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Par Arlette Akoumou Nga Avec le New York Times
Dans la rue, à l’extérieur, un homme qui ressemblait à un jeune Washingtonien comme les autres, avec une veste bleue et un sac à dos, faisait les cent pas. Alors que deux jeunes assistants de l’ambassade d’Israël, qui se fréquentaient, quittaient la réception, il s’est tourné vers eux et a sorti un pistolet 9 mm de sa ceinture, selon une déclaration sous serment du FBI citant des vidéos de surveillance. Il leur a ensuite tiré dessus encore et encore, rechargeant son pistolet, tirant même après qu’ils furent tombés et alors que la jeune femme tentait de s’enfuir en rampant.
Le tireur est ensuite entré dans le musée, où les visiteurs l’ont pris pour un spectateur ayant fui la fusillade, et où quelqu’un lui a offert un verre d’eau. Quelques instants plus tard, lorsque la police l’a appréhendé, il a lancé un cri devenu familier sur les campus universitaires et lors de manifestations dans le monde entier : « Libérez, libérez la Palestine ! »
Les meurtres ont ponctué un moment de tension croissante aux États-Unis et dans le monde entier, alors que les campus, les capitales européennes et la politique américaine ont été transformés par la colère suscitée par l’attaque meurtrière menée par le Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 et la campagne de bombardement dévastatrice d’Israël dans la bande de Gaza.
Partout dans le monde, les agressions contre le peuple et les biens juifs ont fortement augmenté depuis les attaques du Hamas et sont restées à des niveaux historiquement élevés, alors qu’Israël a mené une offensive militaire et un blocus de l’aide qui, selon le ministère de la Santé de Gaza, a tué plus de 50 000 Palestiniens et laissé la population au bord de la famine.
Bien que presque toutes les manifestations propalestiniennes aux États-Unis aient été non violentes, certains critiques, y compris l’administration Trump et Israël, ont accusé les manifestants d’attiser l’antisémitisme et d’inciter à la violence contre les Juifs. De nombreux manifestants et leurs partisans ont déclaré que ces accusations visaient à supprimer la liberté d’expression et le soutien à la cause palestinienne. Le tireur, identifié par la police comme étant Elias Rodriguez, 31 ans, de Chicago, a été accusé jeudi par le département de la Justice de meurtre de fonctionnaires étrangers, de meurtre au premier degré et d’autres crimes.
Jeanine Pirro, procureure intérimaire des États-Unis à Washington, a affirmé que le Département allait « continuer à enquêter sur cette affaire en tant que crime haineux et crime terroriste », et que des accusations supplémentaires seraient ajoutées « si les preuves le justifient ». Elle a précisé que les chefs d’accusation pouvaient entraîner la peine de mort, mais qu’il était trop tôt pour dire si les procureurs allaient s’engager dans cette voie.
Lors de sa comparution devant le tribunal fédéral jeudi, M. Rodriguez, assis calmement dans une combinaison blanche, les mains croisées devant lui, n’a pas plaidé coupable.
La fusillade, survenue peu après 21 h mercredi, a eu lieu alors que les invités quittaient une réception annuelle pour jeunes diplomates organisée par de jeunes professionnels du Comité juif américain.
Les victimes étaient Yaron Lischinsky, qui a grandi en Israël et en Allemagne, et Sarah Milgrim, originaire de Prairie Village, au Kansas, en banlieue de Kansas City. M. Lischinsky, 30 ans, était assistant de recherche au service politique de l’ambassade d’Israël, et Mme Milgrim, 26 ans, organisait des voyages en Israël. Ils formaient un couple et l’ambassadeur d’Israël à Washington, Yechiel Leiter, a déclaré que M. Lischinsky avait acheté une bague de fiançailles cette semaine et était sur le point de demander Mme Milgrim en mariage à Jérusalem. Ils avaient prévu de s’envoler pour Israël dimanche. M. Rodriguez, qui travaillait pour un groupe commercial, l’American Osteopathic Information Association, avait un passé de militant propalestinien. Dans une publication mercredi soir sur le réseau social X, sous le titre « Escalate For Gaza, Bring The War Home », il condamnait à la fois les gouvernements israélien et américain et ce qu’il appelait les atrocités commises par l’armée israélienne contre les Palestiniens. Le message ne faisait pas directement référence à la fusillade de mercredi soir, mais il justifiait une « action armée ». M. Rodriguez avait également diffusé la vidéo d’une marche propalestinienne à Chicago sur X en 2023.
M. Rodriguez a acheté l’arme dans l’Illinois en 2020, selon la déclaration sous serment du FBI. Il a pris un vol de Chicago à l’aéroport national Ronald Reagan mardi, transportant l’arme dans son bagage enregistré et le déclarant. Il a dit à la police qu’il avait acheté un billet pour la réception au musée plusieurs heures avant qu’elle ne commence, selon la déclaration sous serment. Après son arrestation, selon la déclaration sous serment, il a « exprimé son admiration » pour Aaron Bushnell, un membre de l’US Air Force qui a crié à plusieurs reprises « Libérez la Palestine ! » en s’immolant par le feu devant l’ambassade d’Israël à Washington en février 2024.
Jeudi, des agents fédéraux se sont rendus dans l’appartement de M. Rodriguez à Albany Park, dans le nord-ouest de Chicago, où il y avait deux pancartes à la fenêtre. Sur l’une d’elles, on pouvait lire « Justice pour Wadea », en référence à un petit garçon américain d’origine palestinienne âgé de 6 ans qui a été tué à Chicago il y a deux ans lors d’une attaque motivée par la haine antimusulmane. L’autre portait l’inscription « Tikkoun olam signifie Palestine libre ». (Tikkoun olam est une expression qui signifie « réparer le monde » en hébreu.) Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a déclaré que le cri de M. Rodriguez « Libérez la Palestine » était « exactement le même slogan que nous avons entendu le 7-Octobre », lorsque des tireurs du Hamas ont tué 1200 personnes en Israël et en ont emmené 250 autres à Gaza en tant qu’otages.
Le président Donald Trump a écrit sur sa plateforme de réseaux sociaux que « ces horribles meurtres de Washington, manifestement fondés sur l’antisémitisme, doivent cesser, MAINTENANT ! ».
La fusillade fait écho à une série d’attaques visant des postes diplomatiques israéliens dans le monde entier au cours des 19 derniers mois de la guerre à Gaza.
Les groupes qui se penchent sur les crimes haineux ont déclaré que l’attaque du Hamas et la guerre qui a suivi à Gaza ont contribué à alimenter des dizaines de milliers d’incidents antisémites dans le monde, y compris des cas d’agression verbale, d’attaque sur les réseaux sociaux, de vandalisme et de violence sur le thème du nazisme. Selon les experts, les crimes haineux contre d’autres groupes ont également augmenté. Mais l’augmentation des incidents antijuifs a largement dépassé celle des incidents visant tous les autres groupes, selon les chercheurs qui compilent des statistiques à ce sujet.
