Par Sandra Embollo
L’une des premières choses demandées à celui qui vient d’être élu pape dans la chapelle Sixtine – une fois qu’il a accepté la charge – est de savoir comment il souhaite être appelé. L’élu a alors deux possibilités. Soit il choisit le nom d’un saint de l’Église catholique, comme le fit le cardinal Bergoglio en adoptant le nom de François, en référence au saint d’Assise, à son style de pauvreté, son amour du Christ et de la création. Soit il s’identifie à un prédécesseur. L’exemple le plus récent fut Jean-Paul II, qui adopta spontanément celui qu’il remplaçait, Jean-Paul Ier, décédé au 33e jour de son pontificat en 1978.
Le cardinal Robert Francis Prevost a pris la seconde option. Mais pourquoi aller chercher la longue série des papes Léon, devenant ainsi Léon XIV? Le nouveau pape expliquera en détail pourquoi il a voulu ce nom inattendu mais l’on sait que Léon XIII, pape italien de 1878 à 1903, l’un des pontificats les plus longs de l’histoire, 25 ans, a laissé un triple héritage dans le patrimoine catholique. Le nouveau pape envisage probablement de s’y identifier et de le perpétuer.
Le premier est le catholicisme social. Ce n’est pas un catholicisme de gauche, car Léon XIII condamnera autant le socialisme que le libéralisme, mais un catholicisme soucieux de la justice sociale, face aux conditions pitoyables des ouvriers à la fin du XIXe siècle. Il publiera en 1891 la célèbre encyclique, Rerum Novarum, à propos des «nouveautés» de la société de l’époque. Elle entrait dans l’ère moderne avec les usines, la technologie et ses conséquences. Il fustigera, dans ce document, «la concentration, entre les mains de quelques-uns, de l’industrie et du commerce devenus le partage d’un petit nombre d’hommes opulents et de ploutocrates qui imposent ainsi un joug presque servile à l’infinie multitude des prolétaires.»
Léon XIV ne sera pas un autre Léon XIII
Le second héritage est intellectuel car Léon XIII relança l’étude du thomisme, la philosophie et la théologie de Saint Thomas d’Aquin, dans une encyclique, Aeterni Patris, accompagné de la création de l’académie pontificale Saint Thomas d’Aquin à Rome. Il encouragea aussi l’édition des œuvres de Saint Thomas d’Aquin et l’étude scientifique de ses textes. Ce pape lança également les études bibliques et l’exégèse.
Le troisième héritage de Léon XIII est la netteté doctrinale. Ce pape, qui fut aussi un grand diplomate, publia des dizaines d’encycliques. Il condamna par exemple le divorce, la franc-maçonnerie, l’esclavage. Il précisa la nature des relations entre le pouvoir de l’Église et le pouvoir civil et politique, tout en soutenant la liberté humaine.
Léon XIV ne sera pas un autre Léon XIII, mais cette filiation s’annonce intéressante à l’heure des nouvelles technologies de l’information et d’une mutation profonde des sociétés humaines, un quart de siècle seulement après le début du troisième millénaire.