Par Léopold DASSI NDJIDJOU
Le régime Biya peut-il se passer de la majorité présidentielle dont la construction a commencé en 1992 avec les premières élections législatives ? Rien n’est moins sûr. Au fil des ans, les différents résultats législatives ou parlementaires attestent que Paul Biya peut stabiliser son pouvoir sans alliance avec le Mouvement pour la défense de la République ( Mdr) qui a deux députés), le Front du salut national du Cameroun (Fsnc) qui a trois sièges et enfin l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (Undp) qui a sept députés. Alors que le Rassemblement démocratique du peuple camerounais ( Rdpc), compte 152 députés sur les 180, comment comprendre qu’il continue à entretenir année après année cette alliance de gouvernement qui visiblement au regard du menu fretin de son opposition alliée, semble inopportune. Que se passe -t-il pour que le départ annoncé d’Issa Tchiroma Bakary de l’alliance fasse tant jaser?
Il ne pèse que 3 députés, tout comme Bello Bouba Maigaïri n’en a que 7, et la seule éventualité de rompre l’alliance met les nerfs de certains tenanciers du pouvoir à rude épreuve. Les deux hommes ne pèsent que le poids de 10 députés sur les 152 dans la besace du Rdpc. Comment le comprendre?A dire vrai, Bello Bouba Maigaïri et Issa Tchiroma Bakary sont des sortes de fusibles, des visages de l’antique opposition du terroir et donc crédibles, entre le peuple de l’opposition du Grand Nord et le président Paul Biya. C’est pourquoi d’aucuns ne prennent aucune précaution pour déclarer publiquement que s’il existe une alliance entre le Grand Nord et le pouvoir, cette alliance est faite avec Paul Biya et non avec une quelconque entité à l’exemple du Rdpc.
Le terrain politique de plus en plus volatile dans le septentrion, combinée à une situation sécuritaire préoccupante, sont là les signaux malfaisants que quelqu’un a ouvert quelque part à l’aune de l’élection présidentielle d’octobre prochain, la boîte de Pandore est que les esprits maléfiques pourront entrer en jeu pour un oui ou pour un non. Aller à cette élection avec ses alliés d’hier dans le dos particulièrement remuant, signifie sans conteste que le terrain sera très glissant pour le Rdpc dont le bilan de la longévité aux affaires sera très difficile et pénible à défendre à tout au moins dans cette partie du pays gangrenée par l’insécurité et les effets du dérèglement climatique entre autres.
Issa Tchiroma Bakary a d’ailleurs annoncé les couleurs en donnant un récital en langue fufulde sur l’identité du coupable désigné des malheurs populaires. Tout semble indiquer que l’opposition aura le beau rôle de dire ce qui n’a pas été fait pendant les 40 dernières années, ou bien ce qui aurait dû être fait. C’est avouer que les dignitaires du Rdpc dans le septentrion vont vivre pour une fois en direct, la chaleur de la campagne présidentielle avec une opposition aguerrie soufflant sur les braises du mécontentement populaire.
L’alliance entre Paul Biya et le Grand Nord est en route pour être ce qu’un serpent qui vit en mer éprouverait si on le jetait dans le chaudron du sahel. Pour autant, tant que l’arbitre n’a pas encore sifflé la fin de la partie, avec l’homme du renouveau sur l’aire de jeu, il peut toujours sortir une de ces feintes à déchirer la culotte de ses adversaires si ce n’est de donner une attaque cardiaque aux supporters qui jubilent sa défaite dans les gradins.
En attendant samedi le 28 juin prochain, où Bello Bouba Maigaïri dira toutes ses intentions politiques, tous les paris sont ouverts pour la tenue de la présidentielle dans le septentrion en octobre avec les briscards Bello et Tchiroma dans la surface de réparation du Rdpc, déterminés à l’envoyer au village.