Par Ilyass Chirac Poumie
Kerawa (État de Borno)
Les flammes illuminaient encore la nuit de jeudi lorsque les premières images de l’assaut ont circulé sur les réseaux du groupe jihadiste. Des combattants de Boko Haram, armés et surexcités, mettaient le feu à la caserne militaire de Kerawa tout en scandant « la victoire appartient à Dieu ».
Selon les informations recueillies par Klein Reporters, la ville est désormais sous contrôle total du groupe, après plusieurs heures d’affrontements qui ont contraint les forces nigérianes à battre en retraite.
« Je n’avais d’autre choix que de fuir au Cameroun », témoigne Abubakar, un habitant joint par téléphone. Des centaines de familles ont embarqué à bord de camions pour franchir la frontière et trouver refuge dans les villages camerounais voisins, tandis que d’autres ont pris la route de Maiduguri, la capitale régionale.
Les témoins décrivent une cité déserte, jonchée de ruines et de cendres. « Boko Haram contrôle la ville », confirme Dauda Hassan, désormais réfugié à Pulka, une localité voisine où quelques unités de l’armée nigériane sont encore stationnées.
L’attaque de Kerawa intervient moins de deux semaines après celle de Banki, une autre ville frontalière du même État, où des insurgés avaient déjà pris d’assaut une caserne, pillé les dépôts d’armes et forcé les soldats à la fuite.
Cette nouvelle offensive traduit une reprise de la dynamique territoriale du groupe terroriste, qui, selon plusieurs organisations de veille humanitaire, a tué au moins 7 000 chrétiens et déplacé plus de 5 000 personnes vers le Cameroun au cours des neuf derniers mois.
À Kerawa, les habitants se disent abandonnés.
Yakubu Mabba Ali Kirawa, chef du groupe local de développement, appelle à une intervention immédiate de l’armée fédérale : « Les milices et les civils sont les seules forces de défense encore présentes depuis le retrait de la force multinationale en août. Nous ne tiendrons pas longtemps. »
Les analystes soulignent que ce retrait, décidé après une précédente attaque, a laissé un vide sécuritaire exploité par Boko Haram pour reprendre son emprise sur la région.
Fondé en 2002 et devenu l’un des groupes jihadistes les plus meurtriers du continent, Boko Haram continue de semer la terreur dans le nord-est du Nigeria et les zones frontalières du Cameroun, du Niger et du Tchad.
Malgré les opérations conjointes de la Force multinationale mixte (FMM), le groupe conserve des poches de résistance, notamment autour du lac Tchad et des axes stratégiques de Borno.
L’offensive contre Kerawa pourrait marquer une nouvelle phase de reconquête territoriale après plusieurs mois de repli.
Les autorités camerounaises surveillent désormais de près les points de passage frontaliers, tandis que les Ong redoutent une crise humanitaire aiguë avec l’arrivée de milliers de déplacés dans les régions de l’Extrême-Nord.
