Par Julie Peh
Face aux agitations post-électorales, Xavier s’interroge : comment une personnalité ayant longtemps servi l’appareil d’État peut-elle aujourd’hui se présenter comme le porte-étendard de l’alternance ?
« Je crains, écrit-il, que l’opposition camerounaise, souvent amorphe, ne se fourvoie en croyant qu’un ‘insider’ puisse mener à une véritable refondation du Cameroun. »
Le scénario semble familier : un président sortant reconduit, une opposition divisée, et un peuple désabusé. Mais cette fois, note le journaliste, quelque chose a changé. La fatigue du peuple camerounais est profonde. Sa soif de transparence, palpable.
« La détermination citoyenne à ne plus se laisser dicter le résultat par des jeux d’élite est réelle », observe-t-il avec une lucidité forgée au contact du terrain.
Pour Xavier, cette colère collective dépasse le seul cadre camerounais. Elle résonne dans toute l’Afrique centrale, région minée par les successions forcées, les manipulations électorales et l’éternisation des régimes. L’instabilité qui en découle menace directement la paix et l’économie des pays voisins, à commencer par le Tchad, son pays natal.
« L’issue de cette crise dépendra non pas des autoproclamations, mais de la capacité des leaders à répondre à cette fatigue historique du peuple », conclut-il.
Journaliste reporter d’images (JRI) tchadien, Djagbara Xavier s’est imposé comme l’une des voix les plus critiques de la presse indépendante d’Afrique centrale. Après avoir contribué à Tchad24, il a dû s’exiler en France face aux menaces visant les journalistes indépendants.

Diplômé de l’Université de Dschang au Cameroun, Xavier a fait ses armes à Radio Campus, où il dénonçait déjà les conditions d’études précaires des étudiants. Il rejoint ensuite Atipik Group, puis devient correspondant de Tchad24 à Yaoundé, avant de rentrer au Tchad pour poursuivre sa carrière à SalamInfo, puis à Tchad24, où il accède au poste de directeur adjoint de l’information.
Ses reportages, à la fois visuels et percutants, ont porté sur :
- Les crises sociales et humanitaires, notamment les conditions de vie en zones rurales ;
- La corruption et la gouvernance, à travers des enquêtes sur le détournement de fonds publics ;
- Les mouvements de contestation, qu’il documentait au péril de sa sécurité.
Un exil devenu un combat
Contraint à l’exil après un mandat d’arrêt au Tchad, Djagbara Xavier n’a pas abandonné son engagement. En 2025, il fonde ChadiansReporter, une plateforme numérique indépendante portée par des journalistes tchadiens en exil et sur le terrain.

Depuis la France, il coordonne l’équipe, produit des analyses et continue à plaider pour la liberté de la presse et la transparence démocratique.
Son objectif : maintenir un contre-récit médiatique face à la communication officielle et offrir aux citoyens tchadiens une information libre, honnête et sans censure.
Une voix panafricaine de la résistance médiatique
À travers ses écrits et ses reportages, Djagbara Xavier incarne cette génération de journalistes africains qui refusent la compromission. Sa prise de position sur le Cameroun dépasse le commentaire politique : elle traduit une exigence morale, celle d’un continent qui aspire à rompre avec le cycle de l’immobilisme et du pouvoir éternel.
« Il est temps que l’Afrique centrale sorte de ce cycle d’éternisation au pouvoir par des manœuvres politiciennes », martèle-t-il.
Une phrase qui sonne comme un manifeste pour une Afrique enfin maîtresse de son destin.
