world top news
Par Arlette Akoumou Nga
Un opposant de premier plan a été libéré ce samedi en Biélorussie. Sergueï Tikhanovski avait été au cœur du grand mouvement de contestation contre la réélection d’Alexandre Loukachenko, que ce dernier avait écrasé dans la violence. « Sergueï Tikhanovski a été gracié. Treize autres personnes ont également été libérées », a indiqué l’Ong biélorusse de défense des droits humains Viasna, elle-même persécutée par le pouvoir, dans un message sur Telegram.
Selon l’Ong, un journaliste du média Radio Free Europe, une professeure d’université, un homme d’affaires et un militant anarchiste figurent parmi les quatorze personnes libérées. La citoyenne suédo-bélarusse Galina Krasnyanskaya, arrêtée en 2023 pour des accusations de soutien à l’Ukraine, a aussi été libérée, a annoncé le Premier ministre suédois, Ulf Kristersson. Tous se trouvent tous désormais sur le territoire lituanien, où vivent de nombreux opposants biélorusses en exil, dont l’épouse de Sergueï Tikhanovski, Svetlana Tikhanovskaïa.
L’opposante a publié une vidéo la montrant serrer longuement dans ses bras un homme au crâne rasé qui l’embrasse dans le cou. Elle a ensuite diffusé un message, sur X, en remerciant notamment le président américain Donald Trump et « nos alliés européens » pour « tous leurs efforts ». « C’est difficile de décrire la joie dans mon cœur », a-t-elle écrit. « Nous n’en avons pas terminé. 1 150 prisonniers politiques restent derrière les barreaux. Ils doivent être tous libérés », a-t-elle ajouté. « Il est près de moi, avec les enfants. Notre famille rêvait de cela depuis cinq ans et nous travaillions tous pour cela, dès le moment de son arrestation », a-t-elle complété sur Telegram.
La libération de l’opposant a été qualifiée de « nouvelle fantastique » et de « symbole d’espoir » pour tous les prisonniers politiques en Biélorussie, par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, qui a réitéré son appel à « leur libération immédiate », sur X.
Une peine de prison disproportionnée
L’opposant Tikhanovski, 46 ans, animait une populaire chaîne YouTube et voulait défier le président Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis 1994, lors de la présidentielle d’août 2020. Il avait été arrêté en mai, peu avant le scrutin. Après son incarcération, son épouse Svetlana Tikhanovskaïa, qui n’avait alors pas d’expérience politique, avait repris son flambeau et avait mobilisé les foules lors de sa campagne électorale. Mais Alexandre Loukachenko avait remporté le scrutin, avec officiellement 80% des voix. Des dizaines de milliers de personnes avaient ensuite manifesté, pendant des semaines, contre sa réélection, dénonçant des fraudes massives. Les autorités avaient maté le mouvement avec des milliers d’arrestations, des tortures en détention et des centaines de lourdes peines de prison.
En 2021, Sergueï Tikhanovski avait été condamné à 18 ans de prison pour « organisation d’émeutes » et « incitation à la haine », puis à 18 mois supplémentaires pour « insubordination ». Il était détenu dans des conditions très strictes, avec très peu de contacts avec le monde extérieur. En mars 2024, son épouse avait dit n’avoir aucune de ses nouvelles depuis plus d’un an.
« Au moment où on arrête Tikhanovski, c’est surtout pour l’empêcher de se présenter aux élections, rappelle Olga Gille-Belova, maîtresse de conférence à l’Université Bordeaux-Montaigne et spécialiste de la Biélorussie. En revanche, la condamnation en 2021, elle se passe après les élections du 6 août (…). C’est surtout dans ce contexte-là qu’il faut comprendre ces 18 années d’emprisonnement largement disproportionnées par rapport à la menace potentielle que représentait Tikhanovski. » Svetlana Tikhanovskaïa avait quant à elle été contrainte à l’exil, sous pression des autorités. Depuis, elle dirige depuis l’étranger l’opposition ayant fui les répressions.
Le rôle « crucial » de Washington dans cette libération
Sur X, le ministre des Affaires étrangères de la Lituanie, frontalière de la Biélorusse et vivent de nombreux opposants biélorusses en exil, dont Mme Tikhanovskaïa, a indiqué que les quatorze personnes libérées se trouvaient sur le territoire lituanien.
« Le rôle des États-Unis dans cette libération a été crucial ».
a ajouté le ministre lituanien, Kestutis Budrys.
Son homologue polonais, Radoslaw Sikorski, où vivent également des dizaines de milliers de Biélorusses ayant fui les répressions, a lui remercié l’envoyé américain Keith Kellogg.
Ces libérations sont en effet intervenues alors que l’émissaire de Donald Trump pour la Russie et l’Ukraine rencontrait à Minsk le président biélorusse. Le contenu de leurs discussions est resté confidentiel, mais nombreux sont ceux qui estiment que ces libérations sont un gage supplémentaire donné aux Occidentaux en vue d’un allègement des sanctions qui touchent cet allié de la Russie. Depuis un an, le président biélorusse gracie régulièrement un petit nombre de ses détracteurs emprisonnés, ce que les analystes considère comme un signe qu’il cherche à faire baisser la tension avec les occidentaux.
Avant son arrivée à Minsk, Keith Kellog avait qualifié cette visite d’étape qui pourrait contribuer à relancer les pourparlers de paix visant à mettre fin au conflit en Ukraine. Alors qu’à Moscou, certains y voient une tentative américaine de rapprocher la Biélorussie des États-Unis au détriment de la Russie. « Il s’agit évidemment d’une libération qui a été préparée en amont, (…) Je pense que Loukachenko joue le jeu de Donald Trump, qui veut les résultats impressionnants et spectaculaires et surtout très rapides, avance la chercheuse Olga Gille-Belova. Il suffit que Donald Trump souhaite quelque chose pour que Loukachenko l’exécute. »
