Par Léopold DASSI NDJIDJOU de retour de Foumban
Un évènement à marquer d’une pierre blanche dans l’édification d’une Nation camerounaise intégrée surtout à l’heure où les clairons des replis identitaires retentissent sinistrement à travers le territoire national. A l’heure où les communautés sont chauffées à blanc par les officines de la politique politicienne, l’honneur revient en cette heureuse circonstance particulièrement à Njimonkouop VIII Mambafon V, chef de famille Ndam Njoya et Victor Arrey Nkongho Mengot, ministre chargé des Missions à la présidence de la République.
Ils ont conjugué leurs efforts pour venir à bout de de toutes les forteresses et barrières rébarbatives qui se dressaient devant leurs deux familles pour empêcher les deux jeunes qui s’aiment éperdument de se marier. On l’a constaté lors des festivités. La première forteresse qui a sombré comme un château de sable est la différence politique. Amatullah Malika Ndam Njoya est issue des rangs de L’Union démocratique du Cameroun (Udc) alors que Marlon Ako-Difang Mengot vient d’une famille du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc). Le message est passé cinq sur cinq que la politique ne signifie pas intolérance, inimitié, haine ou détestation de l’autre à tout va. On peut être des adversaires politiques et se parler, et s’accorder sur bien de choses qui n’altèrent en rien les différences et les spécificités. L’Udc est et demeure l’Udc tout comme le Rdpc reste égal à lui-même..
Dans ce sillage, le sceau de la neutralité a été marqué par la présence très remarquée des autorités administratives à l’exemple du gouverneur de la région de l’Ouest, le préfet du département du Noun ou le sous-préfet de Foumban qui ont honoré de leur présence ce moment faste et unique, tout comme les membres du gouvernement qui ont tenu à vivre en direct la célébration de ce mariage qui jette les points au dessus des fossés et aplanit les chemins montueux entre les communautés et les peuples. On a vu aux premières loges Célestine Ketcha Courtès, Jean Massena Ngalle Bibehe, Félix Mbayu ou Jean de Dieu Momo entre autres. L’acceptation des différences, le respect de ce que l’autre est, est de toute évidence le socle de la convivialité politique. On a bien compris qu’il ne s’agit en rien d’un accord ou d’une entente politique entre les deux partis politiques.
” Pourquoi se battre pour ouvrir une porte entre nous, quand le mur n’est qu’une illusion “, ont repris les deux mariés, cette citation de Jalal ad-Din Muhammad Rumi sur le billet d’invitation. C’est acté, tous les esprits chagrins qui s’activent pour des dessins inavoués sur les réseaux sociaux devraient mettre un bémol à leur funeste déshérence. L’amour n’a pas une coloration politique. Il n’y a pas un amour dit Rdpc, Udc ou de quelconque parti politique. Il est temps de lâcher les amarres une fois pour toute dans le sens bien compris de donner une chance à la génération suivante de vivre en harmonie, en toute intelligence, loin des clichés, des rustres clivages politiques qui enveniment les rapports politiques de nos jours.
La deuxième forteresse qui en réalité n’est qu’une illusion, est la différence religieuse. Évidemment, l’amour vient à bout de tout. Les deux amoureux et les deux familles sont d’un cran au dessus de la mêlée quotidienne. On a suivi la vibrante prière chrétienne de Mme Mengot dite pour clôturer la cérémonie de mariage. Une bénédiction pour tous les croyants. Une acceptation en dépit des différences religieuses. Le mariage a ainsi été célébré dans la tradition musulmane en la présence de ceux qui sont chrétiens ou autres sans pour autant qu’il y ait eu un quelconque heurt. Ce n’est pas Dieu qui sépare les peuples, mais manifestement le manque d’amour car le Très Haut, le Très Miséricordieux, se définit Lui-même comme étant Amour. C’est ici que la dynamique du dialogue interreligieux a tout son sens. Le Dr Adamou Ndam Njoya de bénie mémoire qui en était un chantre, avait déjà décidé qu’à chaque rencontre de l’Udc, après le chant de l’hymne national, les prières chrétienne et musulmane soient dites à Dieu.
La troisième forteresse domptée est celle de la langue et de la communauté ethnique. L’anglais et le français ne sont pas des barrières à la communication quand on s’aime et s’apprécie mutuellement. L’amour a un langage sublime, au-dessus des langues courantes qui se meurent.
Le chef de la famille Njimonkouop VIII Mambafon V l’a si bien compris, lui qui s’est adressé par exemple à l’assistance en trois langues, dont le français, l’anglais et le Bamoun. Un symbole d’ouverture vers les autres, l’édification d’une capacité d’aller vers l’autre, de l’écouter et de le comprendre. Un mariage entre un anglophone et une francophone, cela se fait, cela se conjugue davantage à tous les temps du futur, et tous ont signifié la gratitude de par la liesse populaire constatée à Njinka Place. Un peu comme pour marquer la volonté de magnifier les valeurs véhiculées par les traditions, le code vestimentaire était traditionnel. Pour finir, Tomaïno Ndam Njoya, la patronne des céans, a montré un peu plus encore l’une des facettes cachées de son immense talent de gestionnaire : la maestria de conduire sans anicroche les évènements courus, sources d’antagonismes divers. C’est cela aussi une fenêtre vers l’avenir.