Par Arlette Akoumou Nga
«Il y a l’enfant qui est toujours là et puis il y a le grand patron», affirme l’historien Luc Mary à propos d’Elon Musk, dans l’épisode ««Elon Musk : enfance, amours et démesure» du podcast «Scandales». Oui, quoiqu’on dise de lui, Elon Musk est célèbre pour être (ou avoir été) le grand patron de nombreuses entreprises. Zip2, cofondée avec son frère Kimbal, Paypal, Tesla, SpaceX, SolarCity ou encore Neuralink, pour les lister. Monter des entreprises et en racheter d’autres, comme Twitter désormais devenu X, fait partie de sa vie.
Il est membre du cercle très fermé des génies de la tech et est devenu milliardaire grâce à ces sociétés. Mais, même si ces entreprises sont extrêmement prolifiques, Elon Musk ne serait pas le patron rêvé. C’est notamment à cause de son mauvais caractère qu’il a été renvoyé de son poste de directeur général de PayPal, en 2000. «Ce n’est pas qu’il soit lunatique, mais il y a plusieurs personnalités en lui», analyse Luc Mary, auteur du livre Elon Musk : l’homme qui invente notre futur. «Il y a une espèce de collision entre son côté juvénile et son côté inflexible. C’est un patron à la fois sévère et intraitable. Sévère, cool et intraitable, c’est-à-dire que tout va bien tant qu’il n’y a pas de problème.»
Un homme qui fait rêver… ou presque
En public, Elon Musk tente toujours de se donner un air cool en publiant des blagues sur X (anciennement Twitter), en portant des t-shirts Mickey, en buvant du whisky ou en fumant un joint lors d’une émission de télévision. Une image qui fascine, qui hypnotise, comme s’il était l’homme qui pouvait enfin inventer les voitures volantes ou coloniser l’espace, à l’image de films cultes. «J’ai parlé à de nombreuses personnes qui ont travaillé avec lui au fil des années et, pour eux, travailler pour lui a été l’un des moments les plus forts de leurs carrières respectives. C’était une occasion de réaliser l’impossible, à bien des égards, car il a des attentes très très élevées, mais aussi parce qu’il veut faire quelque chose de nouveau et changer le monde», explique Tim Higgins dans l’ouvrage Power Play.
Mais l’homme qui fait rêver est aussi un patron tyrannique. Plusieurs employés l’auraient qualifié de personne injuste, manquant cruellement d’empathie et d’humanité. «Ils disaient tous aussi que c’était incroyablement difficile, et que lorsque ça devenait incroyablement difficile et que ça semblait impossible, Elon pouvait être très exigeant et les rendre responsables de ces échecs», explique le journaliste du Wall Street Journal. «Quand j’ai eu affaire à lui, je l’ai trouvé incroyablement charmant, incroyablement stimulant, avec ces discussions sur le futur, mais il peut aussi être un vrai con.»
La grande question d’Elon Musk
Elon Musk sait comment convaincre et, jusqu’à récemment, il faisait passer les entretiens pour ses futurs employés en personne. Lors de ces rencontres, une question bien spécifique revenait toujours : «Imaginez que vous êtes sur la Terre. Vous marchez un mile vers le sud, un mile vers l’est, un mile vers le nord, et vous vous retrouvez à votre point de départ. Où êtes-vous ?» Une interrogation qui en dit long sur la façon dont le cerveau du milliardaire fonctionne. Pour la réponse : vous êtes au pôle Nord. Quant à ceux qui trouvent la bonne réponse et qui finissent par obtenir un poste dans une des entreprises du génie de la tech, c’est un rêve qui devient réalité… mais aussi l’obligation de tirer un trait sur sa vie privée. Le rythme de travail est, en effet, très intense.
Selon le biographe Ashlee Vance, auteur d’Elon Musk : l’homme qui va changer le monde, le fils de Maye Musk exige plus 80 heures de travail par semaine de ses employés, les délais imposés sont parfois intenables et un ancien ingénieur de chez SpaceX aurait même affirmé qu’il devait demander la permission pour se rendre aux toilettes. «J’ai entendu ces histoires où on raconte que si tu vas le voir, que tu lui dis “ça c’est impossible”, alors il le fait», explique Ashlee Vance lors d’un Google Talk en 2015, ajoutant avoir interviewé des centaines d’employés de SpaceX sur le sujet. «On lui dit que tel projet est impossible, il reprend la main dessus, et il réussit. Et ensuite, s’il réussit, la personne est plus ou moins virée parce qu’elle avait dit que c’était impossible», ajoute le biographe.
Le cas Mary Beth Brown
Cette façon de diriger une entreprise a un nom : le micromanagement. Selon Tim Higgins, Elon Musk peut facilement faire attention à certains détails plutôt futiles, mais qui auront une énorme importance à ses yeux. Un indice qui met facilement en avant le côté pervers du milliardaire. «J’ai entendu des histoires selon lesquelles il se plaignait de polices de caractères, de grammaire ou de ponctuation. Une fois, j’ai entendu une histoire dans laquelle il voulait renvoyer quelqu’un parce qu’il y avait une coquille dans sa présentation PowerPoint», explique le journaliste. Ce management très strict, son ancien bras droit en a fait les frais. Pendant douze ans, Mary Beth Brown, aussi surnommée «l’appendice de Musk», s’est occupée de tout : son double agenda, entre SpaceX et Tesla, ses menus, ses trajets, jusqu’à la garde de ses enfants. Elle vivait et respirait Elon Musk. Face à ces nombreuses responsabilités, Mary Beth Brown a, un jour, demandé à être payée à la hauteur de ses missions. Comme réponse, le milliardaire lui a simplement suggéré de prendre quelques jours de vacances. Pendant ce temps, il reprendrait les responsabilités de son assistante. Une sorte de ruse puisque à son retour, Mary Beth Brown a appris qu’elle venait d’être licenciée. Il n’avait plus besoin d’elle et elle n’a pas eu d’autres choix que de ranger ses affaires et quitter la grande famille Musk. Si de nombreux employés ont déjà fait les frais du management discutable d’Elon Musk, le génie de la tech continue toutefois de fasciner et de faire rêver les plus brillants cerveaux américains… de plus en plus nombreux à vouloir cocher la case Musk sur leur CV.