Par Sandra Embollo
es rassemblements et scènes de deuil ont éclaté à travers le Kenya qui a rendu hommage à son opposant historique, cinq fois candidat malheureux à la présidentielle, notamment en 2022. Baba (papa en swahili, son surnom) a été Premier ministre de 2008 à 2013. La disparition de cette figure incontournable de la communauté Luo, l’une des plus importantes du pays, laisse un grand vide dans l’opposition kényane.
Le président William Ruto, qui a décrété sept jours de deuil national, est arrivé dans la matinée au domicile familial de M. Odinga à Nairobi, où une foule de partisans s’étaient rassemblés, effondrés, des femmes en larmes criant Baba, d’autres agitant des branches selon une tradition funéraire luo. Dans une allocation à la Nation en début d’après-midi depuis le palais présidentiel, le chef de l’Etat, qui avait battu de peu M. Odinga lors de la dernière présidentielle de 2022, a rendu hommage à l’un des plus grands hommes d’État du Kenya et l’un des plus grands fils de l’Afrique.
L’ancien Premier ministre kényan est mort en Inde. Selon la police locale, il marchait avec sa sœur, sa fille et son médecin lors d’une promenade matinale lorsqu’il s’est soudainement effondré et a été conduit dans un hôpital où il a été déclaré mort. Son frère a indiqué plus tard qu’il était probablement mort d’une crise cardiaque, selon l’autopsie. Son corps devrait être rapatrié au Kenya jeudi et des funérailles d’Etat seront organisées dimanche, avec différents hommages dans les prochains jours.
Né le 7 janvier 1945, Raila Odinga était issu d’une dynastie politique. Son père Jaramogi Oginga Odinga fut le grand perdant de la lutte pour le pouvoir après l’indépendance du Kenya en 1963, au profit du premier président Jomo Kenyatta.
Cette figure de l’opposition kényane a plusieurs fois été emprisonnée pour avoir combattu le régime à parti unique ou contraint à l’exil sous la présidence autocratique de Daniel Arap Moi (1978-2002). En 2007, sa contestation de la victoire de Mwai Kibaki dégénère en sanglantes violences ethniques, faisant plus de 1.100 morts et des centaines de milliers de déplacés.
Influent
Opposant à William Ruto, à l’origine de rassemblements contre la politique économique du gouvernement en 2024, il s’était depuis plusieurs mois rapproché du président, qui l’avait d’ailleurs soutenu en février pour le poste de président de la Commission de l’Union africaine, élection également perdue.
Un peu moins de deux ans avant la présidentielle, le Kenya perd l’un de ses acteurs politiques les plus influents. Un grand homme qui a accompli de grandes choses, laissant le pays sur une voie incertaine, a déclaré l’analyste politique Barrack Muluka.
Il jouissait d’une large audience nationale. On ne peut en dire autant de personne d’autre, a-t-il ajouté à l’Afp. Puisque M. Odinga a mené presque seul l’alliance politique avec M. Ruto, qui l’avait battu lors du scrutin de 2022, celle-ci est désormais morte et enterrée, a-t-il aussi estimé.
Panafricaniste
Réputé pour ses talents d’orateur, M. Odinga avait cependant vu son charisme s’éteindre quelque peu avec l’âge.
Son décès suscite une vive émotion au Kenya et dans le reste de la région où de nombreux dirigeants, ainsi que l’Union africaine, ont rendu hommage au leader panafricaniste et visionnaire. Martha Karua, qui avait participé comme colistière à la campagne de M. Odinga en 2022 et est d’ores et déjà aussi candidate à la présidentielle de 2027, a salué dans un communiqué un camarade inébranlable dans la lutte pour la seconde libération. Le Premier ministre indien Narendra Modi a déclaré sur X que M. Odinga était un homme d’État imposant et un ami chéri de l’Inde.
