Par Arlette Akoumou Nga
Si les autorités du Gabon espéraient que l’exfiltration des Bongo vers l’Angola mi-mai soit suivie d’une certaine discrétion de leur part, elles doivent constater que l’ex-famille présidentielle a décidé de ne pas faire profil bas. « Nous ne nous tairons pas », écrivent Sylvia et Noureddin Bongo, à propos des sévices qu’ils auraient subis à la prison centrale de Libreville puis au sous-sol du palais présidentiel, « six étages en dessous des appartements du président », pendant leurs 20 mois de détention.
À l’appui, ils joignent à leur plainte une vidéo filmée clandestinement le 28 février 2025 par Noureddin Bongo dans le cabinet de la juge d’instruction gabonaise en charge du dossier. On y voit la magistrate, le fils de l’ex-président et son avocate, Me Eyue Bekale, avoir une conversation informelle sur l’affaire. Une autre personne, devant un ordinateur, vraisemblablement une assistante ou une greffière, garde le silence. Noureddin Bongo se plaint des mauvais traitements, de la procédure arbitraire à son encontre, amène la conversation sur le terrain politique. « Il fallait vous mettre hors circuit », lâche la juge… Elle dit avoir reçu des pressions : « il faut les condamner » lui auraient intimé des militaires. Selon le communiqué, d’autres vidéos également versées au dossier montreraient des membres du CTRI avouer des actes de torture.
Quelques jours après avoir déposé devant deux magistrates françaises, les Bongo remercient « la communauté internationale, en particulier l’Union africaine », de leur avoir « sauvé la vie ». Ils accusent le gouvernement gabonais de préparer très prochainement un « procès spectacle » pour légaliser la saisie de leurs biens. « Fouettés, électrocutés, noyés, battus, et bien pire. Entre les coups, nous avons été contraints de signer », écrivent-ils. « La veille de notre départ, nous avons été forcés de signer des documents nous contraignant au silence sur le sort que nous avons subi. Mais nous ne nous tairons pas face à l’injustice. »
Après leur exfiltration vers l’Angola mi-mai, et leur réinstallation à Londres, le procureur avait assuré que les poursuites pour, entre autres, corruption, détournements, ou falsification de la signature du président de la République, contre Sylvia et Noureddin Bongo tenaient, et qu’un procès aurait lieu même en leur absence. L’ex-président Ali Bongo ne faisant pas jusque-là l’objet de poursuites.
De bonne source, l’enquête gabonaise conclut qu’Ali Bongo a reçu 266 milliards de francs Cfa (environ 406 millions d’euros) de virements irréguliers sur son compte bancaire en dix ans. Le parquet estime que plusieurs villas et appartements ont été achetés grâce à des rétrocommissions d’équipements militaires. Il se penche également sur des ventes illégales de pétrole et d’autres produits, acceptées par les anciennes autorités sur fond de corruption.
Pour dénoncer le témoignage d’Ali Bongo de son « ostracisation » et de sa « séquestration » dans sa résidence de La Sablière après son renversement, des officiels gabonais rappellent que des vidéos attestent qu’il y a fêté son anniversaire avec des membres de sa famille, qu’il y a reçu des chefs d’États et d’autres invités dont des journalistes. Par ailleurs, il a à plusieurs reprises refusé de quitter le pays.
Quant aux accusations de torture, elles ont toujours été rejetées par les autorités gabonaises.