Par Arlette Akoumou Nga
Le mystère autour de ce court séjour de l’ancien président reste entier tant Kinshasa et ses proches l’affirment sans produire la moindre image.
Dans un communiqué à la tonalité grave, le ministre de la Justice assure avoir donné des injonctions au procureur général près la Cour de cassation ainsi qu’à l’auditeur général des forces armées pour engager des poursuites contre Kabila et ses « complices », sans préciser lesquels.
Parmi les mesures demandées : la saisie de tous ses biens et la restriction de déplacement des cadres de son parti le PPRD, bras politique du Front Commun pour le Congo (FCC).
Jacquemain Shabani, vice-Premier ministre chargé de l’Intérieur, a pour sa part suspendu toutes les activités du Pprd, accusant le parti d’un « silence complice » et dénonçant « l’activisme avéré » de l’ancien président dans le conflit en cours. « Le ministère de la Justice confirme les poursuites judiciaires contre M. Joseph Kabila et ses complices responsables du PPRD/FCC pour leur participation directe à l’agression rwandaise dans l’est du pays à travers le mouvement terroriste AFC/M23. Les mesures de saisie de leurs biens mobiliers et immobiliers ainsi que de restriction de leur mouvement restent de stricte application. Dura lex sed lex » a écrit, dimanche soir, le ministre congolais de la Justice, Constant Mutamba, dans un post sur le réseau social X. Pour Ferdinand Kambere, le secrétaire permanent adjoint du PPRD, ces mesures sont arbitraires et frisent la dictature. Le parti dément la présence de son autorité à Goma et met en garde contre une agitation avant le discours annoncé par l’entourage de Kabila.
Une mesure arbitraire digne de régime totalitaire de triste mémoire. Et puis fondée sur quoi ? Sur des rumeurs. On vit Kabila là-bas sans en apporter une seule preuve. C’est quand même grave ça. Nous, nous continuons à croire que ce sont des affabulations fabriquées par le pouvoir en place pour occulter leur échec dans cette gestion de la guerre, la mauvaise gouvernance. Comme le raïs Joseph Kabila Kabange a vraiment pointé du doigt là où ça blesse, alors il devient le diable parce que simplement il a annoncé qu’il va parler, il a annoncé qu’il veut rentrer et apporter sa contribution, sa pierre. Ce qui est dans ce communiqué le ministre de la Justice vous dit il a fait injonction au procureur général de la République avant même que celui-ci n’envoie rien que des invitations aux gens pour répondre il y a déjà décidé, on devra saisir les biens meubles et immeubles par rapport à quel jugement ? Quelle enquête ? Du populisme au sommet de l’État, imbroglio total…
Jean-Claude Katende, président de l’Association africaine de défense des droits de l’Homme (ASADHO), appelle à la prudence et à la rigueur juridique. Il note toutefois la gravité des accusations portées contre l’ancien chef de l’État.
Tantôt, on dit qu’il est là-bas, tantôt, on dit qu’il n’est pas là. Nous restons sur notre soif comme lui-même avait promis qu’il ferait un discours. À partir de là, les faits qui sont portés contre le président Kabila sont extrêmement graves et exigent des preuves irréfutables que les choses que l’on dit contre lui sont exactement vraies avant de lancer ce genre de poursuites. On peut considérer que le fait pour lui d’aller à Goma soient constitutifs d’une infraction. Ceux qui sont au pouvoir sont pressés d’aller très vite. Mais il est important toujours de documenter suffisamment les faits, même s’ils sont graves pour, qu’une fois la procédure mise en branle, qu’on ne puisse pas dire qu’on a commis des erreurs et qu’il faut faire marche arrière. Elle devra vérifier que toutes les conditions ont été réalisées pour ne pas verser dans l’agitation des politiciens.
Pourquoi les sanctions contre Kabila ?
Selon les premières informations qui nous sont parvenues, l’ancien président congolais aurait effectué un passage éclair à Goma vendredi dernier. Aucune communication officielle ne confirme cette information, mais le ministère de l’Intérieur croit savoir que Joseph Kabila est bel et bien rentré au pays par la capitale du Nord-Kivu et a décidé de suspendre les activités de son parti Pprd.
Pour sa part, le ministre de la Justice affirme que l’ex-chef d’État fait désormais l’objet de poursuites judiciaires et que tous ses biens immobiliers seront saisis. En cause : « l’activisme avéré » et « l’attitude ambigüe » de Joseph Kabila que Kinshasa accuse de collusion avec le M23. Des mesures préventives pour affaiblir le prédécesseur de Félix Tshisekedi, selon l’analyste Christian Ndombo Moleka est le coordinateur de la Dynamique des politiques de Rdc (Dypol).
À ce stade, le gouvernement n’a pas présenté des éléments qui puissent étayer le rapprochement entre Kabila et le M23, si ce n’est les déclarations du chef de l’État et des différents ministres. Quand on prend l’option par exemple de suspendre le parti Pprd parce que le président du Pprd a pris une position, c’est une mesure très forte. Est-ce que le parti est lié à la position de Kabila ? Est-ce que quand on prend les biens – on saisit tous ses biens –, c’est à la suite d’un jugement ? Est-ce une décision unilatérale du ministre de la Justice ? Ce sont à la fois des leviers politiques difficilement justifiables d’un point de vue juridique quand on voit la procédure qui est mise en place, mais qui vise absolument à neutraliser un adversaire politique. On le sait, Kabila est dans une dynamique de retour. Et les retours politiques, pour beaucoup d’affidés de la famille du président actuel, il faut en finir totalement avec lui et cela peut être une stratégie de neutralisation politique d’un adversaire.