un acte de souveraineté face à une grande puissance.
« Le Mali n’est pas une colonie administrative, mais un État souverain. Nous exigeons le respect de nos citoyens comme nous respectons ceux des autres »,
a déclaré un porte-parole du gouvernement malien.
Face à la montée des tensions, les États-Unis ont finalement annoncé le 23 octobre 2025 le retrait du Mali de la liste des pays concernés par la mesure du “visa bond”. Selon les sources diplomatiques, cette décision viserait à préserver le dialogue bilatéral et à éviter une escalade diplomatique susceptible de compromettre la coopération sécuritaire déjà fragilisée entre les deux pays.
Toutefois, du côté de Bamako, aucune annonce officielle n’a encore été faite sur une éventuelle suspension de la mesure de réciprocité. Pour l’heure, les voyageurs américains restent donc soumis à la caution exigée pour tout visa malien.
Cette affaire intervient dans un contexte de refroidissement diplomatique entre le Mali et les pays occidentaux. Depuis la prise de pouvoir par le colonel Assimi Goïta en 2021, Bamako s’est rapproché de la Russie et s’est éloigné de ses partenaires traditionnels, notamment la France et les États-Unis. Washington, qui a déjà réduit une partie de son aide au développement et suspendu certaines coopérations militaires, voit d’un mauvais œil l’influence croissante du groupe Wagner et la fermeture du Mali à plusieurs organisations internationales. Le dossier des visas, apparemment technique, traduit donc une tension politique plus profonde, celle d’un Mali qui revendique son indépendance diplomatique face à un Occident jugé moralisateur, mais au prix d’un isolement croissant sur la scène internationale.
Alors que les États-Unis tentent d’apaiser le différend en retirant leur mesure, Bamako semble déterminé à faire de cette affaire un symbole d’affirmation nationale.
Pour les analystes, cet épisode marque un tournant : le Mali, désormais tourné vers ses nouveaux alliés, affiche ouvertement son refus des pressions occidentales, quitte à en assumer les conséquences économiques et diplomatiques.
« Ce n’est plus une question de visa, mais une question de respect »,
résume un diplomate ouest-africain.
