Par Cynthia Konan Tawa
La scène politique béninoise est de nouveau en ébullition. Le projet de révision constitutionnelle porté par le président Patrice Talon, qui prévoit l’instauration d’un Sénat, suscite une vive controverse. Présenté par le chef de l’État comme un moyen de « renforcer l’architecture institutionnelle du pays », le texte est perçu par une partie de la classe politique comme une tentative de consolidation du pouvoir exécutif.
L’ancien président Boni Yayi, aujourd’hui chef de file du parti Les Démocrates, a exprimé son rejet catégorique du projet, qu’il qualifie de « manœuvre politique dangereuse » visant à « verrouiller les institutions » et à affaiblir davantage l’opposition. Selon lui, « la création d’une deuxième chambre parlementaire dans un contexte de restrictions démocratiques ne vise qu’à consolider le contrôle du régime sur le processus législatif ».
Du côté du pouvoir, les partisans de Talon défendent une réforme « moderne et nécessaire », inspirée des grandes démocraties parlementaires. Le porte-parole du gouvernement a assuré que le Sénat permettra de « mieux représenter les collectivités locales » et d’apporter « une expertise supplémentaire dans l’élaboration des lois ».
Cependant, plusieurs observateurs dénoncent un climat politique tendu, marqué par l’exclusion de nombreux opposants des dernières élections et par le resserrement du cadre des libertés publiques. Pour eux, cette réforme s’inscrit dans une logique de concentration du pouvoir et pourrait compromettre l’équilibre institutionnel instauré depuis la Conférence nationale de 1990.Le Bénin, longtemps considéré comme un modèle démocratique en Afrique de l’Ouest, connaît depuis quelques années un durcissement politique. Depuis l’arrivée de Patrice Talon au pouvoir en 2016, plusieurs réformes constitutionnelles et électorales ont suscité la controverse.
Le duel entre Talon et Yayi, deux figures historiques de la vie politique béninoise, symbolise la fracture entre une vision technocratique du pouvoir et une revendication de pluralisme démocratique.
La création du Sénat, si elle est adoptée, marquerait un tournant majeur dans la structure institutionnelle du pays — mais au prix d’une nouvelle bataille politique entre deux anciens alliés devenus adversaires irréductibles.
