Par Joël Onana
Les rumeurs vont bon train sur les droits de douane que pourrait annoncer Donald Trump dès les premiers jours de son second mandat à la présidence des États-Unis. Ce qui n’est pas sans provoquer des remous sur les marchés financiers.
Selon la chaîne de télévision américaine CNN, qui cite quatre sources proches du dossier, le futur locataire de la Maison-Blanche envisage de déclarer une urgence économique nationale afin de justifier légalement l’instauration d’un large éventail de droits de douane universels sur ses alliés et ses adversaires. Il pourrait ainsi recourir à l’International Economic Emergency Powers Act (IEEPA), qui autorise unilatéralement un président à gérer les importations en cas d’urgence nationale.
Rien n’est exclu”, a toutefois indiqué une source à CNN, reconnaissant que la déclaration d’urgence nationale fait l’objet d’une discussion animée.
Pour mémoire, Donald Trump l’a déjà fait en 2019, utilisant l’IEEPA pour menacer le Mexique d’augmenter les tarifs douaniers sur toutes les importations si Mexico refusait de prendre des mesures pour réduire le nombre d’immigrés sans papiers qui traversent la frontière vers les États-Unis. Finalement, après une semaine d’intenses négociations, un accord avec le Mexique a été conclu et les droits de douane n’ont jamais été mis en place.
La menace d’une nouvelle utilisation de l’IEEPA est prise très au sérieux par les investisseurs. L’article de CNN a fait plonger les indices boursiers européens dans le rouge, tandis que les rendements obligataires sont montés en flèche. Le Stoxx Europe 600, qui a gagné jusqu’à 0,49% en milieu de séance, évolue désormais en baisse de 0,55%. Les futures à Wall Street présagent également une baisse des actions américaines à l’ouverture.
Sur le marché obligataire, le taux à 10 ans américain est repassé au-dessus de 4,7%, se rapprochant dangereusement du seuil psychologique des 5%. En Europe, le Bund allemand à 10 ans évolue autour de 2,5%, alors que le Gilt britannique bondit de près de 10 points de base, touchés également par les craintes d’une pression inflationniste persistante au Royaume-Uni.
“La hausse des rendements obligataires est une source d’inquiétude pour les investisseurs en actions, surtout lorsqu’elle est combinée aux spéculations sur ce que Donald Trump pourrait faire”, souligne Lilian Choven, stratégiste chez Coutts & Co. “À court terme, ce sera un défi pour les actifs risqués.”
“Ces premières séances donnent un bon aperçu de ce qui pourrait se passer cette année” en bourse, ajoute Mabrouk Chetouane, stratégiste chez Natixis Investment Managers. “L’inflation, les droits de douane, Donald Trump, la croissance, la politique monétaire: toutes ces préoccupations pourraient être source d’incertitude.”
Une taxe plus ciblée?
Rappelons que ce n’est pas la première fois que des rumeurs sur les tarifs douaniers agitent les marchés. Le Washington Post avait annoncé en début de semaine que les équipes de Donald Trump réfléchissaient à une taxe douanière “universelle” plus ciblée. Seraient concernés certains secteurs sensibles comme l’industrie de la défense, les fournitures médicales essentielles et la production d’énergie.
L’annonce s’était traduite par un “ouf” de soulagement sur les marchés. En particulier pour les valeurs automobiles européennes, que de nombreux stratégistes désignent comme les grandes perdantes de la hausse des tarifs douaniers. Et même si l’information a été démentie par Donald Trump sur son réseau Truth Social quelques heures plus tard, réduisant le rebond des bourses européennes, les investisseurs ont tout de même préféré garder l’espoir de voir s’éloigner le risque d’une guerre commerciale entre les États-Unis et le reste du monde.