Par Ilyass Chirac Poumie
À Yaoundé, le pouvoir de Paul Biya orchestre un rapprochement assumé avec la Russie, vu comme un moyen de tourner le dos aux critiques venues d’Europe et d’Amérique. Selon plusieurs sources proches du régime, des émissaires camerounais s’étaient rendus à Moscou avant le scrutin du 12 octobre 2025 pour préparer un message de félicitations post-électoral de Vladimir Poutine, garantissant ainsi un soutien politique immédiat après l’annonce des résultats.
Cette démarche, soigneusement anticipée, s’inscrit dans une stratégie de provocation diplomatique : présenter la Russie comme un allié fidèle face à un Occident jugé hostile et moralisateur. La lettre de félicitations attribuée à Vladimir Poutine, transmise fin octobre, est perçue comme une réponse directe aux critiques occidentales dénonçant une élection verrouillée et entachée de fraudes.
Mais cette lettre suscite désormais la controverse : aucune trace officielle de ce message n’apparaît à ce jour sur le site internet du Kremlin, ni sur celui du ministère russe des Affaires étrangères, encore moins sur celui de l’ambassade de Russie au Cameroun. Cette absence alimente le doute sur la nature réelle ou la portée diplomatique du document, certains observateurs évoquant une opération de communication orchestrée par le régime camerounais pour se donner une stature internationale.
En affichant ce soutien – réel ou mis en scène – venu de Moscou, Biya cherche à envoyer un double message : à l’intérieur, celui d’un dirigeant toujours reconnu sur la scène mondiale ; à l’extérieur, celui d’un régime qui refuse la tutelle politique des chancelleries occidentales. Le geste résonne comme une revanche symbolique dans le jeu d’influence global entre la Russie et l’Occident, dont les relations demeurent profondément dégradées depuis la guerre en Ukraine.
Depuis plusieurs années, Moscou s’impose comme un partenaire alternatif pour de nombreux régimes africains en quête d’appuis politiques et militaires face aux pressions occidentales. Le Cameroun, lié à la Russie par un accord de coopération sécuritaire signé en 2022, fait désormais partie de cette mouvance. Les échanges se sont intensifiés dans les domaines de la défense, de l’énergie et des mines.
Dans ce contexte, le prétendu message de félicitations de Vladimir Poutine à Paul Biya dépasse la simple politesse diplomatique : il illustre la consolidation – réelle ou simulée – d’un axe de défiance face à l’influence occidentale en Afrique centrale.
